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Paul Ginies, directeur général de la Fondation 2iE – Ouagadougou, Burkina Faso

CGE : Pouvez-vous nous résumer votre parcours jusqu’à l’Institut 2iE et les trois critères principaux…
Publié le 22 novembre 2010
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CGE : Pouvez-vous nous résumer votre parcours jusqu’à l’Institut 2iE et les trois critères principaux qui vous font aimer votre métier ?

P.G. : Après un premier séjour à l’étranger lors de mon service militaire, je suis revenu en France travailler dans le secteur agricole, mais sans doute atteint du virus du développement auquel j’avais gouté j’ai saisi la première occasion pour revenir à ce qui me passionnait. D’abord à Paris au ministère de la Coopération, où je me suis occupé de projets de développement rural et des questions de sécurité alimentaire puis en Afrique sur le terrain. L’Afrique, dans toute sa diversité linguistique et culturelle (Burkina Faso, Mauritanie, Corne de l’Afrique, Malawi..), est depuis plus de vingt ans devenue mon terrain d’action et ma passion.

Ce que j’aime dans le métier que je fais c’est :

  • la totale responsabilité qui m’a été confiée par mon conseil d’administration. C’est un contrat d’objectifs et de résultats à atteindre, une mission à accomplir, un engagement qui m’offre un espace considérable pour créer et bâtir, innover, convaincre, conduire une équipe de plus de vingt cinq nationalités vers la compétition internationale. C’est pourquoi j’ai le sentiment que, dans un monde à construire comme l’Afrique, si on le veut on peut contribuer à changer les choses ;
  • en second lieu c’est l’humanisme, un perpétuel enrichissement personnel, le bonheur que l’on retire du partage des expériences, du travail en équipe multiculturelle, de la nécessité de surmonter les préjugés et de faire bouger les lignes pour avancer ;
  • enfin, et c’est le poste que j’occupe depuis six ans qui m’a conforté dans cette perspective, c’est la conviction d’être utile, au sens de l’utilité publique, celle de servir le développement économique et social, de contribuer à préparer l’avenir en formant la jeunesse. C’est passionnant.

CGE : Si vous deviez faire voler en éclat un préjugé sur l’Afrique et le potentiel de développement de ce continent, quel serait-il et pourquoi ?

P.G. : Je vis et je vois l’Afrique comme une bouteille à moitié pleine et non comme à moitié vide. Un optimiste qui, sans nier les crises et les conflits, pense qu’elle est souvent le miroir de nos turpitudes. Nous avons, sans les ressources, transféré l’Etat providence et son corollaire l’assistanat, qui est le syndrome de Stockholm de l’aide au développement. C’est très certainement le principal frein à la croissance du secteur privé puisqu’on place la question des moyens avant celle de l’idée et de l’action. Cette Afrique post-indépendance s’estompe progressivement, faute de moyens peut-être, pour laisser place à une autre Afrique qui émerge. Cette nouvelle Afrique est entrée dans la mondialisation plus vite que les sociétés occidentales, c’est celle dans laquelle on trouve des homo oeconomicus rationnels, celle dont les familles ont compris que l’éducation est le plus sûr et le plus rentable des investissements. Cette Afrique des villes ouvertes sur le monde remet en cause les clichés qui seraient que la culture africaine est un handicap, voire serait incompatible avec la science et la technologie et le progrès économique. Je peux en témoigner, la jeunesse africaine, les familles, les responsables politiques adhèrent complètement aux valeurs de rigueur, de travail et de mérite qui sont les principes universels de l’enseignement supérieur.

CGE : De quelle manière construisez-vous des passerelles entre votre école et les établissements français ?

P.G. : Garantir la qualité internationale du diplôme et assurer l’employabilité sur le continent africain de nos étudiants sont au cœur de la démarche de 2iE. Pour cela la première phase de croissance de 2iE a été de souscrire aux critères et exigences des meilleurs et dans notre cas, au regard de l’histoire, il était légitime que ce soit en référence à la France, à ses écoles d’ingénieurs, et à l’espace européen. Cette reconnaissance, les efforts que nous avons dû faire pour être reconnus par la CTI (Commission des Titres d’Ingénieurs) et obtenir l’accréditation EUR-ACE était la condition indispensable pour construire de nouveaux partenariats d’égal à égal. Ceux-ci s’articulent et se développent prioritairement autour de la mise en réseau et le renforcement de la recherche dans le cadre d’une école doctorale internationale et interuniversitaire que 2iE a créée (cotutelle de thèses). Les grands axes de recherche s’appuient sur six laboratoires : hydrologie et ressources en eau, dépollution et traitements des eaux et des déchets, biomasse et biocarburants, énergie solaire et économie d’énergies, écomatériaux, modélisation et systèmes complexes. Les partenariats sont en second lieu une nécessité pour accroître la mobilité des étudiants et des professeurs et conforter l’ouverture internationale de 2iE. L’objectif est d’arriver rapidement à développer des doubles diplômes et, à terme, des co-diplômes. Enfin, 2iE met en place un dispositif pour former des ingénieurs-entrepreneurs avec, à l’issue du diplôme d’ingénieur, la création d’un MBA éco-innovation, et un support sous forme d’incubateur et de pépinière d’entreprises pour lesquels 2iE est en train de s’associer avec des partenaires ayant des compétences fortes en management, complémentaires aux siennes.

