Par Dylan COLAS, responsable de la mission dimENSion durable, Marine FAUCHE, Ater et directrice des études du CERES, Marc FLEURBAEY, enseignant-chercheur (Economie) et co-directeur du CERES, Alessandra GIANNINI, enseignante-chercheuse (Géosciences) et directrice du CERES, Emma WOLTON, Doctorante et enseignante (Etudes cognitives).
Tandis que l’Accord de Grenoble était en cours de signature à l’École normale supérieure (il a été signé fin janvier 2023), le CERES1, la direction des études et dimENSion durable2 préparaient la première édition de l’enseignement « Les grands enjeux de la transition écologique et sociale » (TES) avec les départements de l’École. Cette nouvelle expérience d’enseignement « global » à l’ENS-PSL, commune à tous les étudiantes et étudiants d’une même promotion, est un exercice impliquant l’ensemble des disciplines. Les étudiant·es, moteurs dans ce désir de voir l’École s’engager dans l’Accord de Grenoble et dans un enseignement TES, ont été sollicités au cours de la construction de cet enseignement.
La maquette pédagogique créée consiste en douze modules animés par des binômes ou trinômes d’enseignants, spécialistes des questions d’environnement et des changements globaux.
L’objectif était de croiser les regards Sciences et Lettres sur une thématique donnée et d’ouvrir des dialogues et des perspectives entre les disciplines scientifiques et littéraires sur le sujet de la transition écologique et sociale. Cet enseignement devait également être le reflet de la recherche en cours à l'ENS sur la thématique du DD&RS3.
Piloté par le CERES et affirmant la nécessité d’une réorganisation des enseignements face aux crises, le contenu pédagogique s’est dessiné au fil des échanges entre les enseignants, chercheurs et doctorants des départements. Cet enseignement s’est inscrit dans la volonté de l’École normale supérieure d’adapter la recherche et l’enseignement aux exigences de la transition écologique. En cela, les changements nécessaires ne concernent pas uniquement les objets des disciplines, mais aussi les formes les plus pertinentes d’enseignement ou de combinaisons d’enseignements. La constitution de binômes ou trinômes répondait en partie à cet enjeu.
Partant de questionnements concrets et soulevés par les étudiants·es (« Que pouvons-nous faire ? », « Comment pouvons-nous en parler ? »…), les thématiques ont pu évoquer le changement climatique, la biodiversité et les sociétés, les villes durables, l’énergie etc. au travers de binômes de disciplines différentes (géosciences et histoire, géographie et chimie, économie et physique, philosophie et informatique etc.). Par exemple, « une historienne et un climatologue chevaucheront les échelles de temps de la Terre et des sociétés humaines pour raconter le changement climatique, un géographe et deux chimistes traverseront les murs et les matières de l’habitat de demain, les villes durables », décrivait Marc Fleurbaey, co-directeur du CERES, lors de l’annonce de la mise en place des modules.
Finalement, cet enseignement obligatoire, inscrit au diplôme de l’ENS, a été dispensé aux 350 étudiants normaliens primo-entrants au premier semestre de l’année 2023/2024. D’un point de vue pratique, l’enseignement était exclusivement en présentiel et réparti sur deux temps : quatre modules de deux heures chacun lors des journées de la rentrée (le « socle de connaissance ») et quatre autres modules de trois heures chacun durant les deux journées banalisées à cet effet. Ainsi, chaque étudiant a pu suivre vingt heures d’enseignement.
Concernant la validation de cet enseignement, il a été choisi de n’entreprendre ni devoir sur table, ni QCM. La présence au cours, via l’émargement, valait validation. En cas d’absence, des rattrapages étaient proposés : rédiger une réponse d’une page à une des questions posées dans un des modules.
A l’issue de cet enseignement, une enquête a été entreprise auprès des intervenants et des étudiants et les nécessaires ajustements seront mis en place pour la seconde édition : participation active des étudiants, approfondissement des interactions transdisciplinaires et meilleure intégration des modules dans les emplois du temps.
1 Centre de formation sur l’environnement et la société de l’ENS-PSL
2 Mission rattachée à la Direction de l’ENS-PSL et chargée de mettre en œuvre la démarche de transition écologique et sociale de l’École
3 Développement durable et responsabilité sociétale
Témoignage de Emma Wolton, doctorante en Études cognitives qui fut intervenante dans cette première édition de l’enseignement TES.
Quelle est la singularité de cet enseignement selon vous ?
Dès l’origine cet enseignement a été conçu comme une mosaïque de savoirs : l’articulation entre les différentes disciplines, méthodes et analyses étant nécessaire pour penser la crise écologique. Développer un souci pour les questions environnementales, c’est s’obliger à créer des espaces qui vont au-delà des spécialisations. La singularité de cet enseignement c’est d’avoir ouvert la voie à une collaboration entre des personnes de diverses formations et aux compétences variées.
Que pensez-vous de l’intérêt de l’interdisciplinarité d’un point de vue enseignant ?
Le métier de professeur et, plus largement, le travail intellectuel oblige souvent à se cantonner dans une spécialité, c’est pourquoi il est intéressant que l’ENS ait encouragé la création de groupe de recherche pluridisciplinaire. Ce travail n’a rien d’évident puisqu’il suppose de traduire ses connaissances dans un discours accessible et nous invite à apprendre le langage d’autres sciences. La fécondité de ce travail en commun vient du fait que la pensée emprunte des trajets inattendus.
Quelles sont les perspectives que cet enseignement a pu apporter dans votre travail ?
Participer à cet enseignement aura été pour moi l’occasion de découvrir d’autres disciplines, comme la climatologie ou l’éthologie, qui sont éloignées des sciences humaines et sociales que j’étudie habituellement. Mes recherches prennent de plus en plus la forme d’une constellation, puisant dans différents champs des outils pour penser la transition environnementale.
A propos de l'ENS
A la fois grande école et université, l’École normale supérieure dispense une formation d’excellence par la recherche conduisant aux différents métiers de l’enseignement et de la recherche, et concourt à la formation par la recherche des cadres supérieurs des administrations publiques et des entreprises françaises et européennes. Elle définit aussi et met en œuvre une politique de recherche scientifique et technologique dans une perspective multidisciplinaire et internationale. Liberté intellectuelle, pluridisciplinarité en lettres et en sciences, suivi personnalisé, vie de campus foisonnante mêlant étudiants et professeurs de toute discipline sont au cœur des spécificités de l’École normale supérieure qui, depuis plus de deux siècles, prépare aux débouchés les plus variés et aux responsabilités les plus élevées, tout en étant pleinement investie dans les débats intellectuels, scientifiques et culturels de son temps, notamment à travers la multiplicité des engagements des normaliens.