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Les Alumni, vecteurs de transformation de la culture universitaire ?

L’université américaine fait face à des changements accélérés : pression du numérique, mondialisation, tensions socio-économiques…
Publié le 30 avril 2018
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L’université américaine fait face à des changements accélérés : pression du numérique, mondialisation, tensions socio-économiques et idéologiques, regards sceptiques des décideurs politiques. Dans ce contexte on pourrait imaginer les Alumni comme autant de “gardiens du temple” et des traditions, attachés à ritualiser une expérience idéalisée.  Il est de fait que le poids des Alumni dans certains domaines – business, droit, médecine – fait que leur interventions est décisive et parfois pour mettre terme à des évolutions lancées par des décideurs académiques. On ne donne pas voix à des milliers de diplômés sans voir jouer des effets de d’influence !

Pourtant, l’on observe souvent l’inverse. La relation aux Alumni permet à l’institution dans son ensemble, et plus finement même aux niveaux des centres, départements et instituts, d’initier et de soutenir des évolutions, facteur de transformation dans la culture des universités.

Rappelons que les Alumni représentent une composante de l’excellence des universités américaines et nord-américaines. Comment ? On mentionne souvent les ressources financières qu’elles et ils apportent. Mais ce n’est qu’un aspect de cette contribution. Pensons au rôle que joue les Alumni en tant que partenaires des formations académiques; du mentoring des étudiants, aux possibilités de stages, aux partenariats industriels qu’ils peuvent susciter; à leur participation à des conseils spécialisés – “industry advisory boards”, et du financement d’infrastructure aux chaires d’excellence. Nous reviendrons sur ces dernières.

Une mesure clé de la relation aux Alumni est leur ‘engagement’. Les associations des Alumni et les fondations collectent et suivent avec attention ces points de contacts. Parmi les catégories de suivi dans les data, plusieurs portent sur la dimension “académique” : des Alumni invités à témoigner en classe; de leur rencontre avec des professeurs, directeurs, doyens, sur le campus ou n’importe où dans le pays; des conférences auxquelles elles ou ils participant de par leur expertise professionnelle; à ces conseils stratégiques de spécialité, ou les “boards of visitors” de département ou centre. Leur apport est tout à fait unique. Pourquoi ?

Elles et ils apportent un regard extérieur. Un bouffée d’air frais. Dans nos universités, comme en France d’ailleurs, nous avons une tendance encore forte à rester entre nous sur nos campus et trop souvent, fixés sur le court terme, par nécessité. “le nez dans le guidon”.

Un regard extérieur expert, certes,  d’une autre nature que l’expertise du travail de recherche, mais absolument nécessaire à ce que nos programmes et nos diplômés aient conscience de l’évolution du monde professionnel, de plus en plus rapide et complexe.

Enfin – et cela qui différencie la voix des Alumni – c’est qu’elles et ils sont “des nôtres”. Leur intérêt et le nôtre, à long terme, convergent. Le rayonnement de notre institution est aussi la leur. Une fierté partagée. Qui plus est, nous les avons invités à nous retrouver, nous leur offrons des forums sur le campus, ils ont accepté notre invitation à nous donner leur avis.

Par conséquent, lorsqu’ils parlent, nous avons tendance à écouter. Leurs avis portent d’une manière particulière. La critique peut-être parfois dure à entendre, mais elle vient de personnes “bienveillantes” vis à vis de l’institution. Nos collègues des fondations dissent souvent: “Ask for advice and you will get money”; dans cette boutade, il y a la réalité que lorsque les Alumni s’engagent par leur feedback, lorsqu’elles/ils prennent le temps de se pencher sur nos programmes, il en ressort souvent un : “how can I help?”.

C’est une relation tout à fait unique. Ces voix extérieures et “amies” accélèrent les évolutions, dans certains cas permettent de dépasser les blocages.

Nous sommes bien loin de la relation qui consiste à voir les Alumni par le biais de leur carnet de chèques ou, inversement, pour les anciens de se focaliser sur le “service” que peut/doit offrir “l’alma mater”.

Utopie ? Pas du tout. Certaines de nos universités et grandes écoles en France travaillent déjà dans cette direction. Des relations conçues dans cet esprit et qui sont capables de faire se retrouver des centaines d’anciens et leur alma mater vont entrainer des transformations, de l’intérieur, qui sont difficiles à imaginer de toute autre manière.

Les relations Alumni comme vecteurs de changement sont tissées avec une perspective de long terme. C’est aussi une action qui implique une collaboration approfondie. Associer des Alumni à l’élaboration de scenarios pour l’avenir de l’institution enrichit la réflexion et ces échanges peuvent accélérer les réalisations stratégiques. A l’université du Wisconsin à Madison – et on pourrait retrouver ces programmes dans la majorité des grandes universités nord-américaines -, deux Alumni, parmi les plus généreux de l’histoire de l’institution, ont fait un don initial de $100 millions pour la création de chaires d’excellence sur le campus en entier, et mis au défi d’autres Alumni de “matcher” ce don : au total plus de 300 chaires d’excellence sont en cours de création. La nature de ces chaires est formulée en collaboration entre les donateurs, les leaders de l’institution et les départements et programmes, qui savent comment utiliser cette manne par rapport à leurs objectifs. Quel effet de levier lorsqu’on cherche à réaliser une stratégie de formation et de recherche ! Remarquons que ces dons sont en grande majorité de personnes privées, Alumni ou “amis” de l’Université !

Le travail de relation aux Alumni à grande échelle lancé par plusieurs écoles et universités française est le fondement indispensable d’échanges qui vont concrétiser des pans entiers de visions stratégiques. A un niveau plus modeste, mais plus immédiat, le retour des Alumni dans les murs de nos établissements, le contact avec étudiants et professeurs, l’apport de leur expérience professionnelle sont autant de fenêtre ouvertes sur le monde extérieur et des opportunités, autant de facteurs d’évolution des pratiques et mentalités.

 

Gilles Bousquet
Professeur
Conseiller spécial du Président de l’université du Winsconsin
Ancien doyen

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