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Le coup d’accélérateur numérique

Nos écoles sont entrées dans ce que nos collègues anglo-saxons appellent l’ERT – Emergency Remote…
Publié le 2 juin 2020
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Nos écoles sont entrées dans ce que nos collègues anglo-saxons appellent l’ERT – Emergency Remote Teaching, c’est-à-dire l’enseignement à distance de crise. Avec le peu de recul dont nous disposons, nous présentons ici un point de situation de la vie de nos écoles où la dimension numérique prévaut ainsi que différentes hypothèses pour la fin de l’année 2020.

 

  1. Un retour d’expériences depuis ces derniers mois

Pour la plupart des écoles de la CGE, le constat est unanimement partagé : une très grande partie des cours a été délivrée à distance depuis le confinement de la mi-mars.

La décision par le président de la République de confiner la France, a enclenché le développement immédiat et rapide de l’enseignement à distance, intensifié par l’interdiction de l’enseignement supérieur en présentiel jusque l’été 2020. Mais ce que l’on appelle enseignement à distance peut prendre des formes très variables d’un établissement ou d’un enseignant à l’autre : type d’accès au cours (ouvert ou restreint), taille de la classe (unités, dizaines ou centaines de participants), pédagogie (exposé, interactivité, web), rôle des apprenants, nature de la communication (synchrone, asynchrone, mix)…

Même si cela est contre-intuitif, la recherche pédagogique a montré que l’enseignement à distance peut présenter généralement une valeur ajoutée complémentaire à celle du présentiel classique. Le distance learning ne se limite pas à de la transmission d’information car c’est une approche qui reconnaît le travail de l’apprenant comme un double processus social et cognitif.[1]

Cependant l’enseignement à distance montre bien évidemment ses limites pour tout ce qui nécessite un contact avec la matière, en particulier dans le domaine de l’ingénierie, ce qui a conduit nos écoles soit à différer certains apprentissages, soit à faire preuve de beaucoup d’inventivité (TP à distance, etc.). Par ailleurs, même si la crise est un puissant levier d’innovation, tout ce que nous expérimentons en ce moment n’est pas forcément conduit dans des conditions optimales en termes d’apprentissage.

 

  1.     Vers une organisation vigilante de la rentrée

La mobilisation considérable à laquelle nous avons assisté et qui s’assimile à une pédagogie de crise a conduit les enseignants à assurer les enseignements prévus avec de vrais élans de dévouement et d’innovation, qui ont parfois conduit également à de la démotivation, et ceci d’autant plus que l’effort est difficile à maintenir dans la durée. Une partie d’entre eux ne se projettent pas aisément sur la rentrée future et certains vivent l’enseignement à distance comme un élément contraignant et inhibiteur d’échanges avec les élèves.

Indiscutablement, une dynamique forte en faveur du distance learning s’est mise en place au sein des écoles de management pour sauver leur modèle économique et également au sein de certaines écoles d’ingénieurs pour protéger les programmes internationaux qu’elles ont développés. Cette dynamique est essentielle pour que l’enseignement supérieur français reste attractif sur la scène internationale, et que les flux d’étudiants extra-européens ne se détournent pas vers d’autres horizons. A l’opposé, certains établissements estiment que les trois derniers mois reflètent une gestion de crise intense qui ne pourra pas être pérennisée à la prochaine rentrée.

Par ailleurs, le curseur mis fortement sur la formation l’est au détriment des autres missions, et en particulier de la recherche. A l’inverse, avoir une activité substantielle de recherche et pouvoir la mettre entre parenthèse quelques mois a aussi été une vraie réserve de puissance pour les écoles qui en avaient la possibilité.

La question est donc pour toutes nos institutions la suivante : comment nous organiser pour préparer le semestre d’automne avec autant d’inconnues ?

L’essentiel est donc de ne pas rater cette projection sur la rentrée, quelle qu’elle soit car la situation ne peut être simplement réduite à l’appétence des institutions vis-à-vis de l’enseignement numérique.

 

  1.     L’apparition de nouveaux défis en cascade

Il ressort aussi nettement de l’expérience Covid-19 que les transformations numériques ne concernent pas que l’enseignement à distance.

De nombreux processus de gestion d’une école ont été impactés par la nécessité de travailler à distance. Parmi les défis majeurs, on relève surtout 1) le recrutement des enseignants, 2) le recrutement des étudiants français via des concours sans oraux et 3) le recrutement des étudiants étrangers dont la venue effective pourrait être compromise, ne serait-ce que par les délais d’obtention des visas et l’incertitude associée.

