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Égalité femmes-hommes : faut-il repenser le masculin ?

« Les hommes ont mené tous les combats, sauf celui pour l’égalité des sexes. Ils ont…
Publié le 30 septembre 2019
Égalité femmes-hommes : faut-il repenser le masculin ?
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« Les hommes ont mené tous les combats, sauf celui pour l’égalité des sexes. Ils ont rêvé toutes les émancipations, sauf celle des femmes. » (Y. Jablonka, Des hommes justes, 2019)

 

Pour parvenir à l’égalité femmes-hommes, il est certes nécessaire de continuer à veiller à l’émancipation des femmes, mais aussi résolument repenser la notion de virilité et l’éducation des garçons. La révolution accomplie par le sexe féminin au cours des deux derniers siècles, qui fut sans doute la mutation anthropologique la plus importante qu’ait connue l’histoire humaine, est incontestable [La révolution du féminin, C. Froideaux, 2015). Néanmoins, l’égalité sera pleinement accomplie quand aura eu lieu aussi une « révolution du masculin » et que, les hommes seront parvenus à s’émanciper de certains schémas et assignations sexuées qui parfois les limitent dans leurs aspirations et leurs choix (Tanquerel & Grau, 2019).

 

La masculinité hégémonique

En effet, la masculinité est une construction sociale, naturalisée selon Bourdieu (La domination masculine, 1998) et en tant que construction, elle varie au fil du temps (Histoire de la virilité, Vigarello, 2015). Elle reste néanmoins encore aujourd’hui soumise au modèle normatif de la virilité (Le mythe de la virilité, Gazalé, 2017) et ancrée dans de multiples rapports de domination (la ‘masculinité hégémonique’, Connell, 2005). Être un homme, c’est obéir à un faisceau d’injonctions comportementales et morales, et faire sans cesse la démonstration de leur parfaite intériorisation, si bien que la virilité constitue une sorte de performance imposée, un idéal hautement contraignant. Tandis que les filles sont dites fragiles, faibles et craintives, on attend des garçons qu’ils soient forts et courageux, on les dissuade des larmes, on légitime davantage leur recours à la violence et leur enseigne que l’agressivité est un signe de puissance. A cet égard, les représentations du masculin au cinéma (Panayiotou, 2010) et dans les jouets frôlent encore aujourd’hui la caricature.

 

Réinventer les masculinités

De nombreuses études ont alerté sur les effets négatifs engendrés par de telles injonctions sur la société et sur l’homme lui-même : violence, comportements déviants (alcoolisme…), renforcement des stéréotypes, homophobie, harcèlement, etc… tout en revendiquant les prémisses et la nécessité d’une redéfinition des contours de la masculinité (Les métamorphoses du masculin, Castelain-Meunier, 2013). Ces questionnements conduisent parfois à évoquer une « crise » de la masculinité. Or, comme l’indiquait Connell dans son ouvrage référence sur le sujet (Masculinities, 1995), la masculinité est plurielle. Alors, laquelle est en crise, et de quelles masculinités voulons-nous pour faciliter cette révolution du masculin ? Une des pistes proposées est que les hommes doivent apprendre à se définir autrement que par la conquête, le pouvoir, la puissance, et la violence (Des hommes justes, Yvan Jablonka, 2019). Ce n’est plus aux femmes de se remettre en cause mais aux hommes d’adopter d’autres modèles, différents de la masculinité de domination et que ces modèles alternatifs aient la même légitimité sociale. Ils doivent renoncer à leurs privilèges dus à leur sexe, remettre en question l’éducation qu’ils ont reçue, leurs réflexes et habitudes pour reconnaître et promouvoir l’égalité de tous. Valoriser l’émotion, l’empathie – qui ne sont pas des qualités ‘féminines’- chez les hommes et dépasser ces frontières de genre implique un long travail collectif de ‘socialisation du biologique’ (Bourdieu, 1998) qui incombe à l’Ecole, aux Institutions, à l’Etat, aux entreprises, aux familles. Comme le rappelle justement Olivia Gazalé dans son ouvrage sur le Mythe de la virilité, ‘les hommes ne se féminisent pas lorsqu’ils se montrent doux, empathiques et sensibles, ne se dénaturent pas quand ils pouponnent, repassent et font le ménage : ils se réapproprient simplement le fait d’être un homme, en se souvenant que tout homme comporte une part de féminin et toute femme une part de masculin’. Les binarités absolues n’existent pas dans le monde, elles sont uniquement des fictions culturelles créées par les religions et l’histoire de la pensée, à nous toutes et tous de les faire évoluer.

 

Pour aller plus loin :

https://www.happymensharemore.com/

https://www.catalyst.org/marc

https://theconversation.com/les-strategies-souterraines-pour-concilier-vies-pro-et-perso-au-masculin-78568

http://theconversation.com/la-crise-de-la-masculinite-ou-la-revanche-du-male-96194

 

Sabrina Tanquerel
enseignant-chercheur à l’EM Normandie

 

A propos de Sabrina Tanquerel

Sabrina Tanquerel est enseignant-chercheur à l’EM Normandie où elle enseigne la gestion des ressources humaines et le comportement organisationnel. Ses recherches portent sur les politiques d’équilibre entre le travail et la vie privée en entreprise, le genre, les masculinités et le bien-être au travail.

 

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