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La langue française dans les écoles d’ingénieurs : remédiation par des outils numériques, une étude de cas à Grenoble INP – Esisar

Maîtrise de la langue et réussite scolaire La baisse du niveau en langue française dans…
Publié le 21 juillet 2017
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Maîtrise de la langue et réussite scolaire

La baisse du niveau en langue française dans toutes les strates de la société est une réalité dont la presse se fait régulièrement l’écho. Les récentes études ainsi que les statistiques sont inquiétantes, notamment en ce qui concerne la jeunesse.

Qui aurait pu dire, il y a quelques années, que la situation chez nos étudiants aurait nécessité des actions de remédiation que plusieurs écoles n’ont pas hésité à mettre en œuvre ?

Et pourtant, le niveau social qu’atteindront nos futurs diplômés est des plus confortables.

Les raisons qui font que le niveau en orthographe n’est plus comparable à celui qu’avaient nos aînés du siècle dernier sortent du cadre de l’article. Cependant, force est de constater qu’il devient parfois difficile de s’appuyer uniquement sur la maîtrise de la langue écrite de certains de nos contemporains pour en déduire leur niveau social.

À Grenoble INP – Esisar, nous sommes confrontés, sur ce point, à la même situation que celle que rencontrent les enseignants des autres écoles d’ingénieurs, notamment celles en cinq ans. Notre mission n’est-elle pas de former les futurs cadres qui correspondent aux attentes des entreprises, aussi bien au niveau technique que dans la communication orale et écrite ?

Si les étudiants admettent naturellement que rigueur et technique vont de pair, il nous appartient de leur montrer qu’il doit en être de même pour la communication, surtout au sein des entreprises qui les emploieront.

Depuis six ans que l’Esisar s’est engagée à apporter aux étudiants les moyens de redresser leur niveau en langue française, il a été établi qu’il existe une forte corrélation entre leur mention obtenue au baccalauréat et leur maîtrise de la langue.

Cependant, l’obtention d’une mention très bien aujourd’hui n’est plus synonyme de bonne maîtrise de la langue française comme il était courant de l’affirmer il y a quelques années.

À l’autre extrémité de l’échelle, les étudiants éprouvant de grandes difficultés ne réussissent que rarement à valider la 1re année, hormis les cas de dyslexie ou de dysorthographie, ce que corroborent les résultats de la première évaluation de leur niveau en langue française lors de leur arrivée à l’école et le taux d’échec constaté en fin de 1re année.

Cette constatation ne fait que vérifier les propos du mathématicien Laurent Lafforgue (1) lorsqu’il rapporte que le défaut de maîtrise du français chez les étudiants est la première cause de difficultés insurmontables rencontrées par les professeurs de mathématiques et de sciences.

Ces difficultés, chez nos étudiants, relèvent-elles d’un manque d’autovigilance orthographique ou bien de lacunes ? Ces dernières ont, a priori, été pointées du doigt puis, comme pour tenter d’atténuer la gravité du phénomène, on s’est rassuré en avançant que les efforts exigés par les matières scientifiques avaient conduit les étudiants à être moins attentifs à la rigueur orthographique.

Pour vérifier cette hypothèse, il a été décidé, il y a trois ans, de mettre en place des exercices écrits à difficultés ciblées pour lesquels les étudiants n’avaient, comme préoccupation, que la mise en pratique de certaines règles de la langue.

Nous avons alors observé que plus de 50 % des étudiants n’étaient pas capables de respecter ces quelques règles. Ceci ne peut pas être attribué uniquement à un manque d’autovigilance.

L’action à mener doit donc s’articuler autour de deux axes auxquels il convient d’en ajouter un troisième : l’exemplarité. Que ce soit à travers la qualité des supports pédagogiques et des courriels ou par les actions de communication engagées par les établissements, le rôle des encadrants est essentiel, tant il est vrai qu’une partie de l’apprentissage procède d’abord par imitation.

Sensibilisés au problème du manque de maîtrise de la langue, les étudiants, au regard de la remédiation, adoptent des attitudes très disparates. Entre ceux qui admettent qu’il leur est nécessaire de progresser et qui, de bon cœur, utiliseront les ressources que l’école a mises à leur disposition et ceux qui, englués dans une fatalité trop longtemps entretenue, considèrent que plus rien ne peut être fait pour les aider, se trouvent un nombre non négligeable d’étudiants qui ne comprennent pas la situation.

En effet, confortés par l’obtention du précieux sésame qui leur a ouvert les portes de l’enseignement supérieur, ils n’admettent pas que leur niveau en langue française soit remis en question. La plupart avaient certainement eu fort à faire avec l’orthographe et les dictées dès le primaire puis, ayant franchi les étapes du collège et du lycée sans que leurs faiblesses ne les pénalisent outre mesure, ils avaient considéré que, côté langue française, « tout était gagné ». Parmi ceux-ci, il y a les inconditionnels des correcteurs orthographiques qu’ils considèrent comme la panacée, ce qui les amène à s’interdire tout effort sur le sujet.

Quant à la maxime qui associe une orthographe malmenée à une image ternie de la personne, elle produisait certes des effets bénéfiques à une certaine époque, mais plus de nos jours.

L’évaluation diagnostique de 1re année montre qu’environ 85 % des étudiants ont besoin d’une remédiation. Ceci va leur demander un effort inattendu que certains ne sont pas prêts à fournir.