Dans bon nombre d’écoles qui souhaitent préserver leurs ambitions dans la recherche, c’est ainsi la première fois que des enseignants-chercheurs auront été recrutés à distance.

Au-delà, les relations des écoles avec leur environnement se modifient et font apparaître la nécessité de construire de nouveaux écosystèmes pertinents en particulier pour l’enseignement numérique. Toutes les écoles n’ont pas la vocation à s’y précipiter au même rythme mais en fonction de leurs projets stratégiques.[2]

 

  1. Quels scénarios envisageables pour la rentrée future ? 

Globalement, trois scénarios modulent la difficulté des institutions à se projeter :

  1. Un retour à la normale durant l’été. Ce scénario serait très rassurant alors que la pression des exigences numériques de la part des étudiants augmente, particulièrement en écoles de management et dans certains masters des écoles d’ingénieurs où les frais de scolarité sont importants. Même dans ce cas, beaucoup de travail nous attendra pour apporter qualité et services aux étudiants. Les mobilités internationales resteront perturbées le temps qu’elles se « remettent en route », et les flux d’élèves entrants soit seront moindre que les années précédentes, soit s’échelonneront tout au long du semestre, en particulier pour ceux provenant hors espace de Schengen.
  2. Un trimestre de transition à l’automne 2020 avec un retour à la normale en début 2021. Ce scénario est le plus partagé au moment où est publié ce numéro de Grand Angle. La clé consisterait surtout à tenir un semestre de plus et à organiser la rotation des étudiants ayant la possibilité de se rendre sur site en arbitrant entre les cours présentiels et les cours à distance, l’hybridation nécessitant un équilibre subtil avec une attention permanente aux ressources disponibles afin de ne pas surcharger les enseignants. Le service et la qualité de la formation seront toutefois difficiles à assurer si la situation durait tout au long du semestre. En outre ceci aura un impact sur le niveau de l’activité de recherche, académique comme partenariale avec les entreprises. La question d’un report pur et simple à janvier 2021 de la rentrée pourrait se poser pour certains programmes.
  3. Absence de maîtrise de la pandémie, sans aucune embellie à compter de l’été 2020 et résurgence de clusters exigeant une distanciation sociale renforcée. Une profonde réflexion devra être alors engagée quant à la validation des compétences réellement acquises par étudiants dans ces conditions dégradées. Par ailleurs, les mobilités internationales seraient de facto suspendues, ce qui posera un double problème : l’absence d’exposition à l’international des étudiants français ; le tarissement des flux d’étudiants étrangers, avec les conséquences financières qui en découleraient.

 

Pour nos écoles, l’important c’est de continuer à anticiper pour se préparer à ces différents scénarii. Ceci peut se faire en particulier en échangeant au sein de la CGE et de nos différentes commissions et groupes de travail. C’est ainsi que nous pourrons mieux nous préparer aux changements à opérer.  Pasteur, dans son fameux discours de 1864 à Douai pour l’installation de la Faculté des sciences, invitait déjà à nous souvenir que “dans les champs de l’observation le hasard ne favorise que les esprits préparés”.

 

[1] Parmi les livres de référence sur le sujet, nous recommandons : Barbara Means, Marianne Bakia, and Robert Murphy, Learning Online: What Research Tells Us about Whether, When and How, Routledge, New York, 2014.

[2] Voir l’approche intéressante des collègues de Harvard qui distinguent débutants et innovateurs expérimentés. https://hbsp.harvard.edu/inspiring-minds/higher-ed-needs-a-long-term-plan-for-virtual-learning?cid=event%7Cwebinar%7C5-20-20-webinar-recording-page-covid-19-impact-on-the-future-of-higher-education%7Cnone%7Cwebinar-covid-19-impact-on-the-future-of-higher-education%7Ceducator%7Cinspiring-minds-article%7Cmay2020&elqTrackId=c3f97cd4cbc74448ad46040efd3860d6&elqaid=191&elqat=2

 

Anne Beauval
présidente de la commission Recherche et Transferts
directrice déléguée d’IMT Atlantique

Pr. Frank Bournois
président de la commission Formaton
directeur général de l’ESCP BS

 

A propos d’Anne Beauval

Anne BEAUVAL est directrice déléguée d’IMT Atlantique depuis le 1er janvier 2017, et présidente de la commission Recherche de la Conférence des grandes écoles depuis janvier 2020.

