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Camille Fromaget & Renaud Dor Fondateurs du Projet SOURCE

Comment le projet est-il né ? Ce projet est né de l’initiative de deux étudiants…
Publié le 22 septembre 2013
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Comment le projet est-il né ?
Ce projet est né de l’initiative de deux étudiants de EMLYON Business School : Camille Fromaget et Renaud Dor, désireux tous deux de réaliser un projet d’économie solidaire profitable au niveau français et ce avant d’entrer dans la vie active.
C’est ensuite notre intérêt pour l’entrepreneuriat et l’international qui est à la base de ce projet.
Nous avons constaté lors de nos études secondaires et préparationnaires que l’enseignement occidental ne s’intéressait que très peu à l’entrepreneuriat dans les pays africains, sud-américains et asiatiques (en dehors de quelques exceptions) et que pourtant cet entrepreneuriat devait être plein de richesses. En effet, l’entrepreneuriat présent dans ces régions est ce qu’on pourrait dire un entrepreneuriat primaire et naturel : les individus entreprennent par nécessité et le plus souvent sans savoir ce qu’implique être réellement dirigeant d’« entreprise ». Nous avons alors décidé de partir à la rencontre de ces entrepreneurs dans leur milieu d’origine afin d’étudier leur comportement et leur vision de ce que nous appelons « entrepreneuriat ».

En rencontrant des institutions telles que le LESSAC ou le Département de Recherche en Entrepreneuriat de EMLYON afin de réaliser les protocoles utiles à cette étude, nous nous sommes très vite aperçus que l’entrepreneuriat que nous allions rencontrer n’était pas si éloigné d’un entrepreneuriat de plus en plus présent dans notre société : « l’entrepreneuriat par nécessité » (expression de Alain Fayolle, directeur du Département de Recherche en Entrepreneuriat de EMLYON et chercheur émérite dans ce domaine).
En effet, de plus en plus d’individus en France se voient aujourd’hui obligés d ’entreprendre non plus par vocation ou par opportunité mais par nécessité n’arrivant plus à subvenir à leurs besoins vitaux (chômeurs de longue durée, jeunes diplômés, personne issues de quartiers défavorisés).Tout comme dans les régions que nous souhaitions au départ visiter, ces personnes deviennent « entrepreneurs » par besoin naturel sans être prédestinées au départ à devenir créateurs et dirigeants d’entreprise.

Néanmoins, la différence majeure entre ces personnes françaises et les personnes que nous allions rencontrer est, qu’en France, le statut d’entrepreneur est connu et reconnu au point d’avoir créé un certain complexe, un mythe : la création d’entreprise semble être réservée à un cercle d’initiés, une élite possédant capital financier et capital culturel.
Nous avons ainsi fait le pari suivant : briser ce mythe et ainsi promouvoir la création d’entreprise auprès de ces personnes françaises en situation de précarité en nous appuyant sur une étude internationale de ce phénomène.

En collaboration avec un réseau de partenaires institutionnels et de recherche nous avons monté le Projet SOURCE, qui en recueillant des témoignes et des données expérimentales auprès d’entrepreneurs partout dans le monde se destine à produire un documentaire de sensibilisation à la création d’entreprise ainsi qu’un manifeste entrepreneurial fournissant les clefs fondamentales à toute personne, même en situation de précarité, voulant créer sa propre activité.

Comment le projet est-il financé ?
Le projet a reçu dès le départ le soutien d’institutions œuvrant contre l’exclusion sociale par l’emploi.
Notre travail avec les entrepreneurs locaux comprenant toute une étude de leur comportement et de leur psychologie, le LESSAC (Laboratoire d’Expérimentation en Sciences Sociales et Analyse du Comportement de Dijon) intéressé par ce travail et nos données est devenu notre premier partenaire financier. Ce sont ensuite la Fondation EMLYON, Entrepreneurs pour le Monde ainsi que notre école EMLYON Business School qui se sont joints financièrement au projet en échange des outils que nous produisons actuellement sur base de notre étude. La CCI de Lyon, également intéressée par cette étude et ces outils pour la région Rhône-Alpes est devenue par la suite également partenaire financier.
Ces partenariats nous permettent de financer 70% du projet, le reste étant financer en
fonds propres dans l’attente de nouveaux partenariats.

