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La place de l’entreprise dans les CPGE en débat lors des rencontres de l’APHEC

Avec l’aimable autorisation de NewsTank. Faut-il faire une place à l’entreprise dans le programme des…
Publié le 23 novembre 2017
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Avec l’aimable autorisation de NewsTank.

Faut-il faire une place à l’entreprise dans le programme des CPGE économiques et commerciales ? Cette question fait débat lors des secondes rencontres de l’APHEC, le 17/11/2017, à l’ESCP Europe, qui ont pour objet d’envisager un meilleur continuum entre classes préparatoires et grandes écoles. À cette occasion, Frank Bournois, directeur général de l’ESCP Europe, déclare : « Un point essentiel du continuum est de faire entrer le principe de la réalité de l’entreprise dans la vie des étudiants ».

Un point de vue partagé par l’APHEC, puisqu’à l’issue des réunions du groupe de travail qu’elle forme avec l’APLCPGE et une quinzaine d’écoles de management, elle propose aux classes préparatoires d’expérimenter en juin 2018 une période de stage en entreprise d’une à deux semaines pour les élèves de 1re année.

« Ce projet sera appliqué cette année dans une quarantaine de CPGE, dont Janson de Sailly à Paris, Joffre à Montpellier, Montaigne à Bordeaux, etc. », déclarait Alain Joyeux, président de l’APHEC, dans une interview à News Tank, le 15/11/2017. Interrogé sur la possibilité d’étendre ce stage à une période plus longue, Alain Joyeux indique que les « lycées à classes préparatoires n’ont pas le droit de signer de convention de stage pendant les vacances scolaires » ; un point qu’il souhaiterait voir évoluer.

Selon Chantal Collet, proviseure du lycée Saint-Louis (Paris) et vice-présidente de l’APLCPGE, « il faut permettre à nos élèves de se projeter, ce qu’ils ne font absolument pas. Ils passent des concours, mais ne savent pas du tout ce qu’ils veulent faire ».

Cependant, cette arrivée de l’entreprise en CPGE n’est pas souhaitée par tous. Eloïc Peyrache, directeur délégué de HEC Paris, en charge de la grande école, « n’est pas vraiment d’accord avec cette idée de stage ». « Ils vont en faire tellement après ! J’adore l’idée qu’ils arrivent sans savoir ce qu’ils veulent faire. C’est à nous de réussir à les passionner autant que ce que les prépas ont fait », déclare-t-il. Certains représentants d’entreprises présents lors de cette journée partagent cette vision : « Ne mettons pas trop vite les pieds dans l’entreprise ! », disent David Simmonet, diplômé de l’Essec et PDG d’Axyntis, et Julien Henault, diplômé de Rennes school of business, manager et consultant chez Mazars.

Ce à quoi Alain Joyeux répond : « Tous nos élèves ne sont pas les mêmes, les meilleurs s’éclatent, mais d’autres ont besoin aussi d’un petit éclairage concret ».

 

Un État des lieux positif pour les CPGE et le Sigem

Les participants à la table ronde organisée par l’APHEC dressent un état des lieux positif de la situation des classes préparatoires économiques et commerciales.
« Du point de vue des demandes, la tendance a augmenté depuis trois ou quatre ans », déclare Chantal Collet, proviseure du lycée Saint-Louis (Paris) et vice-présidente de l’APLCPGE. Jean-Christophe Hauguel, président du Sigem, indique que « le nombre de classes prépa est assez stable, notamment les ECE et ECS, et il y a eu quelques créations d’ECT ».
Côté concours, le nombre de places a lui aussi augmenté, selon le président du Sigem : « 50 places supplémentaires sont ouvertes pour le concours 2018, pour atteindre 7 800 ; avec une répartition qui n’est pas homogène parmi les écoles ». Il ajoute que la « population de candidats est stable depuis deux ou trois ans, avec 10 800 inscrits ».

