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« La quête de sens des jeunes générations lance un défi aux entreprises classiques »

On n’a jamais autant parlé de la « quête de sens » des jeunes diplômés que depuis…
Publié le 26 février 2018
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On n’a jamais autant parlé de la « quête de sens » des jeunes diplômés que depuis ces dernières années. Les enquêtes se multiplient.

 

« Il y a chez les jeunes une volonté d’engagement qui est vraiment très importante » dit Jean-Michel Caye, directeur associé du Boston Consulting Group, en commentant les résultats d’une étude menée en 2016 conjointement avec la Conférence des grandes écoles (Usine digitale.fr, 29/1/ 2016).

La version 2018 de cette étude confirme cette tendance. Si la quête de sens n’est pas littéralement nommée, elle transparait à travers les différentes réponses sur les attentes des jeunes diplômés : un travail en phase avec ses valeurs, un équilibre vie professionnelle – vie privée, la fierté que procure le travail et, enfin, l’utilité du travail. Utilité que les jeunes diplômés traduisent par « un travail qui serve à l’intérêt général » et « qui améliore la vie des gens ». (EducPros, 24/1/2018).

 La « quête de sens » au travail et la volonté de concilier vie privée et vie professionnelle sont donc mises en évidence comme des composantes fortes de la façon dont les millenials perçoivent le travail (La Tribune, 1/2/2018).

Le sociologue Alain d’Iribarne constate en effet que « les jeunes générations ne veulent pas que leur travail soit le centre de leur vie ». Dans cette quête de sens et d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, qui ressortent d’un sondage réalisé auprès des 18-34 ans, le chercheur y voit plus qu’une simple volonté de bien-être. Il évoque une possible « recherche « existentielle », qui peut conduire certains jeunes à des attitudes de rupture par rapport à l’entreprise et au salariat traditionnels (20minutes.fr, 27/1/2016).

Cette tentation de rupture est étudiée par Jean-Laurent Cassely, qui publie en 2017 un ouvrage dont le titre interpelle : « La révolte des premiers de la classe, métiers à la con, quête de sens et reconversions urbaines ». L’auteur met en avant les choix radicaux de certains diplômés, qui vont privilégier des métiers plus ancrés dans un territoire et en lien avec le travail manuel et la matière. Des métiers concrets, qui représentent une utilité sociale visible. Cassely cite notamment la cuisine, métier très en vogue aujourd’hui, et il rappelle la reconversion comme garagiste du philosophe américain Matthew Crawford. (Les Inrocks, mai 2017)

 

Bien sûr, ces phénomènes de repositionnement radical restent minoritaires et les études pointent certains paradoxes et contradictions dans les attentes des jeunes générations. Travailler dans l’Economie Sociale et Solidaire, et, en même temps, avoir un bon salaire.

De fait, comme ces deux objectifs sont peu compatibles, les grands groupes continuent à rester des débouchés privilégiés pour la majorité des jeunes diplômés. Comme un clin d’œil, on pourrait chanter :

« j’aurais voulu être un entrepreneur social » et « j’ai mon bureau en haut d’une tour »… du CAC 40 ?

 

Néanmoins, même si elle peut traduire partiellement un biais de désirabilité sociale, cette expression de quête de sens contient les germes d’une possible frustration future, une fois la vie professionnelle débutée. Tout comme, il y a 30 ans déjà, le héros de Starmania chantait sa propre frustration.

 

« La quête de sens des jeunes générations lance un défi aux entreprises classiques » affirme Jean-Michel Caye, du BCG. « Cette génération est plus difficile à motiver. Elle ne se contente pas d’un poste et d’un salaire. Il faut leur expliquer au quotidien le sens du travail, rappeler les valeurs de travail, mais aussi le sens par rapport à la personne. L’employeur doit trouver le bon dosage pour motiver et c’est loin d’être aisé à faire. » (Usine digitale.fr, 29/1/ 2016)

 

La question du sens n’est peut-être pas si nouvelle et ne concerne pas que les jeunes diplômés, mais bien l’ensemble des salariés.

Dans les années 2000, les crises secouant le monde du travail ont marqué en effet l’urgente nécessité de prévenir les risques psycho-sociaux. Des recherches ont été menées pour étudier la souffrance au travail et comprendre le mal-être des salariés et leurs aspirations. Un ouvrage notamment s’est intéressé directement à ces enjeux du sens au travail : « Manager par le sens. Les clés de l’implication au travail » (Autissier et Wacheux, 2006).

