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Comment former à la transition socio-écologique dans l’enseignement supérieur dans le numérique ?

Publié le 27 mars 2024
Comment former à la transition socio-écologique dans l’enseignement supérieur dans le numérique ?
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Par Etienne Pernot, Directeur de la Recherche et de la Valorisation et Directeur d’Efrei for Good à l’Efrei, Grande Ecole d’ingénieurs du numérique

Estimer la soutenabilité du numérique

Nous n’avons plus le choix d'utiliser ou non le numérique. Il est intégré à notre société, nos vies personnelles et professionnelles, jusqu'à notre humanité : nos connaissances, nos relations, notre vie sociale, l’art. Les sociétés actuelles sont faites toutes entières pour et par le numérique. Le numérique est devenu une ressource vitale pour nos sociétés, ressource de croissance, de productivité, d’innovation, ressource de divertissement aussi. C’est aussi, de plus en plus, une ressource d’espérance pour un monde meilleur, l’état misant par exemple sur la numérisation systématique des services publics ou la généralisation de l’Intelligence Artificielle pour résoudre les problèmes de nos sociétés

Mais quelques grains de sable peuvent faire dérailler cette belle histoire, en particulier l’aspect écologique. Le numérique utilise de 10 à 15 % de l’électricité mondiale, plus ou moins décarbonée, du cuivre (environ 15 millions de tonnes annuellement) et des dizaines d’autres métaux dont les extractions en plus d’être fortement consommatrices en énergie utilisent une grande quantité d’eau et génèrent des problèmes géopolitiques. Et tous ces chiffres sont en croissance d’environ 10 % par an. Il y a un risque fort que le numérique, tout au moins le numérique actuel, ne soit pas soutenable sur le long terme. Le numérique fait-il au moins partie de la solution que nous devons trouver ? C’est bien possible, je pense que c’est souhaitable, mais je dirais que ce n’est pas actuellement acquis.

Construire une conscience écologique

L’Efrei, en tant que grande école du numérique qui forme les experts, ingénieurs, managers et décideurs de demain, est bien consciente de la responsabilité qui lui incombe et du statut particulier du numérique au sein de notre société, du risque et du potentiel que constitue le numérique pour notre futur. L’expert du numérique, le décideur quel que soit son domaine, doit avoir conscience de l’ambiguïté de l’essence même du numérique, qui a le potentiel de faire basculer nos sociétés d’un côté ou de l’autre, de cette obligation que nous avons d’augmenter la valeur ajoutée sociale et sociétale du numérique – et de diminuer le temps que les ados passent, que nous passons presque tous, à scroller indéfiniment un fil d’actualité qui n’est construit que pour nous rendre accro.

Il est courant de dire que tous les jeunes dans l’enseignement supérieur sont conscients, informés, actifs, efficaces ; mais pour autant, ce portrait-robot est-il vraiment la norme ? On identifie ainsi d’autres types de profils : ceux qui ignorent le problème, ceux qui le perçoivent mais manquent de connaissances, les éco-anxieux qui sont tétanisés. Et ceux qui, pour caricaturer, se focalisent sur les poubelles de tri plutôt que leur prochaine mobilité à l’autre bout du monde ou la composition de leur repas du midi au Crous.

Il va de notre responsabilité en tant que Grande École d’ingénieurs du numérique de leur apporter, à tous, les connaissances et compétences de base en mettant en place des programmes globaux, cohérents, pluriannuels et en nous adaptant avec leur niveau de connaissance à leur entrée dans notre établissement, niveau qui ne cesse d’augmenter.

Ce n’est pas suffisant.

Intégrer la transition écologique et sociétale

Nous avons déjà défini une démarche globale, nommée Efrei for Good, labélisant les actions cohérentes avec les 17 objectifs de développement durable de l’ONU – qui apporte une crédibilité et une visibilité plus forte que le concept un peu réducteur et vieillot de RSE. Efrei for Good est la contribution de l’Efrei pour parvenir à un monde meilleur et plus durable pour tous. Le périmètre d’Efrei for Good couvre les différentes activités de l’Efrei : le laboratoire de recherche, l’entreprise, ses employés et ses campus, et l’enseignement avec ses différentes facettes : formation, associations étudiantes, incubateur, aide sociale aux étudiants, prise en compte du handicap, animation de la communauté des alumni, etc.