D’après Frank Bournois, directeur général de l’ESCP Europe, les CPGE contribuent à la réussite des écoles : « Nos écoles françaises de management ont la chance d’être, à l’échelle mondiale, dans le haut du classement. Si c’est le cas, c’est parce qu’il y a une filière amont aval, et que le travail fait dans les CPGE nous amène des élèves d’une qualité exceptionnelle. De plus, contrairement à ce qu’on peut entendre, le modèle est exporté, il n’est pas seulement franco-français et ce ne sont pas que des entreprises françaises qui s’intéressent au recrutement des étudiants français ».

 

Une concurrence de Dauphine et des universités

Néanmoins, Chantal Collet ajoute que « nous allons aussi plus loin dans le classement des étudiants ; par exemple, dans mon lycée, je demande désormais 63 élèves pour avoir une classe de 48 à la rentrée. J’imagine qu’un certain nombre d’entre eux partent à l’Université Paris-Dauphine ou à l’international. D’autres ont un peu peur du travail énorme qu’on demande en classe prépa, et ils ne savent pas toujours que ce sont des parcours très sécurisés. De plus, les universités proposent des doubles licences très attractives qui sont également sélectives. »

 

Plus de programmes et moins de préparationnaires dans les écoles

Interrogé au sujet de la part d’étudiants issus de classes préparatoires dans les grandes écoles, Frank Bournois déclare : « Dans les années 80, le taux de préparationnaires dans les effectifs de l’ESCP Europe (tous programmes confondus) était autour de 80 %. Depuis, les écoles ont largement diversifié les programmes, même si le PGE reste le bateau amiral. Sont venus les MS, les MBA et les bachelors… Ainsi, les élèves qui sortent d’une classe prépa représentent désormais entre 30 et 50 % des effectifs. Ces changements sont liés à la dimension internationale qui a amené une grande mutation dans les écoles, et notamment la nécessité de générer des moyens dans ce contexte de compétitivité. »

 

« On pourrait avoir plus de CPGE et plus d’élèves » (J.-C. Hauguel)

Représentants des CPGE et des écoles s’accordent sur cette réussite et ils s’interrogent sur la nécessité d’ouvrir de nouvelles classes. Pour Jean-Christophe Hauguel, la réponse est positive : « Dans certains endroits, on pourrait avoir plus de CPGE et plus d’élèves, mais, pour des raisons politiques, on ne cherche pas à augmenter cette population ». Un point de vue partagé par Alain Joyeux, président de l’APHEC, qui dit « attendre » l’ouverture de nouvelles classes compte tenu du nombre de candidats : « En filière ECS, nous avons 10 candidats pour une place ; il y aurait vraiment matière à en ouvrir de nouvelles », dit-il. Cependant, il indique également « ne pas avoir l’impression pour l’instant [que les prépas] sont dans les priorités du ministère ». « C’est peut être une bonne nouvelle parce que, ces deniers temps, quand on pensait à nous ça n’était pas forcément positif », ajoute Alain Joyeux.

 

« La filière doit être 2+1+2 et non pas 2+3 » (Alain Joyeux)

Selon Jean-Christophe Hauguel, CPGE et grandes écoles peuvent « faire des choses indépendamment du gouvernement ».

Du côté des prépas, Alain Joyeux souhaite changer l’image des CPGE : « Nous avons eu le tort, pendant des années, d’être sur la défensive. Nous allons essayer de changer notre façon de présenter ce que nous faisons, de montrer notre valeur ajoutée. L’idée de filière en cinq ans n’est pas perçue de l’extérieur. On s’imagine la prépa comme deux années où l’on travaille beaucoup, un concours extrêmement stressant, et l’arrivée en grande école qui serait comme une libération. Mais, dans les faits, cette dernière étape n’est pas toujours très bien vécue par tous nos étudiants. Il faut aussi comprendre que le concours n’élimine pas les candidats, il les répartit ».

De plus, écoles et associations de professeurs et de proviseurs souhaitent améliorer le continuum entre CPGE et grandes écoles, en misant notamment sur la 3e année de la filière. « Comme dit Alice Guilhon [directrice générale de Skema BS], la filière doit être 2+1+2 et non pas 2+3 », déclare Alain Joyeux. « L’année de prémaster est vraiment une année charnière », affirme Frank Bournois.

