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Il y a trop peu de femmes dans l’ingénierie des transports et dans les formations scientifiques ! Rencontre avec l’association « Elles bougent »

Depuis sa création en 2005, l’association « Elles bougent » promeut l’image de la technique…
Publié le 3 novembre 2011
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Depuis sa création en 2005, l’association « Elles bougent » promeut l’image de la technique et des sciences auprès des jeunes filles et pousse les jeunes femmes à avoir de l’ambition et de la curiosité dans le choix de leurs études et de leur orientation professionnelle, au-delà de tout choix stéréotypé. A travers des échanges de professionnels, des journées portes ouvertes d’entreprises, des tables rondes… l’association informe et fait découvrir aux lycéennes et étudiantes, les métiers d’ingénieures et de techniciennes dans les secteurs industriels (aéronautique, automobile, énergie, ferroviaire, maritime, spatial…).

Entretien avec la présidente de l’association « Elles bougent », Marie-Sophie Pawlak

Marie-Sophie Pawlak, présidente de l'association « Elles bougent »

Présidente fondatrice de l’association « Elles bougent », créée en décembre 2005 pour répondre au besoin des industriels d’une plus grande mixité de leurs équipes techniques (notamment grâce aux témoignages et aux événements réalisés avec le concours des 53 partenaires académiques et industriels et des 450 marraines de l’association), Marie-Sophie Pawlak est directrice des Relations internationales et industrielles de SUPMÉCA et également animatrice du groupe Égalité hommes/femmes de la commission Diversité de la Conférence des grandes écoles.

CGE : Transmettre la passion, susciter des vocations pour les femmes, trop peu nombreuses dans l’ingénierie des transports et dans les formations scientifiques, telle est l’une des principales missions de votre association. Quels sont selon vous les vecteurs les plus pertinents pour porter ce message et l’ancrer durablement dans les mentalités ?

M-S.P : Il faut d’abord revenir aux causes de ce désintérêt des filles pour les sciences dures et les secteurs industriels. Celles-ci sont avant tout sociétales et historiques, et les stéréotypes associés sont très ancrés dans les mentalités (ceci souvent de façon encore relativement inconsciente), mentalités aussi bien des jeunes que des prescripteurs (parents, professeurs, CDI etc…).

Il faut donc « casser » ces stéréotypes et pour ce faire, je crois beaucoup à la force du témoignage (en l’occurrence avec elles bougent, témoignages de nos marraines en activité dans les entreprises industrielles partenaires de l’association).

Il faut agir assez en amont, au moment de l’orientation, et permettre aux jeunes filles de se reconnaitre et de se projeter dans leur future vie professionnelle grâce notamment aux échanges et discussions qu’elles peuvent avoir avec les marraines lors des nombreux événements organisés.

CGE : Nous commençons à voir de grandes entreprises revendiquer la mixité et l’égalité homme/femme comme des gages de réussite, mais les chantiers sont encore importants et s’adressent à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. Existe-t-il en la matière des leviers que vous privilégiez et pourriez-vous nous faire une petite synthèse de l’état des lieux en France, des freins et des encouragements de notre société « moderne » ?

M-S.P : Les meilleurs leviers au sein de nos entreprises en matière d’égalité hommes/femmes commencent par la reconnaissance d’une politique RH en la matière, légitimée au plus haut niveau par la signature de charte, pacte ou accord, par la direction et les instances de représentation du personnel.

Sont alors décrits les différents moyens d’action en la matière, aussi bien en termes de recrutement que d’égalité salariale, avec enveloppe dédiée de rattrapage si nécessaire, ou d’harmonisation de la vie professionnelle et de la vie privée (congés spécifiques, parentalité, crèche d’entreprises), ces dernières mesures devant absolument concerner aussi bien les hommes que les femmes.

Les leviers législatifs comme notamment la mesure de quota de femmes dans les conseils d’administration sont également incontournables, l’exemple scandinave en la matière ayant largement porté ses fruits. Sans cette politique de quota, les talents féminins ne remontent pas spontanément au sein des comités de direction et des conseils d’administration ou bien trop lentement.

Ce mécanisme de quota ou de parité, qui consiste à rappeler systématiquement de ne pas oublier que la moitié de la population étant féminine il serait « normal » et logique de retrouver cette proportion ou de tendre vers ce ratio dans des instances décisionnelles, quelles qu’elles soient (entreprises, politique, vie de la cité, etc…) me parait important, puisque l’histoire nous montre que nous n’y arrivons pas naturellement et/ou que nous n’essayons pas d’y tendre.

Il me semble par ailleurs important qu’à différents stades de l’éducation des enfants, des élèves, des étudiants, la sensibilisation à l’égalité H/F soit évoquée, enseignée au travers d’exemples concrets et de données chiffrées, afin que cette problématique soit naturellement intégrée par l’enfant, par l’individu, et qu’à chaque étape de vie professionnelle ou privée il puisse décider et agir de manière totalement égalitaire, sans subir le poids sociétal ni se laisser influencer par des stéréotypes.