Les auteurs y étudient le sentiment de perte de repères et d’envie ressenti par nombre de salariés, dont des cadres. Pour redonner aux salariés le goût de l’engagement, David Autissier et Frédéric Wacheux mettent en avant le rôle du « management par le sens ».

Il s’agit bien, pour les entreprises et leurs managers, de pouvoir créer et partager du sens. On retrouve là le concept de Sensemaking, développé par Karl Weick en 1995. « Pour Weick, l’homme qui crée du sens structure l’inconnu [..]. Face à la complexité et à l’ambiguïté, l’acteur extrait des éléments auxquels il va donner un ordre, et donc du sens. » (Igalens, 2011).

 Quelques unes des principales propositions pour manager les salariés par le sens, sont les suivantes :

  • Proposer aux personnes de participer à un projet et les encourager à se dépasser, pour une autre cause que le profit des actionnaires
  • Développer la solidarité individuelle et collective
  • Permettre aux personnes de se doter de compétences reconnues
  • Favoriser le sentiment d’appartenir à une communauté au sein de l’entreprise.

(Autissier, 2008).

 

Douze ans plus tard, ces recommandations peuvent globalement s’adapter aux jeunes diplômés de 2018 et à leurs responsables.

Pour manager par le sens leurs collaborateurs, jeunes et moins jeunes, les responsables devront sans doute laisser s’exprimer en eux des compétences humaines moins traditionnelles : leur vision, leur connexion avec leurs propres valeurs personnelles, leur écoute et leur empathie. Un peu moins de reporting et de top-down. Davantage d’intelligence émotionnelle. « Fait notable, les émotions, les sentiments, l’intuition et l’imagination prennent place dans la construction du sens » (Igalens, 2011).

Pour donner du sens aux salariés, et nourrir leur besoin d’utilité sociale, il faudra également pratiquer une Responsabilité Sociale d’Entreprise vivante et incarnée.

 

Former les jeunes générations à ces évolutions est un double défi.

Tout d’abord, il faut qu’ils puissent faire face à leur propre quête de sens, et savoir y apporter personnellement des réponses, sans tout attendre de l’entreprise. « Vous ne pouvez pas attendre de la vie d’avoir un sens, vous devez lui en donner un. »  écrivait Romain Gary. La quête de sens est le chemin d’une vie. Elle passe, entre autres, par la connaissance de soi-même.

Il faut aussi que les étudiants et jeunes diplômés puissent se préparer à encadrer, demain, d’autres jeunes. Et pour cela, qu’ils prennent l’habitude de se questionner en amont sur leurs propres valeurs. Qu’ils développent leur intelligence émotionnelle. Qu’ils mesurent leur impact sur la Société.

Rien n’est magique, dans ces domaines. Il faut, modestement, semer des graines pour le futur…

C’est ce que nous essayons de faire dans les formations Soft Skills de l’ESILV, de l’EMLV et de l’IIM.

 

Laure Bertrand
Dr en Ressources Humaines
Directrice des Soft Skills et Services Pédagogiques Transverses
Pole Léonard de Vinci

 

A propos de l’ESILV

L’ESILV, Ecole Supérieure d’Ingénieurs Léonard de Vinci est une école d’ingénieurs généraliste au cœur des technologies du numérique. Elle recrute principalement au niveau Baccalauréat (S et STI2D) et forme en 5 ans des ingénieurs opérationnels s’insérant parfaitement dans le monde professionnel. Le projet pédagogique de l’ESILV s’articule autour des sciences et des technologies numériques combinées à 4 grandes spécialisations : Informatique/BigData & Objets connectés, Mécanique Numérique et Modélisation, Ingénierie Financière, et Nouvelles Energies et la transversalité de 20% de son cursus avec une école de management et une école de multimédia dont un parcours Ingénieur Manager en 5 ans, double diplômant. Enseignements en petits groupes, travail en équipe, pédagogie par projet, sport intégré dans le cursus, stages et expériences internationales obligatoires complètent le cursus. 2200 élèves. Labélisée EESPIG, l’ESILV est membre de la CGE, de l’UGEI, de la CDEFI, de Campus France et de Talents du Numérique. www.esilv.fr

 

 

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