Diplômée de l’École Polytechnique et de l’École nationale supérieure des mines de Paris, Anne BEAUVAL a occupé successivement les fonctions de chef de division Environnement Industriel et Sous-Sol, en charge de l’inspection des installations classées pour la protection de l’environnement à la DRIRE de Bretagne (2000 – 2003) ; directrice de la recherche de l’École des mines de Douai (2003 – 2008); chargée de mission auprès du directeur puis chef du service Sécurité Radioprotection Médical de la Centrale nucléaire de Gravelines (2008 – 2012) ; directrice de l’école des mines de Nantes – jusqu’à sa fusion avec Télécom Bretagne qui a conduit à la création d’IMT Atlantique.

 

A propos de Frank Bournois

Frank Bournois, président de la commission formation de la CGE (2017)

EM Lyon, MBA Aston University, Docteur HDR Gestion (1992), Agrégé des facultés de droit/gestion, professeur des universités (1994) est actuellement DG de ESCP (2014).

Après un début de carrière chez Rhône-Poulenc Europe (1987-1992), professeur à Paris 2 – Panthéon-Assas (1996-2014), Responsable des Enseignements de Défense de l’IHEDN (1997-2001) puis Directeur du CIFFOP au sein de Paris 2 (2002-2014). Président de la Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion – CEFDG (2009-2013).

Il a conseillé de nombreux grands groupes sur ses domaines de spécialité : systèmes de gestion des dirigeants et futurs dirigeants, gouvernance, management international comparé.

Membre du Conseil de surveillance de Mazars (2019). Auteur de plus de 25 ouvrages dont la Prouesse française, Odile Jacob (2017).

Fellow of the Royal Society of Arts, Membre (h) Académie des sciences commerciales, Doctor of Science (hc) City University of London. Officier Légion d’honneur et Commandeur Arts & Lettres.

 

A propos de l’IMT Atlantique

IMT Atlantique est une grande école d’ingénieurs généralistes (parmi les 400 premières universités du monde
du THE World University Ranking 2020 – 59e université mondiale de moins de 50 ans -, reconnue  internationalement pour sa recherche (présente dans 4 disciplines des classements de Shanghaï, de QS et de
THE). Elle appartient à l’Institut Mines-Télécom et dépend du ministère en charge de l’industrie et du numérique. Disposant de 3 campus, à Brest, Nantes et Rennes, d’un incubateur présent sur les 3 campus, ainsi que d’un site à Toulouse, IMT Atlantique a pour ambition de conjuguer le numérique, l’énergie et l’environnement pour transformer la société et l’industrie par la formation, la recherche et l’innovation et d’être, à l’international,
l’établissement d’enseignement supérieur et de recherche français de référence dans ce domaine. IMT Atlantique propose depuis septembre 2018 une nouvelle formation d’ingénieurs généralistes. Les étudiants sont recrutés sur le concours Mines-Ponts. L’École délivre par ailleurs trois diplômes d’ingénieur par la voie de l’apprentissage, des diplômes de masters, mastères spécialisés et doctorats. Les formations d’IMT Atlantique s’appuient sur une recherche de pointe, au sein de 6 unités mixtes de recherche (avec le CNRS, l’INRIA, l’INSERM, des universités ou écoles d’ingénieur), dont elle est tutelle : GEPEA, IRISA, LATIM, LABSTICC, LS2N et SUBATECH. L’école s’appuie sur son excellence en recherche dans ses domaines phares (énergie et numérique, cybersécurité, environnement et numérique, industrie du futur, nucléaire, santé et numérique, risques et interactions) et en couplant les domaines scientifiques pour répondre aux défis de demain : transition numérique, transition environnementale, transition industrielle, transition énergétique, santé du futur et recherche fondamentale, en s’appuyant sur 2 instituts Carnot Télécom & Société Numérique et Carnot MINES.

 

A propos de l’ESCP Business School

Fondée en 1819, ESCP Business School a fait le choix d’enseigner un leadership responsable, ouvert sur le monde et basé sur le multiculturalisme européen. Nos campus de Berlin, Londres, Madrid, Paris, Turin et Varsovie sont
des tremplins qui permettent aux étudiants d’appréhender cette approche européenne du management.
Plusieurs générations d’entrepreneurs et de dirigeants ont ainsi été formées selon la conviction que le monde des affaires peut nourrir la société de manière positive.
Cette conviction et nos valeurs : excellence, singularité, créativité et pluralité, guident au quotidien notre mission et s’expriment au travers d’une vision pédagogique qui les rassemble.
ESCP accueille chaque année 6000 étudiants et 5000 cadres-dirigeants de 120 nationalités différentes. Sa force réside dans ses nombreux programmes de formations en management général et spécialisé : Bachelor, Master, MBA,
Executive MBA, Doctorat-PhD et formation continue qui tous intègrent une expérience multi-campus.
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Site Internet : www.escp.eu / suivez-vous sur Twitter : @ESCP_BS

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