CGE : Quelles sont, selon vous, les meilleures approches pour projeter les établissements africains vers les standards internationaux et le rôle de la France en la matière ?

P.G. : Les meilleures approches restent de leur donner, sans concession, la possibilité de se soumettre aux systèmes d’accréditation Internationaux. Cette possibilité existe mais reste peu employée puisqu’on se réfugie sur des systèmes africains qui hélas sont devenus obsolètes et très loin des exigences de la compétition internationale. Il est donc illusoire de vouloir rebâtir ces systèmes à court terme. Il vaut mieux aujourd’hui très clairement promouvoir des centres d’excellence et donc cibler les appuis pour les accompagner sur le chemin du niveau international. C’est ce qu’a fait pour 2iE le ministère français des Affaires étrangères et européennes, en passant dans les cinq dernière années d’une coopération de substitution à un appui fondé sur une culture du résultat totalement orientée vers la promotion de la qualité de l’enseignement et de la recherche. Après deux années d’un programme de quatre ans, 2iE devenait le premier établissement africain à obtenir son accréditation par la Commission des titres d’ingénieur.

CGE : Les relations avec les entreprises sont au cœur de votre stratégie de développement. Quels en sont, selon vous, les meilleurs vecteurs ?

P.G. : Les entreprises font aujourd’hui confiance à 2iE. C’est le fruit d’une stratégie à deux niveaux :

  • Le premier a été le choix délibéré de 2iE de répondre à leurs besoins. Nous avons fait pour cela preuve d’une très grande réactivité et de capacité d’adaptation, d’une politique délibérée d’écoute et de marketing à travers des discussions avec les DRH, des réunions sectorielles (BTP, Mines, Société d’eau…), mais aussi des supports comme la création de « journées entreprises » qui sont aujourd’hui un rendez-vous reconnu et apprécié. La première formation en total partenariat a été réalisée dès 2006 avec une forte intervention des professionnels. Dans le même temps tous les cursus du 2iE ont été revus en intégrant et en donnant une forte lisibilité aux compétences demandées par les entreprises dans les quatre domaines de 2iE : eau, énergie, environnement et génie civil.
  • Le deuxième niveau a été d’associer les entreprises à la nouvelle gouvernance de 2iE : elles sont membres de notre conseil d’administration avec un poids équivalent à celui des Etats. 2iE peut être considéré comme un partenariat public-privé.

Cette stratégie a porté ses fruits puisque sur les cinq dernières années, tout en multipliant par quatre ses effectifs, 2iE a réussi à améliorer l’employabilité de ses étudiants. Plus de 90 % d’entre eux trouvent un emploi en Afrique dans les six mois après l’obtention de leur diplôme. Enfin, aujourd’hui, au moment où 2iE couvre plus de 95 % de ses charges courantes par ses propres ressources et voit se raréfier l’argent public, se développent de nouveaux partenariats avec des groupes internationaux européens et africains sur le long terme dans le domaine de la recherche, par exemple dans les énergies renouvelables, mais aussi dans la formation. Le savoir-faire de 2iE est recherché pour appuyer sous des formes diverses (cogestion de centres de métiers, FOAD..) des dispositifs de formation du personnel des entreprises.

L’évolution rapide de l’économie africaine oblige 2iE à innover dans une relation étroite avec les entreprises pour « coller » à leurs réalités et anticiper leurs besoins. Elles ont pour beaucoup tardé à renouveler leur personnel, se trouvent aujourd’hui face à des contraintes fortes et doivent recourir plus que par le passé à des ressources humaines africaines qui, à formations égales se révèlent plus efficaces.

La bio de Paul Ginies

Paul Ginies est diplômé en ingénierie rurale, de l’eau et des ressources forestières. Il est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris. Il a été nommé directeur général de la Fondation 2iE, Institut International  d’Ingéniérie de l’Eau et de l’Environnement, en septembre 2004 par le conseil d’administration.

Auparavant, Paul Ginies a occupé diverses fonctions à la Commission européenne : expert en sécurité alimentaire au Malawi de 2002 à 2004, et de 2000 à 2002, au sein de la commission pour le Développement durable, chargée de la Corne de l’Afrique à Bruxelles. De 1994 à 2000, il a été conseiller du ministre de l’Environnement et  du Développement rural de la Mauritanie. Il a été également, de 1988 à 1992, conseiller au comité inter-états pour la Lutte contre la sécheresse dans le Sahel, basé à Ouagadougou.

Des actions majeures, telles l’ouverture du 2iE au secteur privé et aux pays anglophones, ont été lancées sous la houlette de Paul Ginies. De même, des règles de gouvernance plus adaptées et innovatrices autant sur le plan financier que sur le plan académique sont mises en œuvre.

Paul Ginies est, depuis octobre 2009, le président du Club des hommes d’affaires franco-burkinabés. Il est conseiller du Gouvernement français en commerce extérieur». Il a une très grande expérience des organismes internationaux et demeure l’une des personnes ressources pour ce qui est de la communication avec l’Initiative africaine pour les sciences et la technologie/Nelson Mandela. Il est soutenu par une équipe africaine qu’il a réussi à rassembler autour d’un projet commun.

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