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Dialogue art-science – une ingénierie créatrice d’innovation, par Claire Leroux, directrice du laboratoire ARNUM

Peut-on penser de la même manière les rapports entre art et science à l’époque de…
Publié le 3 décembre 2012
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Peut-on penser de la même manière les rapports entre art et science à l’époque de Vinci, de Copernic, de Galilée, de Descartes, de Darwin ou de Wiener ?
Si le thème est en vogue, les clichés demeurent, issus d’une méfiance réciproque et, au fond, d’une méconnaissance.

Succédant à une vision qui s’illustre encore sous la IIIe république, séparant, aux frontons gravés de ses lycées, les sciences (à droite) et les arts (à gauche), notre époque entend réinscrire le rapport art-science dans la forme du dialogue. En effet, il n’y a jamais eu autant de projets de recherche, de financements et de rencontres art-science que ces dernières années, avec un intérêt réciproque. On peut s’interroger sur la raison d’un tel revirement de situation, mais il n’a rien de nouveau : les histoires des arts et des sciences se superposent épisodiquement. Les aléas sont provoqués dans les deux sens par les excès qui conduisent à l’incompréhension ou à la déréalisation. Associer les contraires provoque une autorégulation (quels que soient les moyens mis en œuvre pour y parvenir), alors que, laissés en vase clos, ils se radicalisent. Une idée sans borne devient abstraite et se détache des valeurs et de l’éthique. L’art contemporain par exemple, trop libre et autoréférencé, n’est plus compris, ce qui a conduit à une importante crise de l’art en 1995. La science, seule, ne s’intéresse plus qu’à son objet. C’est ainsi que Szilard, alors qu’il était révolté par l’utilisation de la bombe atomique, a conçu une bombe au cobalt aux effets bien plus dévastateurs.

Les frontières se dissipent à nouveau grâce à l’action conjuguée de passeurs, de décloisonneurs dans l’après-guerre, parmi lesquels Wiener, Bachelard ou Morin. La méfiance s’estompe et la curiosité dans la pluridisciplinarité renaît. C’est la raison pour laquelle j’ai créé, au sein de l’ESIEA, le laboratoire ARNUM – Art et Recherche Numérique – qui est un espace d’échange, d’innovation et d’expérimentations croisées entre artistes et ingénieurs en sciences et technologies du numérique. Les réalisations finalisées sont consultables dans les rapports de la recherche de l’ESIEA et celles en cours ici.

En ce qui concerne les échanges, j’ai pu constater certains points communs – essentiellement en termes de compétences – entre les deux parties malgré les différences d’objectifs, de moyens et de vocabulaire. Et ce sont elles qui rendent possible la finalisation de projets transversaux. Pourtant, elles ne sont pas développées de la même façon et au même niveau en art et en science, ce qui permet une complémentarité productive. Commençons par la créativité, inhérente à toute innovation, qui est certainement la compétence la plus difficile à acquérir et à enseigner car elle résiste aux rassurantes méthodes dites de créativité. Elle se situe même à l’opposé de ces recettes censées l’encourager : pour être créative, l’idée doit avoir quelque chose d’unique, d’original, de spécifique. Provoquer la créativité des étudiants ingénieurs en exigeant d’eux la formulation complète d’une idée originale depuis son commencement jusqu’à son aboutissement les contraint à déplacer leur centre d’intérêt de la réalisation technique vers la conception d’une part, et d’autre part vers la valorisation et la diffusion de leur travail. Les artistes le savent bien, le savoir-faire n’est rien sans le faire savoir. L’ouverture d’esprit et l’adaptabilité sont indispensables à la compréhension mutuelle des objectifs et du processus de réalisation. Quant à la rigueur, elle se mesure au respect de ce qui a été prévu – cahier des charges / maquette – du planning – dead line / vernissage – et en terme de qualité – tests fonctionnels / « qualité musée ».

A l’originalité des échanges, des processus et des projets est le plus souvent associé un véritable plaisir à travailler ensemble. La réémergence du dialogue art – science rend à nouveau possible la mutualisation des savoirs et des techniques pour l’aboutissement de réalisations toujours valorisantes dans lesquelles l’imagination créatrice retrouve sa place centrale.

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