Comment le tour a-t-il été organisé ?
Les pays ont été sélectionnés en premier abord par le potentiel entrepreneurial lié au phénomène de nécessité. Plus exactement, dans chacun des pays que nous visitions 90% des entrepreneurs présents ont dû entreprendre non pas par opportunité mais par nécessité de survie quitte à tout risquer dans leur projet.
Le parcours a ensuite été tracé en fonction des ouvertures des frontières et des situations sociopolitiques actuelles. Nous pouvons ainsi traverser librement ces pays et rencontrer les entrepreneurs locaux sans difficultés ou dangers.

Quels types d’entrepreneurs avez-vous rencontrées ?
Les entrepreneurs que nous rencontrons partagent tous les mêmes points communs :
– Ils sont partis de rien (aucun patrimoine préalable important) afin de monter leur projet indispensable à leur survie,
– Ils sont originaires de la communauté dans laquelle nous les rencontrons,
– Ils sont à l’initiative de leur projet.

Nous comptons ainsi rencontrer (au moins) 70 entrepreneurs au total : 25 en Afrique, 25 en Amérique du Sud puis 20 en Asie. Nous nous appliquons à passer du temps avec chacune de ces personnes afin de les connaître professionnellement et personnellement. Nous observons ainsi leur comportement dans leur entreprise mais également au sein de leur communauté afin de déceler les aspects importants de leur comportement.

Nous procédons à deux travaux avec ces personnes :
– Une partie story-telling où nous recueillons leur témoignage, leur histoire personnelle ainsi que celle de leur projet de création d’entreprise avec ses problèmes, ses atouts, ses débouchés présentes et futures,
– Une partie expérimentale où nous leur faisons passer quelques tests destinés à cerner leur psychologie : sont-ils enclins au risque ? ont-ils tendance à outrepasser les autorités ? comment perçoivent-ils leurs concurrents ? quelle hiérarchisent-ils les acteurs entourant leur projet ?
Nous avons ainsi rencontré à ce jour 47 entrepreneurs en six mois de travail.

Quelle pédagogie souhaitez-vous tirer de ce projet pour les entrepreneurs français que nous ciblons ?
Encore une fois, notre objectif n’est pas d’aiguiller ces entrepreneurs sur des aspects marketing, financiers, législatifs ou de Business Plan en général. Nous laissons ce travail à des institutions œuvrant déjà dans ce domaine et qui seront bien plus performantes que nous- mêmes.

Non, notre travail se situe en amont de tout cela et se destine davantage à accompagner et encourager la personne lors de la formalisation de leur projet. Plus exactement nous serons présents au moment où la personne se posera les questions suivantes : « je n’ai pas d’idées d’activité », « je n’ai jamais été fait pour ça », « je ne connais personne qui pourrait m’aider », « je n’ai jamais été bon pour organiser quoi que ce soit » etc.
Bref, toutes ces questions légitimes dans notre société pour toute personne qui se verrait un jour obligée d’entreprendre afin de survivre. Cette étape est cependant cruciale pour la survie du projet qui suivra car l’individu doit avoir dès le départ confiance et passion en celui-ci et ne doit pas se lancer dans un projet par défaut, sans réellement y croire.

Promouvoir et encourager à la création d’entreprise en amont du projet afin de laisser par la suite, un projet construit sur des bases saines à des institutions qui viendront cons eiller la personne dans sa réalisation pratique.

Quels sont les résultats et quels constats tirez-vous de ces rencontres ?
Nous avons à ce jour rencontré 47 entrepreneurs (25 en Afrique, 22 en Amérique du Sud)
dont les analyses nous ont permis de dégager les résultats suivants.