CGE : Votre association lance le « Club des Lycées » pour s’adresser directement aux élèves du secondaire et mobiliser les établissements autour de vos engagements. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce sujet ? Quelle est selon vous la période la plus opportune pour aller à la rencontre des carrières scientifiques, pour ces jeunes femmes qui ne poursuivent pas au premier regard dans ces voies à la sortie du lycée ?

M-S.P : Le Club des lycées partenaires nous est apparu incontournable afin de fédérer les actions que nous leur proposons et d’échanger sur une problématique commune.

A travers ce club nous pourrons aussi avoir un accès facilité aux jeunes filles, d’une part pour les informer, d’autre part pour une meilleure analyse des freins et des retours sur nos actions, car les personnels des lycées seront aussi mieux intégrés et parties prenantes du processus.

La période la plus opportune se situe le plus tôt possible dès lors qu’un jeune s’éveille à sa future vie professionnelle. En France, les premières fois qu’un jeune y pense, c’est souvent au moment du stage en entreprise, en 3ème. Cette courte expérience peut et devrait mettre en route le processus des choix d’orientation.

Nous pensons que le lycée est la période décisive pour mûrir un projet et que la rencontre avec différentes professions et acteurs, actrices de ces professions devrait être multipliée avant le choix d’orientation, car il est difficile pour un jeune d’imaginer un métier, comme celui d’ingénieur par exemple. Cette formation mène non pas au métier d’ingénieur mais aux métiers d’ingénieur, et cette diversité peut aussi être source de confusion dans les esprits. C’est donc les témoignages et les rencontres qui permettent une meilleure connaissance puis une identification/projection des jeunes filles dans cette voie.

CGE : Les témoignages, le partage d’expérience, l’exemplarité des grands parcours de femmes qui s’illustrent médiatiquement ou non en France et à l’étranger sont autant d’atouts pour renforcer l’action de votre association. Quels sont vos arguments pour réunir autour de vous toutes ces énergies et comment les fédérez-vous pour rendre vos messages audibles ?

M-S.P : Les femmes ayant choisi ces carrières sont souvent les premières ravies et enthousiastes pour en témoigner. La possibilité donnée à travers l’association de s’adresser directement aux jeunes filles et de les aider à s’orienter a séduit nos marraines, qui s’engagent de façon assez dynamique et volontaire dans cette action. Le soutien de leur entreprise, partenaire de l’association, est lui aussi très important car il vient crédibiliser le message.

Le message est parfois relayé par des femmes au plus haut niveau, car ces femmes sont toujours prêtes à aider les bonnes initiatives et sont convaincues qu’il est nécessaire d’agir et nous les en remercions chaleureusement. Mais il est très important, vis-à-vis des jeunes filles, que des femmes ingénieures de tout niveau s’expriment, car il est important que les jeunes filles puissent se représenter dans ces destins enthousiasmants, qu’elles puissent se dire « Dans 5 ans je me vois bien comme cette femme  » et que la future vie professionnelle choisie soit « atteignable » dans un premier temps.

CGE : Comment et quand imaginez-vous la conjugaison de notre monde au féminin ?

M-S.P : Je pense que beaucoup connaissent cette conjugaison au « futur simple » ! Il est temps de commencer à apprendre la conjugaison au présent et l’apprentissage est bien en route. Il n’en est pas au même niveau suivant les différents pays et les sociétés de notre monde.

Cela passe par un changement des habitudes sociétales, qui devrait commencer dès le plus jeune âge. Cela passe aussi par une remise en cause dans l’éducation, et cela prendra donc de nombreuses années pour que parents et acteurs de l’éducation aient la possibilité de l’intégrer. Si toute notre société se mobilise, hommes comme femmes, le monde ne sera pas au féminin, ni au masculin, il sera véritablement juste, égalitaire et équitable, plus riche d’une nouvelle diversité intégrée et acceptée par tous.

Propos recueillis par Pierre Duval
CGE – Chargé de mission Communication

www.ellesbougent.com

L’association « Elles bougent » lance le Club des Lycées partenaires

TRANSMETTE LA PASSION ET SUSCITER DES VOCATIONS
Paris, le 10 octobre 2011 – « Elles bougent » continue d’étendre ses actions, en lançant une nouvelle initiative avec son « Club des Lycées ». Il permet, à tous les établissements secondaires français, de devenir partenaires de l’association pour promouvoir les métiers d’ingénieures et de techniciennes auprès de leurs élèves dans les secteurs industriels (automobile, ferroviaire, aéronautique, spatial, maritime, énergie). Rejoindre le Club des Lycées, c’est rejoindre un réseau fort et uni d’entreprises, de marraines, de lycéennes et d’étudiantes. Tout au long de l’année, « Elles bougent » s’engagera auprès des proviseurs, conseillers principaux d’éducation et corps professoral, en étant à l’écoute de leurs demandes, en soutenant le montage de leurs forums métiers, en médiatisant leurs actions… De leurs côtés, les lycées soutiendront les événements menés dans le cadre de l’association et favoriseront les rencontres entre marraines et jeunes filles. Enfin, les référents du Club seront amenés à se retrouver régulièrement lors d’évènements parisiens et régionaux.

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