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CPGE et Grandes écoles : un écosystème d’excellence global, un destin lié

Publié le 29 février 2024
CPGE et Grandes écoles : un écosystème d’excellence global, un destin lié
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Les CPGE en débat

Par François Dellacherie, Vice-président de la commission Recherche & Transferts, directeur général de Télécom SudParis

Les Classes Préparatoires aux Grandes Écoles (CPGE) créées il y a plus de 200 ans [1], agissent comme un tremplin naturel vers nombre de grandes écoles d'ingénieurs en France. Ces institutions d'excellence combinent rigueur académique et développement personnel, préparant ainsi les étudiants à devenir les "sculpteurs de la société de demain". Les qualités essentielles développées par les CPGE répondent aux futures exigences attendues en Grandes écoles d'ingénieurs : il s'agit bien d'un écosystème d'excellence global, où l'excellence de la préparation conduit à l'excellence de la formation ultérieure.

Ce système éducatif à la Française, unique en son genre, favorise non seulement l'acquisition de connaissances techniques et scientifiques de haut niveau mais cultive également un esprit critique et une capacité à travailler sous pression, des compétences souvent indispensables dans le monde professionnel. La diversité des matières enseignées, alliant les sciences fondamentales (mathématiques, physique, chimie, …) aux sciences humaines (français, langues étrangères et incidemment : capacité à bien exprimer ses idées), assure une formation holistique. C'est aussi cette approche équilibrée qui permet aux élèves de CPGE de se distinguer lorsqu'ils intègrent les grandes écoles.

Défendre le modèle des CPGE, c'est défendre un écosystème éducatif qui prouve son efficacité année après année depuis 200 ans, en formant des individus capables de s'adapter à un environnement en constante évolution et de contribuer significativement à l'innovation et au progrès technologique. Ce modèle, en synergie avec les grandes écoles, assure la perpétuation d'une tradition d'excellence française.

L'intérêt pour les sciences : le Carburant des Futurs Ingénieurs en CPGE… et de futurs docteurs ?

L'intérêt, voire la passion pour les sciences, critère indispensable à la réussite dans les CPGE, est également une pierre angulaire pour les futurs ingénieurs des Grandes écoles. Cet intérêt, lorsqu'il est couplé à un choix volontaire d'embrasser le parcours rigoureux des CPGE, garantit une motivation intrinsèque, essentielle pour surmonter les défis académiques et personnels rencontrés tout au long de cette préparation exigeante. Elle forme idéalement les étudiants à la curiosité scientifique et à l'engagement de long terme qui seront requis dans les grandes écoles d'ingénieurs, où l'innovation et la recherche de pointe sont au cœur des programmes.

En tant que président de la commission recherche de la CGE, je tiens à souligner l'importance fondamentale des CPGE dans la formation des futurs ingénieurs et chercheurs. La ministre Sylvie Retailleau et le ministre Roland Lescure ont récemment mis en avant [2] l'ambition de voir davantage d'ingénieurs poursuivre par un doctorat, reflétant la nécessité de valoriser et de renforcer le lien entre formation d'ingénieur des Grandes écoles et recherche scientifique. Les CPGE joueront un rôle crucial dans cette ambition, en préparant les étudiants à des études supérieures exigeantes voire longues, caractéristiques des parcours en grandes écoles d'ingénieurs et au-delà, vers le doctorat.

La rigueur, la persévérance et la curiosité scientifique inculquées dès les CPGE sont des atouts indéniables pour les futurs doctorants. Ces qualités, essentielles à la recherche de pointe, sont au cœur de la formation en CPGE. Ainsi, pour nous Grandes écoles, soutenir le modèle des CPGE, c'est investir dans un vivier de talents capables de contribuer significativement à l'innovation et à l'avancement scientifique, conformément aux objectifs énoncés par nos ministres.

Utiliser la passion pour les sciences comme carburant dans de futurs parcours CPGE-Grande École-Doctorat me semble essentiel pour développer l'écosystème de recherche et d'innovation en France dans les 10 ans qui viennent. Il s'agit d'un sujet fondamental pour le futur de la recherche scientifique en France où le destin des CPGE et celui des grandes Ecoles resteront intimement liés.

Rigueur et résilience : les autres fondements des futurs ingénieurs forgés dans les CPGE

Les CPGE mettent nos étudiants face à des défis considérables à la sortie de l'enseignement secondaire. Elles cultivent ainsi non seulement un haut niveau de connaissance mais aussi des qualités humaines comme l'humilité et la résilience. Ces qualités sont cruciales pour les futurs élèves-ingénieurs des Grandes écoles qui, dans leur quête d'innovation, rencontreront inévitablement des obstacles et des échecs. La capacité à persévérer, à apprendre de ses erreurs, et à continuer à avancer est fondamentale dans le développement d'inventions significatives pour la société. C'est bien ce qu'on attend de l'ingénieur d'une Grande école, in fine.

La rigueur et l'intensité des cours en CPGE, ainsi que la compétition pour l'accès aux meilleures Grandes écoles d'ingénieurs, placent les étudiants dans un environnement où la pression est constante. Cette pression, loin de n'avoir que des effets négatifs, forge chez les étudiants une capacité à gérer le stress et à surmonter les difficultés, les préparant ainsi à faire face aux défis complexes qu'ils rencontreront dans leur vie professionnelle. L'humilité vient de la prise de conscience que, malgré leurs efforts et leur intelligence, il y aura toujours des défis à relever et des leçons à apprendre. Cette humilité est essentielle pour maintenir une attitude ouverte à l'apprentissage continu et à l'innovation.

