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La parole à Yves Poilane, directeur de Télécom ParisTech et président de ParisTech

Dans un monde toujours plus incertain, toujours plus systémique, toujours plus connecté, toujours plus petit,…
Publié le 3 novembre 2012
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Dans un monde toujours plus incertain, toujours plus systémique, toujours plus connecté, toujours plus petit, et qui va toujours plus vite, il est impératif que les institutions comme les nôtres, qui se situent à la frontière du développement des connaissances et du soutien au développement économique et social, fassent évoluer leurs projets pédagogiques en conséquence.

« Césure, aventure et découverte », thèmes de ce numéro de « Grand Angle », si l’on prend un peu de recul, me semblent être justement des mots tout à fait adaptés pour caractériser ce qui doit orienter les évolutions de nos projets pédagogiques aujourd’hui.

Comment en effet préparer nos étudiants, futurs ingénieurs et managers, à naviguer dans ce monde et à y exercer une influence sensible et positive, si la formation ne reproduit pas, en modèle réduit (dans le temps et dans l’espace) la variété, les stimulations, les contraintes et le rythme de ce monde, en même temps que l’apprentissage de la prise de recul et du décryptage ? D’autant que l’amont n’a pu les y préparer, tant les exigences de l’apprentissage d’un socle de connaissances scientifiques et techniques de base et de méthodes personnelles de travail (analyse, synthèse, planification, résolutions de problème…) restent fortes – autant qu’il y a 50 ans ! – et mobilisent le temps d’enseignement.

Cette évolution, de plus, ne doit pas se limiter aux étudiants, mais pouvoir être relayée et stimulée par le corps enseignant, lui-même mobilisé en ce sens ! Nos 3 mots clés, « Césure, aventure et découverte » doivent donc s’appliquer aussi au recrutement, à la gestion des ressources humaines et aux dynamiques individuelles de nos enseignants/chercheurs…

Alors comment décliner ces 3 mots clés dans une formation Grande Ecole aujourd’hui ? A mon sens il faut faire flèche de tout bois :

  • Diversifier les origines de nos étudiants futurs diplômés, depuis le système éducatif français mais aussi en provenance de l’étranger, proche et lointain
  • Multiplier les interactions et les allers et retours entre l’école et l’entreprise pendant la scolarité
  • Placer nos étudiants dans un contexte interculturel et international, en les envoyant à l’étranger bien sûr, mais aussi en exploitant le très fort taux d’internationalisation de nos établissements « à domicile »
  • Faire de l’étudiant un acteur de sa formation en multipliant les choix qu’il a à faire tout au long de la scolarité et en lui donnant les moyens de faire des choix éclairés
  • Multiplier les occasions pour nos étudiants de travailler avec d’autres étudiants issus d’autres formations (futurs ingénieurs, managers, marketeurs, designers, artistes…)
  • Inciter à la curiosité vers des disciplines complémentaires et sensibiliser au processus d’innovation
  • Écouter et répondre aux initiatives en ce sens, souvent formidables, émanant des élèves et/ou des enseignants-chercheurs

Tout ceci nous le faisons tous, à des degrés divers.

Ainsi le taux d’internationalisation des formations des grandes écoles varie de 10 % à plus de 40 % (par exemple dans les écoles des télécoms). Le nombre effectif de filières d’accès à une même école varie encore fortement d’une école à une autre. A Télécom ParisTech par exemple, il y en a 6 pour l’obtention du même diplôme d’ingénieur.

Au plan de la mixité de métiers, à l’école, si nous combinons déjà ingénieurs, managers et marketeurs dans plusieurs formats pédagogiques et des coopérations actives avec 2 écoles de management et 2 écoles parisiennes de design, cela ne concerne encore qu’une fraction de nos étudiants et nous devons encore accroître les interactions ingénieurs-designers et les coopérations avec des écoles d’art. Sommes-nous les seuls à devoir progresser ?

Valorisons-nous également assez dans l’obtention du diplôme l’investissement de nos étudiants dans certaines activités associatives, dont les vertus formatives sont pourtant évidentes ? A cet égard, mon établissement, malgré quelques évolutions, peut encore progresser dans cette prise en compte.

S’agissant du deuxième volet, à savoir l’action vis-à-vis de notre corps professoral, où en sommes-nous de son internationalisation ? En faisons-nous assez avec nos enseignants-chercheurs en termes de séjours d’étude à l’étranger, mais aussi en entreprise en France (une forme d’ »année de césure » pour nos profs) ? Dans mon école, je considère que nous avons, là aussi, encore beaucoup à faire…

Sur tous ces sujets, mon école a énormément progressé depuis 5 ans grâce à ParisTech qui, regroupant des établissements d’excellence partageant les mêmes valeurs, a agi comme un formidable accélérateur de nos réflexions individuelles par le partage d’expérience, mais aussi par la mise en place d’actions mutualisées et d’opérations hybrides. Ainsi :

  • L’internationalisation de nos recrutements a-t-elle pu se développer grâce aux opérations en Chine, puis au Brésil et en Russie
  • Le recrutement universitaire a-t-il pu croître grâce au programme « AST grandes écoles » en commun avec les écoles du concours commun Mines Ponts
  • Des formations hybrides (comme TIC et transport ou bio-ingénierie) et des doubles diplômes ont-ils vu le jour (HEC a ainsi pu signer 8 accords avec les écoles de ParisTech)
  • Le management de l’innovation a-t-il pu se développer dans le cadre du programme PIMREP

Et ParisTech s’est ouvert sur son environnement francilien en transcendant la frontière du périphérique, par des coopérations accrues avec les universités franciliennes, que ce soit sur l’innovation (avec PEEPS), la formation pluridisciplinaire (avec la bio-ingénierie) ou la diversité sociale (avec l’institut Villebon-Georges Charpak, coopération entre Paris Descartes, Paris Sud et ParisTech).

Pour conclure cet édito, je vous soumets enfin cette question qui vient à nous avec force : avec cette diversité croissante d’origine, de parcours, d’expériences et de destinations pour nos étudiants et nos enseignants, nécessaires à la préparation aux métiers de demain, qu’est-ce qui caractérise notre diplôme Grande Ecole propre et fonde finalement la légitimité de sa délivrance par notre établissement ?

Evidemment, les référentiels, que ce soit celui de la CTI ou celui des compétences, l’un et l’autre déclinés à notre établissement, établissent des repères et assoient la légitimité de notre diplomation.

Mais, finalement n’est-ce pas surtout par une vision fondatrice du diplôme, conçue avec, communiquée aux et portée par les élèves, les équipes pédagogiques et plus généralement le personnel de l’école que l’unité du diplôme sera assuré ? Ce projet de l’Ecole se jouant au quotidien via une mise en accord de chacune de nos décisions et de nos choix (d’élèves, d’enseignants, de techniciens, d’administratifs ou de managers) avec cette vision, confirmant ainsi que, dans l’enseignement supérieur comme ailleurs, le pilotage par le sens fait désormais loi.

A Télécom ParisTech, nous l’avons appelé « Innover et Entreprendre dans un monde numérique ».

 

Yves Poilane
Directeur de Télécom ParisTech
Président de ParisTech

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