Alors que pour leurs aînés cet effort relevait de la période de l’école primaire, pour ensuite devenir un automatisme, nos étudiants avouent que, en raison du nouveau rythme de travail, ils n’ont pas, ou si peu, de temps à consacrer pour améliorer leur maîtrise de la langue.

À l’Esisar, pour redresser le niveau en langue française des étudiants et souligner l’importance que l’école y attache, nous avons mis en place l’ingénierie pédagogique suivante :

–       quelques cours et TD de communication écrite ;

–       la mise à disposition d’une plateforme en ligne (Orthodidacte).

Cet outil, accessible à tout moment, permet aux étudiants de progresser en autonomie et ce, sans surcharger leur emploi du temps.

 

Depuis maintenant six années que la plateforme Orthodidacte est utilisée, des changements de comportement ont été observés : même si l’on déplore une forte disparité au niveau des résultats, les statistiques montrent que le redressement est en bonne voie et que les étudiants commencent à prendre conscience de l’importance de la langue française.

Pour la promotion actuelle, en fin d’année, 50 % des étudiants ont atteint le niveau attendu (soit 16/20 à l’évaluation en ligne). Bien que tous aient progressé, et certains de façon remarquable, la tâche est encore rude.

Une enquête menée auprès de ces mêmes étudiants a permis de savoir que presque tous admettent la nécessité d’une remédiation et reconnaissent que les ressources d’Orthodidacte correspondent à leurs besoins.

Certains osent même témoigner de leurs progrès : « On me disait toujours que j’étais faible en orthographe, vous au moins vous faites quelque chose pour m’aider et ça m’encourage. »

Comment, maintenant, inciter tous nos étudiants à attacher davantage d’importance à la remédiation en langue française, et ce, tout au long des cinq années d’études ?

Des pistes sont actuellement à l’étude :

– étendre la mise à disposition de la plateforme Orthodidacte aux étudiants des cinq années ;

– obtenir de la part des enseignants moins de complaisance face à l’accumulation des fautes, c’est une condition nécessaire ;

– encourager les étudiants à faire de l’orthographe une voie d’excellence, c’est l’objectif.

Nos regards se portent également vers la Certification Le Robert, examen professionnel en ligne qui pourrait devenir un atout dans les CV de nos étudiants.

Enfin, pour compléter la panoplie des actions menées et affirmer l’engagement de l’établissement, Grenoble INP – Esisar réfléchit à la mise en place d’un concours d’orthographe ludique destiné aux élèves des écoles d’ingénieurs.

Bernard Glossi
Ingénieur-enseignant en électronique numérique
et administrateur d’Orthodidacte pour Grenoble INP – Esisar

 

(1) Laurent Lafforgue : Extrait du Court plaidoyer en faveur de la grammaire – 11 mars 2011 au Sénat.

 

À propos de Bernard Glossi

Bernard Glossi est ingénieur-enseignant en électronique numérique. Il enseigne l’architecture des ordinateurs dans le module Système matériel et logiciel.

Depuis plusieurs années, il a constaté la baisse régulière du niveau en langue française des étudiants. En 2010, lors d’une présentation de la plateforme en ligne Orthodidacte, il a été convaincu que cet outil était la solution dont les étudiants avaient besoin pour améliorer leur maîtrise de la langue française.

La direction de Grenoble INP – Esisar a rapidement validé ce choix et l’école est devenue, en 2011, la première école d’ingénieurs à mettre cette plateforme à disposition de ses étudiants.

En novembre 2016, il a participé au lancement officiel de la Certification Le Robert (https://www.youtube.com/watch?v=eWFDKrAFoA0), examen professionnel en ligne qui avait été testé à l’école par 350 étudiants en février de cette même année.

Actuellement, il a en charge le dossier qui conduira à mettre en place une remédiation en langue française pour les formations en alternance de plusieurs écoles d’ingénieurs.

 

À propos de Grenoble INP – Esisar

L’ Esisar forme des ingénieurs maîtrisant toutes les compétences propres aux systèmes, depuis les systèmes et composants électroniques jusqu’à la programmation et le génie logiciel, en passant par la robotique, les réseaux, les circuits et systèmes de communication, les systèmes d’information.

Cette formation orientée « système » s’appuie notamment sur le tissu industriel local, très présent dans les domaines de l’aéronautique, des automatismes, de la monétique et de l’impression. Elle s’appuie également sur la plateforme technologique Esynov, plateforme dédiée aux  systèmes embarqués, à la radiofréquence et à la sécurité.

L’Esisar diplôme chaque année une centaine d’étudiants, dont une vingtaine par la voie de l’apprentissage.

Ces étudiants ont vocation à occuper des emplois techniques à responsabilité et des postes de direction dans ces professions. La majorité des diplômés travaille en Auvergne-Rhône-Alpes et en PME.  Les diplômés mettent un mois en moyenne pour trouver un emploi et occupent des fonctions de cadre.

Pour mieux répondre aux besoins des entreprises sur les compétences demandées aux ingénieurs formés en systèmes intelligents, l’Esisar a développé une expertise sur la sûreté et la sécurité des systèmes, avec notamment :

– la mise en place de la chaire d’excellence industrielle, Trust, avec la Fondation de Grenoble INP et trois entreprises partenaires (Ingenico,  InnovistaSensors et GRDF)  ;

– l’organisation de la finale européenne de CSAW,  plus grand concours académique mondial sur la sécurité ;

– la création d’un plateau de formation, NumericLab, dédié à la cybersécurité.

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