Par exemple, nous avons des correspondants Efrei for Good dans l’ensemble des associations étudiantes, et nous encourageons le développement d’associations étudiantes spécifiquement actives sur des objectifs de développement durable. Nous sommes en train de créer des groupes de réflexions et d’échanges. Toutes ces actions ont pour objectif de créer une dynamique globale avec une bonne capillarité et une faible granularité, tout en encourageant le concept de « les jeunes parlent aux jeunes », complémentaire de notre rôle pédagogique classique.

Savoir anticiper les incertitudes

Nous prenons aussi en compte l’incertitude sur la nature même des problèmes qu’auront à appréhender ces jeunes.

Dans un monde possiblement chaotique et où les normes peuvent être complexes à définir, se pose d’abord la question des métiers. Les métiers existants et le numérique en lui-même sont déjà impactés par la transition écologique. Quelle évolution pour le métier de chef de projet ? De chef de produit ? D’architecte informatique ? De développeur ? D’expert en sciences de données ? Quelles nouvelles technologies low-tech vont devenir indispensables ? Il est trop tôt pour le dire. Nous allons monter des groupes de réflexion par métier impliquant des experts de ces domaines, en particulier parmi nos alumni, et des enseignants-chercheurs afin d’estimer les évolutions à venir. C’est une démarche qui doit s’inscrire dans le temps, pour que nous puissions suivre ces évolutions avec une boucle de rétroaction rapide. Nos programmes évolueront en conséquence.

Mais au final, pour revenir aux spécificités du numérique, nous devons apporter à nos étudiants – potentiellement tiraillés entre passion et raison – la maturité qui leur permettra de faire des choix compliqués, d’agir sans être paralysés en particulier par cette incohérence intrinsèque du numérique faisant partie à la fois du problème et de la solution.

Cette maturité leur sera apportée, notamment, en affûtant nos formations en sciences humaines et sociales.

Ils devront entamer une réflexion sur les problèmes philosophiques et éthiques posés par la science, les problèmes potentiellement éthiques au moment de choisir leur entreprise ou des décisions à prendre dans leurs postes futurs. Nous devrons leur enseigner comment faire des choix difficiles, dans un environnement possiblement conflictuel complexifié par les controverses claniques et les infox.

Il est également essentiel pour nos étudiants de développer une bonne connaissance des fonctionnements humains et sociétaux : ils auront à faire des choix éclairés afin d’augmenter la valeur ajoutée sociale et sociétale du numérique. En effet, visiblement, si nous laissons faire, le meilleur n’est pas certain de survenir.

L’interdisciplinarité est aussi à travailler, afin d’avoir une meilleure appréhension du problème global à prendre en compte. Cela est indispensable, et implique un respect, une écoute, une capacité au dialogue et à la synthèse.

Créer le monde numérique de demain

Nous ne sommes pas face à la première crise que la population humaine doit affronter, mais celle-ci a quelques caractéristiques spécifiques. Déjà le problème est planétaire ; la bonne nouvelle est que le numérique en particulier apporte une efficacité et rapidité de communication qui doit aider. Ensuite, les différentes disciplines scientifiques ont une maturité potentiellement suffisante pour nous apporter du recul, les diagnostics, les prédictions et solutions potentielles.

Ces jeunes que nous formons ont la tâche difficile de traiter un problème dont ils héritent, et il nous appartient de leur donner le maximum de chances pour qu’ils puissent non seulement traiter le sujet au mieux, mais aussi pour qu’ils saisissent cette opportunité en redéfinissant un monde plus humain et où la valeur ajoutée du numérique sera mieux contrôlée.

A propos de l'Efrei

Grande Ecole du Numérique depuis 1936 accréditée CTI, et leader indépendant reconnu d’intérêt public par l’Etat (EESPIG), l’Efrei couvre tous les secteurs du numérique, de l’ingénierie au management. Depuis janvier 2022, l’Efrei a intégré Paris Panthéon-Assas Université en tant qu’établissement composante.
Installée à Paris ainsi qu’à Bordeaux, l’Efrei accueille 5 000 étudiants, technophiles et engagés dans la transformation numérique – mais également communicants, ouverts à l’international et formés au travail en équipe et au management.
L’Efrei propose trois types de cursus :

Forte d’un réseau de plus de 14 500 Alumni actifs en France et à l’international, l’Efrei est en très bonne place dans les palmarès et les classements des DRH de grandes entreprises.

Pour plus d’informations sur l’Efrei, rendez-vous sur son site : https://www.efrei.fr/

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