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Le phénomène des « phrases torturées » et l’intégrité de la littérature scientifique

Publié le 30 octobre 2024
Le phénomène des « phrases torturées » et l’intégrité de la littérature scientifique
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Le phénomène des « phrases torturées » et l'intégrité de la littérature scientifique

Par Olivier Pourret, enseignant chercheur en géochimie, membre de l’unité de recherche AGHYLE, référent intégrité scientifique et science ouverte, UniLaSalle

Depuis un certain temps, je milite pour que l’expression « métal lourd » soit bannie de la littérature scientifique, en raison de son usage inapproprié. J'ai proposé de le remplacer par « élément potentiellement toxique ». Toutefois, ce n'est pas le seul problème qui menace la rigueur scientifique. Un phénomène plus inquiétant a émergé récemment : l'essor des « phrases torturées », des expressions maladroites et absurdes résultant de l'utilisation abusive de logiciels de reformulation, souvent employés pour contourner les systèmes de détection du plagiat.

Ces logiciels, conçus pour reformuler des textes sans en modifier le sens, sont parfois mal utilisés, créant des termes incompréhensibles et menaçant la clarté des travaux scientifiques. Les termes bien établis sont transformés en alternatives incohérentes, compromettant la précision essentielle à la recherche.

Guillaume Cabanac et ses collègues se sont penchés sur ce problème depuis 2021. Leur équipe identifie et signale ces « phrases torturées » via des commentaires sur PubPeer (https://pubpeer.com/), une plateforme dédiée à la relecture post-publication. Leur mission est de mettre en lumière les publications concernées et d’en corriger les dérives linguistiques, un travail crucial pour préserver l'exactitude et la fiabilité des publications scientifiques.

Pour faciliter la surveillance et la correction de ces erreurs, Cabanac et son équipe ont développé un outil appelé « Problematic Paper Screener » (https://www.irit.fr/~Guillaume.Cabanac/problematic-paper-screener), qui recense les articles contenant des phrases torturées. Cet outil, mis à jour régulièrement, aide la communauté scientifique à rester vigilante face à ces distorsions. Disponible en ligne, il s'inscrit dans une démarche de transparence et d'amélioration continue de la qualité des publications.

En voici un exemple, le terme “métaux lourds”, “heavy metal” en anglais est remplacé par “substantial metals”, “overwhelming metals” ou “weighted metals” (Pourret, 2024).

Le problème des phrases torturées dépasse les simples questions sémantiques. Ces reformulations peuvent entraîner des malentendus et compliquer la reproduction des études, ce qui nuit directement à la communication scientifique. L'emploi de ces phrases déformées remet en question la rigueur et l'authenticité des recherches. Par ailleurs, l'initiative de Cabanac a montré que ces anomalies peuvent signaler des problèmes plus profonds, tels que la fraude ou une mauvaise compréhension des concepts par les auteurs.

Les implications pour la communauté scientifique sont vastes et préoccupantes. Il est essentiel de préserver l’intégrité des publications scientifiques, ce qui exige une vigilance accrue contre ces distorsions linguistiques. Chercheurs, relecteurs et éditeurs doivent veiller à ce que les textes publiés soient clairs, précis et fidèles aux intentions originales. L'usage des logiciels de paraphrase doit être encadré pour garantir la qualité des écrits scientifiques.

En conclusion, le phénomène des « phrases torturées » constitue un enjeu majeur pour la communauté scientifique. Il menace la clarté, la fiabilité et l'intégrité des publications. Grâce à des initiatives comme le « Problematic Paper Screener » et aux efforts de chercheurs tels que Guillaume Cabanac, des mesures sont prises pour identifier et corriger ces distorsions. Pour préserver la valeur de la recherche scientifique, il est impératif que le langage employé soit toujours clair, précis et fidèle aux concepts qu'il exprime.

Pourret O (2024) On the emergence of tortured phrases: A threat to scientific integrity—the example of “heavy metal”. European Science Editing 50: e131771. https://doi.org/10.3897/ese.2024.e131771

UniLaSalle

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