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Dossier letudiant.fr : « Réussir son année de césure », un article de Sylvie Lecherbonnier

Proposée par les écoles de commerce et d’ingénieurs, l’année de césure permet d’interrompre ses études…
Publié le 22 novembre 2012
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Proposée par les écoles de commerce et d’ingénieurs, l’année de césure permet d’interrompre ses études pendant un an pour effectuer un stage en entreprise, partir à l’étranger ou mener à bien un projet plus personnel. Comment et pourquoi partir ? Quels bénéfices en tirer ? Quels sont les pièges à éviter ? Les réponses à vos questions.

UNE ANNÉE DE CÉSURE : COMMENT ÇA MARCHE ?

Année sabbatique, année de mobilité internationale, stage hors cursus… L’année de césure peut porter différentes appellations et prendre des noms et des formes multiples : un ou plusieurs stages en entreprise en France ou à l’étranger, un séjour à l’étranger ou un projet humanitaire. La plupart du temps, les étudiants optent pour des stages en entreprise, de préférence à l’étranger. À côté des expériences de 9 à 12 mois, la formule « 2 stages de 6 mois » a tendance à se développer.

Un « break » surtout proposé en écoles de commerce

La très grande majorité des écoles de commerce et écoles d’ingénieurs proposent ce « break » entre l’avant-dernière et la dernière année d’études. Si quelques établissements n’offrent pas cette possibilité, d’autres, comme Audencia, ont rendu cette césure obligatoire. « Cette année d’internat professionnel en management est totalement intégrée dans notre schéma pédagogique, explique Jean Charroin, directeur d’Audencia Grande École. Elle se situe en milieu de cursus, entre les 3 semestres fondamentaux et les 3 semestres de spécialisation. Elle a ainsi un rôle essentiel : confirmer ou infirmer les choix de l’étudiant. »
Le dispositif est moins répandu dans les écoles d’ingénieurs, sous la pression de la CTI (Commission des titres d’ingénieur). Cette instance, qui donne aux établissements le droit de délivrer le titre d’ingénieur, souhaite que « la pratique demeure marginale » pour ne pas arriver à « un allongement systématique de la durée des études ».

Passer la barrière de la sélection

À partir du moment où votre école propose une année de césure, vous pouvez postuler, mais sans avoir la garantie que votre établissement vous délivrera une réponse positive – seuls quelques établissements la rendent obligatoire.

L’École centrale de Lille a ainsi un quota de 50 césures par promotion de 250 étudiants. La directrice des études, Véronique Lecourtois, dresse une typologie des étudiants qui candidatent : « Il y a tout d’abord ceux qui se cherchent et n’ont pas encore trouvé leur voie. Ceux qui ont un projet plus défini en tête et veulent acquérir une expérience significative dans leur domaine. Ceux, enfin, qui souhaitent profiter de cette année pour donner de leur temps sur un projet qui leur tient à cœur. » Et d’ajouter : « Attention, cette expérience ne convient pas à tout le monde. Il faut tout de même avoir une certaine maturité. »

À chaque école son calendrier

Chaque établissement possède sa procédure et son calendrier pour accepter ou non les candidats à la césure. Impossible d’en profiter sans avoir l’aval de votre établissement d’origine, qui s’engage en contrepartie à vous réintégrer à votre retour. À Centrale Lille, les étudiants intéressés doivent déposer avant le 31 mars un dossier dans lequel ils expliquent leur projet et leur motivation. « Nos refus se fondent la plupart du temps sur des critères académiques, précise Véronique Lecourtois. Il est préférable qu’un étudiant qui doit passer des rattrapages ne parte pas. »

POURQUOI SE LANCER DANS UNE ANNÉE DE CÉSURE ?

77 % des étudiants tirent un bilan personnel très positif de leur année de césure, selon une enquête du BNEI (Bureau national des élèves ingénieurs) datée de 2008. Pour les étudiants interrogés, la motivation est évidente : se doter d’un maximum d’atouts pour intégrer le marché du travail par le gain d’expérience, l’amélioration du niveau linguistique et le choix du domaine d’activité.