La résilience, quant à elle, est renforcée par l'expérience répétée en CPGE de surmonter des obstacles académiques et personnels. Les étudiants apprennent à ne pas craindre l'échec, mais plutôt à le voir comme une étape nécessaire sur le chemin du succès. Cette perspective est particulièrement importante dans le domaine de l'ingénierie, où les processus d'essai et d'erreur sont cruciaux pour le développement de nouvelles technologies et solutions.

Les Grandes écoles d'ingénieur en promouvant le modèle des CPGE, valorisent ainsi un système éducatif qui ne se contente pas d'enseigner des connaissances, mais qui prépare également les étudiants à devenir des leaders résilients et humbles, capables de naviguer dans l'incertitude et de contribuer de manière significative à la société grâce à leur capacité à innover et à transformer les échecs en opportunités.

L'éloquence technique : apprendre en CPGE à exprimer son savoir scientifique… et à échanger

La capacité à articuler clairement ses idées, tant à l'écrit qu'à l'oral, représente une compétence fondamentale cultivée au sein des Classes Préparatoires aux Grandes Écoles (CPGE). Cette aptitude dépasse la simple transmission d'informations; elle est la clé permettant aux futurs ingénieurs de communiquer efficacement leurs idées, de collaborer avec des équipes multidisciplinaires, de poser des questions à celles et ceux qui peuvent les aider et de mener à bien des projets complexes. Dans nos Grandes écoles d'ingénieurs, où les projets pédagogiques  impliquent souvent des concepts techniques avancés et la nécessité de travailler en équipe avec des scientifiques de différents domaines, savoir communiquer de manière efficace et précise est indispensable.

Les CPGE mettent un point d'honneur à développer cette compétence chez leurs étudiants à travers diverses méthodes. L'une d'elles est l'importance accordée aux exposés oraux [3] et aux présentations en classe, qui obligent les étudiants à structurer leur pensée, à argumenter de manière cohérente et à utiliser un langage précis pour exprimer des concepts complexes.

Plus tard, dans le cadre professionnel, la clarté d'expression devient encore plus critique. Prenons le cas d'un ingénieur travaillant sur un projet d'innovation technologique. Pour convaincre les investisseurs, diriger son équipe, et collaborer avec des partenaires de disciplines variées, il doit pouvoir expliquer clairement les enjeux techniques, les choix de conception, et les implications de son projet. Une communication efficace peut faire une grosse différence entre le succès et l'échec d'un projet.

Sans qu'ils en aient encore conscience, les élèves de CPGE apprennent à travailler sur leur clarté d'expression, ce qui les prépare idéalement à devenir des ingénieurs-communicateurs efficaces. En défendant le modèle des CPGE, les grandes écoles d'ingénieurs soutiennent ainsi  un système qui ne se limite pas à l'excellence académique en sciences, mais qui promeut également le développement d'une forme d'éloquence technique, indispensable pour le succès professionnel et la contribution à la société.

CPGE et Grandes écoles : un destin lié et un futur travail conjoint pour encore plus de responsabilité sociétale ?

Dans son enquête parue fin janvier 2024 portant "sur la réussite et le bien-être des étudiants en CPGE", nous apprenons que sur les 4463 étudiants ayant répondu, près de 90% d'entre eux "referaient le choix de la CPGE" [4]. Nous nous en réjouissons, tant il est important pour nous, Grandes écoles, d'accueillir des étudiants épanouis.

Cette même enquête met en exergue les enjeux à avoir en-tête pour encore plus de responsabilité sociétale à l'avenir.

Ces enjeux me semblent devoir être portés conjointement par les CPGE et les grandes écoles d'ingénieurs : l'accompagnement des étudiants, l'orientation professionnelle, les conditions de vie et de travail, ainsi que la gestion du stress. Au-delà de ces impératifs il nous incombe également de réussir à promouvoir une encore plus grande ouverture sociale et d'encourager une plus grande diversité au sein des filières scientifiques et techniques. En particulier, l'accent mis sur la promotion de la place des filles dans ces métiers représente non seulement un levier pour l'égalité des genres mais aussi une nécessité pour répondre aux défis sociétaux actuels et futurs.

En œuvrant ensemble, CPGE et grandes écoles peuvent développer des stratégies inclusives qui favorisent l'accès et la réussite des filles ainsi que des étudiants issus de milieux moins représentés dans les grandes écoles, et au-delà, dans la recherche scientifique. Cette synergie permettra d'atténuer encore les stéréotypes de genre et de classe sociale, non seulement en perpétuant un écosystème d'excellence global, mais aussi en le rendant encore plus accessible à tous. 

[1] Historique des classes prépas : Bruno Belhoste, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Paris X Nanterre.
[2] https://presse.economie.gouv.fr/sylvie-retailleau-et-roland-lescure-lancent-une-mission-sur-la-reconnaissance-du-doctorat-dans-les-entreprises-et-la-societe/
[3] https://www.letudiant.fr/etudes/classes-prepa/les-colles-en-prepa-a-quoi-ca-sert.html
[4] Conférence de presse de Joël Bianco le 19 janvier 2024 pour l'APLCPGE.
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