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L’approche par les compétences pour anticiper les nouveaux métiers : le cas de la santé publique

L’employabilité des jeunes diplômés s’impose mondialement comme un critère majeur dans le choix de son…
Publié le 28 juin 2018
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L’employabilité des jeunes diplômés s’impose mondialement comme un critère majeur dans le choix de son école. Traditionnellement liée à la puissance du réseau d’Alumni, elle était essentiellement évaluée sur la base des enquêtes réalisées par les établissements auprès de leurs jeunes diplômés. Elle fait désormais l’objet d’un classement spécifique, notamment à l’initiative du magazine Times Higher Education qui publie depuis 2011 le “Global University Employability Ranking”. Les établissements d’enseignement supérieur y sont précisément classés eu égard à leurs capacités d’insertion des étudiants au sortir de la formation. “L’employabilité” des diplômés s’évalue ici à partir de critères tels que la qualité des relations avec les entreprises ; les expériences professionnelles au cours des études ; le développement de soft skills pendant la formation ; la durée de la recherche d’un premier emploi ; et enfin les perspectives d’évolution salariale.

Le médiéviste britannique Richard W. Souhtern avait montré que déjà dans ses premières structurations européennes du 13e siècle, l’université avait vocation à former en vue d’une prise de responsabilité que l’on appellerait aujourd’hui  « professionnelle », que ce soit dans un cadre civiles, militaire ou religieux. Si cette mission demeure au travers des siècles, sa réalisation a évolué avec le temps. Tous les établissements d’enseignement supérieur ont professionnalisé l’accompagnement et l’orientation, introduit des mécanismes pour une exposition précoce au monde professionnel, développé l’enseignement du savoir-être. Ces dispositifs ne suffisent plus à favoriser l’insertion professionnelle des jeunes diplômés. Selon les statistiques nationales fournies par l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) l’entrée sur le marché du travail est plus facile qu’il y a dix ans, avec des emplois plus stables, des premiers salaires à la hausse et des durées de recherche en baisse. Pourtant, les mondes professionnels semblent parfois démunis face à l’apparition constante et rapide de nouveaux métiers pour lesquels ils manquent de candidats qualifiés. Dans un contexte de transformation rapide de tout, il est demandé aux établissements d’anticiper les évolutions des métiers et de préparer leurs jeunes diplômés à un parcours professionnel évolutif, fortement réactif aux contraintes externes et caractérisé par des besoins de coopération inter-métiers et inter-cultures.

Soumis à des transitions majeures et concomitantes (épidémiologique, démographique, technologique, crise des systèmes de santé, crise de confiance) le champ de la santé publique est à ce titre un laboratoire de la transformation rapide des besoins en compétences ainsi que des modes d’exercice professionnel. Comment dès lors l’EHESP assure-t-elle l’employabilité de ses jeunes diplômés ? Le système de santé et son environnement sont confrontés à une profonde réorganisation et à une redistribution des compétences entre des acteurs qui auparavant interagissaient peu. Aussi, la répartition des rôles entre acteurs publiques et privés, entre hôpital et médecine de proximité, entre patients et praticiens, entre chercheurs et personnels, est fortement remise en jeu. Le marché du travail a besoin de professionnels capables d’impulser l’innovation, qu’elle soit technologique ou organisationnelle, de réinventer les modèles économiques, de transférer les connaissances pour modifier les pratiques, de fournir des preuves, de manier les évaluations et les études d’impact, de savoir intégrer la sécurité et la sureté dans les démarches qualité, de comprendre les enjeux liés à l’utilisation des données massives en santé.

C’est ainsi que l’EHESP a mis en œuvre dans ses masters l’approche par les compétences et les métiers, en s’appuyant essentiellement sa proximité historique avec les milieux professionnels. Née en 1945 d’abord comme un service de l’institut national d’hygiène à Paris, puis comme grand établissement de service public autonome à Rennes (ENSP), elle est devenue un établissement de l’enseignement supérieur en 2008, tout en gardant sa mission d’origine qui est la formation des cadres du ministère des affaires sociales et des établissements hospitaliers. Elle accueille aujourd’hui des centaines d’étudiants dans ses formations diplômantes (Masters et Mastères) qu’elle conçoit avec une forte mobilisation des milieux professionnels de la santé publique (acteurs des politiques de la jeunesse, du handicap etc.).

L’approche par les compétences est l’un des dispositifs les plus efficaces pour associer les milieux professionnels à la formation. Le master 2 « Enfance, jeunesse : politiques et accompagnement» en est une illustration. Nombreux sont les acteurs régionaux et nationaux intervenant dans le domaine de la jeunesse : le Direction régionale de la jeunesse des sports et de la cohésion sociale de Bretagne (DRJSCS), l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), le Comité régional des associations de jeunesse, les missions locales, les Ligues départementales de l’enseignement, la Sauvegarde de l’enfant à l’adulte, plusieurs collectivités locales bretonnes (conseil régional, conseils départementaux, municipalités et agglomérations), la Fondation Yao (fondation ayant pour objet de soutenir les projets de création d’entreprise par les jeunes). L’EHESP s’est engagée, notamment par la création de Chaires de recherche dédiées, dans des partenariats avec la plupart de ces acteurs qui facilitent la préparation à l’employabilité des jeunes diplômés. Ces acteurs deviennent en effet des pourvoyeurs de stages, ainsi que des viviers d’enseignants-praticiens. Ils renforcent la visibilité de la formation en termes d’attractivité et de débouchés professionnels.