Avoir un projet « à mûrir »

Un véritable plébiscite qu’il faut toutefois nuancer. « Il faut être assez sûr de son projet pour pouvoir ensuite capitaliser sur son année de césure. Sinon, l’expérience peut s’apparenter à une année de perdue », estime Sacha Kalusevic, directeur chez Page Personnel, une filiale de Michael Page. Benoît, étudiant à Télécom École de management actuellement en année de césure, complète : « Une année de césure vaut le coup quand on ne sait pas trop ce qu’on veut faire plus tard : ce dispositif permet de mûrir son projet. Cela dit, quand on est décidé sur à son avenir, cela permet d’effectuer une césure cohérente. » Le « must » : faire son année de césure en marketing quand on projette de se lancer dans ce secteur.

Une immersion en entreprise « tout bénéf »

Sous réserve de cette cohérence, le consultant de Page Personnel voit beaucoup de bénéfices à tirer d’une année de césure. « C’est une immersion totale dans une entreprise qui permet d’en appréhender les tenants et les aboutissants. En un an, vous avez le temps de gérer des projets de A à Z. Vous savez ensuite si le métier que vous visez va vous convenir. Vous gagnez indéniablement en crédibilité. »

Un atout pour l’insertion pro… pas une garantie

L’année de césure facilite-t-elle pour autant l’insertion professionnelle de l’étudiant une fois diplômé ? Les avis sont partagés. Pour Sacha Kalusevic, c’est indéniable : « Cette expérience rassure les recruteurs. Vous n’êtes plus un jeune diplômé comme un autre. Vous pouvez être embauché plus rapidement et plus vite. Certaines entreprises en profitent pour repérer les potentiels qu’elles recruteront plus tard. » La CTI (Commission des titres d’ingénieur) est plus mesurée : « Si de tels stages peuvent aider à l’orientation, l’insertion professionnelle n’est pas facilitée, dans la mesure où les écoles qui n’utilisent pas ce dispositif ne rencontrent pas de difficultés spécifiques dans le placement de leurs élèves. »
Niveau rémunération, en revanche, tout le monde est d’accord. L’impact d’une année de césure n’est pas flagrant. « Il ne faut pas attendre une plus-value sur le salaire d’embauche du jeune diplômé » confie le directeur à Page Personnel. La CTI renchérit : « En général, le salaire à l’embauche d’un diplômé ayant effectué une année de césure est inférieur à celui d’un diplômé travaillant depuis un an. »

COMMENT PRÉPARER SON ANNÉE DE CÉSURE ?

Plus vous aurez mûri votre projet, plus votre année de césure sera bénéfique. « Un étudiant qui souhaite faire une césure doit se poser auparavant la question de ce qu’il souhaite en retirer, conseille Véronique Lecourtois, la directrice des études de l’École centrale de Lille. Dès le premier trimestre de sa deuxième année, il doit cibler les entreprises, les secteurs ou les pays dans lesquels il veut partir. »

Visez plutôt 6 mois que 3

Les projets humanitaires sont souvent très personnels. Pour les stages, vous pouvez commencer à démarcher les entreprises dès l’automne qui précède l’année universitaire où vous souhaitez faire un « break ». Sacha Kalusevic en est convaincu : « Les entreprises sont de plus en plus demandeuses de stages longs. Les expériences de 3 mois passent trop vite. En 6 mois et plus, le stagiaire a le temps de mettre en place des actions. »

Tirez parti des rencontres organisées par votre école

Forums entreprises, espaces carrières, offres de stages… Les dispositifs mis en place par les établissements pour rencontrer les recruteurs peuvent être des relais utiles pour préparer votre année de césure. David, étudiant à l’ENSCM (École nationale supérieure de chimie de Montpellier), a trouvé son année de césure par le biais d’un partenariat entre son établissement et le laboratoire pharmaceutique GSK. « Chaque année, l’entreprise vient faire passer des entretiens dans notre école pour accueillir quelques stagiaires en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Les troisièmes années qui en avaient bénéficié m’ont fait voir l’opportunité de cette expérience par rapport à mes compétences en chimie organique. Nous avons passé les entretiens à l’automne pour partir en août de l’année suivante. GSK nous a en plus offert un aller-retour en Angleterre en juillet pour trouver un logement. » David profite ainsi d’une colocation avec 4 Anglais.
Votre école peut également vous aider à vérifier le sérieux de l’offre de stage. Jean Charroin, le confirme : « Nous regardons attentivement si la mission correspond au niveau de qualification d’un étudiant en école de commerce. »

ANNÉE DE CÉSURE : LES PIÈGES A ÉVITER

Si les étudiants plébiscitent les années de césure, il ne faut pas se lancer sans filets de sécurité. Tour d’horizon des garanties à obtenir.