Il existe deux formes d’entrepreneurs par nécessité que nous avons appelé dans un article le
« duplicateur » et le « rêveur ». Je changerai néanmoins aujourd’hui ces termes pour le
« duplicateur » et le « proactif ». Rappelons tout d’abord que ces personnes entreprennent par besoin de survie et non par choix.
Le « duplicateur » est l’entrepreneur type qui a construit son projet par défaut sans réellement y croire. Il s’agit dans la majorité des cas d’un simple « copié/collé » d’un business model déjà existant fait à partir du raisonnement suivant : mon voisin (ou une connaissance) était dans la même situation que moi-même, il a créé telle activité qui semble marcher, je vais faire de même. Vous serez étonnée de voir le nombre de business identiques en tout point (produits, prix, packaging) dans la même rue ! Bien évidemment, tous ces « copiés/collés » réalisés sans passion et sans vision à long terme ne décollent pas, stagnent voire déclinent. Parlez avec un entrepreneur duplicateur correspond bien souvent parler à une coquille vide : ils n’ont aucun intérêt pour ce qu’ils font et du coup ne réinvestissent pas leurs quelques bénéfices. De même ils ne pourront nous répondre sur comment ils songent faire évoluer leur entreprise qui n’est alors qu’une solution temporaire à leur situation.
Le cas du « proactif » est bien plus intéressant dans notre étude. Cet entrepreneur, lui aussi en situation de précarité, a quant à lui construit son projet suite à un travail d’introspection plus ou moins conscient. Leur projet s’est formalisé à partir de leur histoire personnelle et devient dès lors directement relié au cœur même de l’individu. Les exemples sont nombreux : un ancien délinquant voulant régler le problème de la violence dans son quartier par le sport (ce qui devient une salle de sport), le frère d’un barbier qu’il aidait étant jeune voulant développer son habilité avec sa passion des jeux vidéos (ce qui devient salon de coiffure avec Playstation pour attirer les adolescents) ou plus dramatiquement un ancien déporté avec sa communauté voulant faire survivre les siens de manière durable tout en conservant l’écosystème (je vous invite à lire l’article suivant : http://www.projetsource.com/entreprendre-pour-sa-communaute/).

Quoiqu’il en soit, ces entrepreneurs sont, grâce à ce petit travail d’introspection, tout de suite passionnés et focalisés sur leur projet alors que RIEN ne les destinait au départ à devenir entrepreneurs (à part un concours de circonstances malheureux qui les a conduit dans une situation de précarité). Ces personnes nous ont surpris par leur lucidité et leur rigueur. Ils connaissent leur business model (sans pour autant savoir qu’il s’agit d’un
« business model ») sur le bout des doigts, insistent longuement sur l’importance de l’épargne et de la patience et ont des projets plein la tête pour leur entreprise à 5 ou 10 ans. Ces entrepreneurs sont en plus bien souvent unanimes sur ce qui fait la réussite d’un projet issu d’une situation de nécessité, quelque soit la région où nous les avons rencontré :

– Le savoir-faire et sa mise en valeur dans son projet : c’est ce dont nous parlons depuis tout à l’heure, il est crucial pour toute personne devant entreprendre par besoin (et non par choix) de réaliser un travail d’introspection et de trouver, dans son histoire personnelle, sur quoi reposer et construire son projet.

– L’activation du réseau : nous avons également pris conscience en rencontrant ces individus que toute personne sur terre a un réseau déjà existant (famille, amis, voisins, communauté) mais n’en a bien souvent pas conscience. Les projets que nous avons rencontré se sont lancés à partir de ce réseau. Que ce soit au niveau des premiers clients, du bouche-à-oreille, des fournisseurs ou des petits coups de pouce ce sont bien souvent les proches, amis et connaissances qui sont à la base de tout cela. Il faut dès lors juste que la personne est le déclic suffisant afin de réaliser qu’il connaît déjà tout le réseau nécessaire au lancement de son projet.

