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La transition écologique, nouvelle utopie ?

Par Bernard Paranque, Kedge Business School, Chaire AG2R LA MONDIALE « Finance Autrement ». Nous…
Publié le 28 décembre 2016
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Par Bernard Paranque, Kedge Business School, Chaire AG2R LA MONDIALE « Finance Autrement ».
Nous vivons dans un monde où la monnaie permet la circulation des biens et des services. Sans monnaie il est impossible si ce n’est de survivre du moins d’accéder aux produits de base, y compris culturels ou éducatifs. Toutefois, cela nous fait oublier que la modalité de circulation des biens et des services que nous connaissons, à savoir principalement ‐ si ce n’est exclusivement ‐ l’échange marchand capitaliste, n’est qu’une des formes possibles de cette circulation, occultant la dynamique propre du capitalisme pour lequel la valeur d’usage n’est que le support de la valeur d’échange.

Ceci posé, le vecteur des échanges marchands capitalistes est la monnaie. Si l’on veut instituer un autre régime de circulation, il faut le construire. Si l’on veut desserrer l’étreinte du seul échange marchand capitaliste, et la course à la productivité qui l’accompagne, il faut favoriser les échanges pour lesquels les seuls critères de prix et de coûts ne suffisent pas à justifier l’entrée en relation avec l’autre (Testart, 2007), comme dans le cas du commerce équitable par exemple. Ce qui est alors en jeu est la nature du lien social construit, à reconstruire ou à maintenir (Servet, 2012, 2013 ; Meiksins‐Wood, 2013, 2014 ; Graeber, 2013).

Cet « en jeu » passe par notre capacité à proposer, non seulement une analyse de l’existant mais aussi une utopie ‐ c’est‐à‐dire une autre manière d’exercer notre pouvoir pour suivre Ricoeur ‐ qui nous invite à dépasser un modèle de croissance qui épuise notre humanité c’est‐à‐dire notre relation aux autres et à la nature, c’est‐à‐dire à nous‐mêmes. Cela nous oblige à (re)penser notre rapport à la nature et le fait « d’être privé du rapport naturel à ces objets essentiels que sont, pour un homme, les choses de la nature et les autres hommes » (Fischbach, 2014 :67). Autrement dit, quel rapport social de production de nos vies voulons nous construire ? En affirmant que « la nature est son [de l’homme] propre corps avec lequel il faut qu’il demeure dans un processus continuel pour ne pas mourir » (Marx, 1972 cité par Fischbach, 2014 :69) et « que la nature n’existe pour les hommes que par l’intermédiaire de l’activité sociale par laquelle ils se l’approprient et la transforment » (idem : 73) nous considérons qu’opposer l’homme à son environnement, y compris pour critiquer le modèle productiviste de croissance dominé par le « mythe d’une puissance humaine prométhéenne de maîtrise et de domination de la nature » (idem : 78), mène à une impasse car refusant toute place à l’homme. Ce défi nous oblige à comprendre le rapport social dans lequel nous inscrivons notre activité et qui se caractérise par la séparation de la majorité des hommes des conditions d’exercice de « leur propre puissance d’agir ».

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