Ne partez pas sans vérifier quel sera votre statut juridique

Vous pouvez avoir différents statuts lorsque vous êtes en année de césure. Pour un projet personnel, il s’agira d’un « break » pour lequel vous devrez solliciter une autorisation d’absence auprès de votre école. Même chose si la césure se déroule sous la forme d’un CDD (contrat à durée déterminée).
Le plus souvent, l’étudiant signe une convention de stage avec son école et l’entreprise qui l’emploie. Il conserve donc son statut étudiant qui lui donne accès à la Sécurité sociale étudiante. Il devra néanmoins s’acquitter de frais de scolarité. Les écoles affichent différentes politiques à ce sujet. Certaines ne font payer aucun droit d’inscription pendant cette année blanche, d’autres demandent des frais réduits, d’autres enfin font payer l’année universitaire dans son intégralité. Le BNEI (Bureau national des élèves ingénieurs) juge cette dernière pratique « inique », puisque « les étudiants ne sont plus dans l’établissement pour la durée de leur césure ». Vérifiez bien la façon de procéder de votre école avant de vous lancer. L’impact financier pourrait modifier votre décision de faire une césure ou non.

Gare aux abus pour les stages !

Pour la présidente du BNEI (2009-2010), Noémie Aubry, « on ne peut pas négliger le risque d’exploitation dans les stages. Les élèves qui partent en année de césure ont déjà 4 années d’études supérieures derrière eux. Il semble logique que leurs missions et leur salaire soient en conséquence. »
Benoît, étudiant à Télécom École de management, partage cet avis. Le jeune homme, qui a opté pour une année de césure dans le but de l’aider à choisir sa spécialisation de 3e année, a lui-même ayant vécu une mauvaise expérience. « Je m’y suis pris un peu au dernier moment pour chercher mon stage. J’ai trouvé une offre de 6 mois dans une petite entreprise qui a ouvert des fast-foods à Londres. J’avais estimé qu’être dans une PME [petite et moyenne entreprise] en développement me permettrait d’avoir plus de responsabilités. Mais c’est l’inverse qui s’est produit, raconte-t-il. Je me suis retrouvée dans un stage très mal payé et très peu enrichissant. Il fallait que je compte les sandwichs invendus à la fin de la journée par exemple. Après en avoir discuté avec mon école, j’ai décidé de mettre fin à cette expérience au bout de 2 mois. » Benoît a retrouvé 2 mois plus tard un nouveau stage de 6 mois au sein de l’équipe finance d’Orange à Londres. « Je m’éclate, confie l’étudiant. Ma mission principale : analyser l’évolution du marché mobile multimédia. Une expérience qui correspond vraiment à ma formation. »

N’hésitez pas à négocier votre salaire

Si le salaire ne doit pas être la principale motivation d’une année de césure, il peut quand même être intéressant de réussir à couvrir les frais engendrés par ce « break » grâce à votre rémunération. Il ne faut pas se faire d’illusions, vos marges de manœuvre seront très minces. La loi prévoit le versement d’une gratification de 417 € minimum. Certains arrivent à négocier jusqu’à 1.600 € brut, voire exceptionnellement 2.000 € brut. « À Audencia, la moyenne se situe autour de 1.200-1.300 € », prévient Jean Charroin.
Payé 1.300 € brut par mois, David relativise la question du salaire :  » C’est donnant-donnant. Les entreprises se dotent d’une main-d’œuvre pas trop chère, mais elles offrent l’opportunité aux personnes en année de césure d’apprendre et de se former. »

Ne perdez pas le contact avec votre école

Dans la plupart des écoles de commerce et écoles d’ingénieurs, les étudiants peuvent s’appuyer sur un enseignant référent aussi baptisé tuteur. N’hésitez pas à faire appel à lui par courrier électronique ou téléphone dès que vous avez une question. En cas de litige, votre établissement peut vous être d’une grande aide.

Ne négligez pas le retour

Au bout d’un an, il vous faudra revenir sur les bancs de l’école. Un retour pas toujours facile à gérer après avoir pris goût à l’autonomie. Selon les établissements, vous pourrez avoir un rapport à fournir et/ou une soutenance orale pour partager votre expérience de la césure. Mais n’oubliez pas que 6 mois plus tard, vous repartirez déjà en entreprise pour votre projet de fin d’études. Alors patience…

Sources : www.letudiant.fr – Avril 2010

Sylvie Lecherbonnier
Rédactrice en chef adjointe d’EducPros.fr

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