Alors que Jean-Christophe Hauguel considère que « les élèves sont compétiteurs en classe prépa, alors qu’ils ont ensuite besoin de devenir collaboratifs, ce à quoi ils ne sont pas forcément très bien préparés ».

Chantal Collet estime que « les professeurs de CPGE demandent à leurs élèves de travailler ensemble ». « Ça ne veut pas dire qu’ils sont prêts à travailler ensemble de manière spontanée, mais il ne faut pas s’imaginer que les professeurs les pousseraient à travailler seuls dans leur coin. De plus, l’objet des CPGE est l’excellence académique, on ne peut pas à la fois travailler sur cela et accompagner les étudiants dans tous les aspects du travail sur soi », ajoute-t-elle.

 

« CPGE et écoles doivent mieux se connaître » (Alain Joyeux)

Selon Alain Joyeux, cet échange « est la preuve que CPGE et écoles doivent mieux se connaître ». « Notre image est un peu troublée par notre appellation, car elle nous assimile à une sorte de bachotage intensif pour le concours. Or, la CPGE apporte des compétences de savoir et de savoir-être qui vont au-delà du concours, nos élèves nous le disent », affirme le président de l’APHEC.

Pour favoriser une meilleure connaissance mutuelle, le groupe de travail formé par l’APHEC, l’APLCPGE et des écoles formulent deux propositions, comme l’indiquait Alain Joyeux à News Tank le 15/11/2017 :

  • En décembre 2017, les écoles membres du groupe de travail fourniront aux CPGE des documents vidéo d’une dizaine de minutes, afin de leur présenter des domaines du management et de les préparer à la pédagogie des grandes écoles.
  • Inversement, les CPGE produiront également des vidéos à destination des professeurs d’école — notamment étrangers — pour mieux leur présenter les profils des élèves de prépa et les compétences qu’ils acquièrent en CPGE.

 

Une évolution de la filière vers le numérique ?

Outre les questions de meilleure connaissance entre CPGE et école, et d’introduction de l’entreprise dans les prépas, la problématique du développement du numérique se pose également aux acteurs de la filière. Tandis que les grandes écoles communiquent sur diverses innovations, qu’en est-il des classes préparatoires ? « Les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’il y a 15 ou 20 ans », reconnait Alain Joyeux, qui estime que « la pédagogie peut évoluer dans la mesure où les épreuves du concours évolueraient ». Et de proposer : « On pourrait mettre en place une épreuve où l’on donne aux étudiants un petit dossier documentaire, et la possibilité d’avoir accès à internet pendant une heure ou deux. On pourrait ainsi évaluer leur capacité à rechercher et hiérarchiser l’information. On les habituerait à faire des choix, ce qu’on leur demande toujours en école et jamais en prépa. Il n’y a pas de solution toute faite, mais il faut qu’on y réfléchisse… »

Le président de l’APHEC indique néanmoins que la question de la numérisation du concours et de l’évolution du programme que cela impliquerait « n’est pas au cœur des discussions ouvertes » du groupe de travail sur le continuum. « Sans doute pourrait-on y réfléchir. Mais le premier enjeu sera logistique », déclare-t-il.

 

Groupe de travail sur la numérisation du concours

Christian Chenel, directeur des admissions et des concours à la DAC — qui gère notamment la BCE —, présent dans l’assemblée, indique qu’il proposera le 23/11/2017 à l’assemblée de la BCE de mettre en place un groupe de travail sur la numérisation du concours. « Ce n’est pas la DAC qui décidera des évolutions des programmes, mais nous pouvons lancer des pistes d’un point de vue technique », indique-t-il.

L’idée avait été lancée par son prédécesseur, Philippe Régimbart, désormais délégué général de la CGE, qui indiquait le 18/04/2017 dans une interview à News Tank évoquer deux approches :

  • « La première, la plus simple et réalisable à court ou moyen terme, serait de maintenir les épreuves sur support papier et de numériser ensuite les copies. Cela permettrait notamment de minimiser les risques de pertes de copies et d’économiser sur les frais de transport.
  • La seconde, plus lointaine et soulevant plus de difficultés, serait de dématérialiser tout le concours. »
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