– La gestion des premiers flux de trésorerie : ces personnes étant en situation de précarité, il est tentant pour eux d’utiliser leurs premiers flux financiers pour des besoins personnels au détriment des besoins de l’entreprise. D’où l’importance de rattacher le projet à un trait personnel ! L’entrepreneur doit avoir conscience que son projet ne pourra lui permettre de survivre sur le long terme que si, dans les premiers temps, il réinvestit la majorité de ses gains même si dans ce genre de situation, cela est plus que difficile.

Nous pouvons ainsi résumer les trois points clefs de la création d’entreprise pour une personne en situation de précarité à partir de l’étude actuelle. Un travail approfondi sur ces trois points en amont du projet est indispensable à la survie et la réussite de celui-ci.
Comment allez-vous communiquer auprès des personnes françaises que vous ciblez ?

Nous réalisons dans un premier temps un documentaire sur nos rencontres
entrepreneuriales destiné à sensibiliser les plus jeunes, ainsi que les plus vieux à la création
d’entreprise. Nous montrons à travers ce support vidéo qu’entreprendre n’est pas une question de moyens culturels ou financiers mais de volonté et de persévérance. Nous montrons ainsi des entrepreneurs des quatre coins du monde partis de rien et qui sont arrivés à de belles réussites tout en écoutant leurs témoignages.
Ce documentaire montre également la similarité des discours entre tous ces entrepreneurs qui ne se sont jamais côtoyés et qui insistent sur les mêmes points clefs de la création d’entreprise. Bien évidemment, nous montrerons à travers ce documentaire des exemples

français afin que les spectateurs voient bien les similarités dans ces discours, quelque soit l’emplacement géographique, même dans leur pays.
Nous souhaitions au départ produire ce documentaire essentiellement dans les collèges ou lycées mais nous réfléchissions actuellement à une production à plus grande échelle si nos moyens le permettent. Réponse en 2014 !
Un manifeste sur l’entrepreneuriat cette fois destiné essentiellement aux personnes en situation de précarité. A travers ce livrable qui se veut accessible à tous et pédagogique, nous partirons de notre expérience afin d’encourager ces personnes à créer leur propre projet en « cassant » le mythe évoqué plus haut ainsi qu’en dévoilant les 3 points clefs évoqués dans Résultats & Constats.

Camille Fromaget & Renaud Dor Fondateurs du Projet SOURCE

www.projetsource.com

 

Biographies

Camille Fromaget – 23 ans
Fier de ses origines du Sud-Ouest de la France, Camille a fait la majorité de ses études en Normandie, à Caen. Toujours enclin à voyager et réaliser de nouvelles rencontres, ayant le goût du contact et de l’animation (il est animateur diplômé BAFA), il est notamment passionné par le sport, le dessin et l’écriture.

Camille est à l’initiative de ce projet et il est responsable de sa partie « investigation ».
C’est en classe préparatoire qu’il commença à s’intéresser et à étudier le rôle entrepreneurial dans nos sociétés. Passionné par ce sujet, c’est très logiquement qu’il intégra en 2010 EMLYON Business School.
Très motivé après la publication en décembre 2010 de sa copie d’économie écrite pour le concours 2010 d’entrée aux grandes écoles de commerce dans la revue Alternatives Economiques, Camille se propose de rédiger à la suite de ce voyage les outils utiles non seulement aux économistes et aux chercheurs spécialisés, mais aussi à tous ceux qui se sentent animés par « le goût d’entreprendre ».

Renaud Dor – 23 ans

Originaire du Sud lui aussi, c’est à Marseille qu’il fait sa classe préparatoire où il commence à cultiver son intérêt pour la recherche académique. C’est également au sein de cette ville cosmopolite qu’il comprend la réelle richesse des différences culturelles.
Plusieurs fois lauréat au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, ancien
membre du conservatoire de Toulon, passionné de dessin et de musique, il représente le « côté créatif » du projet.
Fier de ses nombreuses expériences à l’étranger, et conscient de sa grande sociabilité, il est animé d’un désir de rencontres et de découvertes. C’est donc avec une grande curiosité, et une motivation très forte, qu’il rejoint ce projet d’investigation si riche d’opportunités, de créativité et de rencontres.

 

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