C’est lors de la rédaction concertée d’un référentiel de compétences que leur contribution est sans doute le plus visible, pour identifier ensemble les compétences nécessaires à introduire dans la formation afin de répondre aux besoins du marché de l’emploi. Ce travail constant permet aux équipes pédagogiques d’expliciter les compétences acquises par les étudiants au cours de la formation, de les traduire en termes d’objectifs pédagogiques et de les rendre visibles auprès des employeurs.

L’approche par les compétences a conduit à intégrer dans les cursus des travaux collectifs d’envergure permettent une préparation à la prise de poste pendant la formation. Inspirées des « capstone projects » de l’univers nord-américain, des commandes de travaux et des situations réelles sont proposées par les professionnels. Pour la réalisation de tels projets, les étudiants sont co-encadrés par un enseignant de l’EHESP ainsi que par les professionnels à l’origine de la commande. Le projet fait l’objet d’un rapport écrit et d’une présentation orale collective qui permettent aux étudiants de développer des compétences de synthèse et d’analyse, dans une démarche réflexive sur la situation étudiée et leur propre posture.

Lors du stage long obligatoire (21 semaines) un système d’accompagnement individualisé renforcé (dont le suivi est assuré conjointement par les enseignants et les tuteurs professionnels) permet de faciliter l’entrée en stage, un bon déroulement des missions et la qualité des productions finales.

En choisissant une approche par les compétences, l’EHESP encourage de fait la mixité des publics en formation, dont certains sont en formation initiale et d’autres en formation continue, ce qui se relève être un atout majeur dans l’acquisition des compétences professionnelles. Les savoirs issus de l’expérience de terrain sont ainsi transmis dans le cadre de la formation, en même temps que les savoirs académiques diversifiés et pluridisciplinaires, immédiatement appliqués à des mises en situation réelles.

Impliqués en amont et pendant la formation, ce sont donc les mondes professionnels qui contribuent à la grande employabilité des jeunes diplômés de l’EHESP, très en phase avec les évolutions des métiers de demain.

 

Alessia Lefébure
directrice des études
EHESP

A propos d’Alessia Lefébure

Directrice Adjointe en charge des Etudes à l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP)

Diplômée de Sciences Po et titulaire d’un doctorat en Sociologie des organisations, Alessia Lefébure a rejoint l’EHESP en 2017. Sa carrière internationale dans l’enseignement supérieur et la recherche l’a amenée à prendre de responsabilités en Europe, aux Etats-Unis et en Asie. Elle a vécu six ans à New York où elle a dirigé l’Alliance, un laboratoire d’innovation en recherche et formation, entre l’Université Columbia, l’Ecole Polytechnique, Sciences Po et l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

Elle avait auparavant fondé et animé à Sciences Po, de 2006 à 2011, le Centre Asie-Pacifique-Afrique-Moyen-Orient, pivot de la stratégie institutionnelle de partenariat académique de l’établissement dans ces régions. Entre 2001 et 2006, elle a été en poste à Beijing, à l’Université Tsinghua, où elle a ouvert et dirigé l’antenne de Sciences Po en Chine (la première à l’étranger).

Trilingue italien, anglais, français, elle parle également le mandarin. Ses recherches et ses enseignements actuels portent sur les politiques d’enseignement supérieur comparées, notamment en Chine, en Asie et aux Etats-Unis. Elle a enseigné à l’Université Tsinghua, à l’Université Columbia (SIPA-School of International and Public Affairs) et à Sciences Po.

Elle est l’un des co-auteurs de China Innovation Inc., paru aux Presses de Sciences Po (2012), ainsi que d’un ouvrage sur l’enseignement supérieur en Asie paru aux presses de l’Institute for International Education (IIE) à New York , Asia : the Next Higher Education Superpower ? (2015).

La qualité de son action en faveur de la coopération académique internationale a été récompensée par le Marshall Mémorial Fellowship (MMF) du GMF en 2010 et par le prix d’excellence de la French-American Foundation en 2014. Fortement mobilisée sur les questions d’education, d’environnement et de droits civiques en lien avec l’action sociale, Alessia Lefébure est engagé dans les conseils scientifiques et comités d’experts d’un grand nombre d’organisations, notamment Bibliothèques sans frontières, Africa Mediterraneo, Institut de l’engagement, Data Pop Alliance, Sustainable Development Solutions Network (SDSN).

A propos de l’EHESP

L’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP) est un établissement public qui exerce une double mission de formation et de recherche en santé publique et action sociale. L’EHESP est l’école de référence pour les cadres du système de santé publique.

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