CGE : Quelle place a le développement durable dans votre parcours ?
S.B. : Pour la petite histoire il n’était nullement question de développement durable dans nos formations à cette époque ni même d’environnement, les enseignements techniques étaient prédominants, accompagnés de notions de gestion, de finances publiques, de marchés publics. Je dois vous dire que jusqu’en 2008 le bâtiment durable n’était pas vraiment notre priorité ; la priorité c’était de livrer le bâtiment dans les délais en respectant une qualité architecturale et à des coûts plutôt maitrisés. Mon premier contact avec la problématique environnementale s’est fait à l’occasion de la découverte d’une pollution de sol à l’endroit où devait être construite une école. Puis le directeur de la DPA m’a proposé de créer un nouveau service, le Service technique du bâtiment durable (STBD), non pas parce que j’étais une spécialiste du développement durable mais parce que j’avais la légitimité « terrain » et une personnalité capable de se faire entendre, deux qualités importantes, selon lui, pour faire avancer la thématique du développement durable au sein de la DPA. Pendant trois ans j’ai construit ce nouveau service, il faut savoir que la DPA est en charge de 3 000 bâtiments, ce qui vous donne une idée de l’ampleur de la tâche. Pour ce faire nous avons organisé le STBD en trois sections :
- la section Réglementation et développement chargée de la veille réglementaire, de la diffusion de la doctrine technique auprès de nos collègues via des cahiers et des fiches techniques, de l’accompagnement des services opérationnels. C’est un rôle de facilitateur en quelque sorte, nous balayons de nombreuses thématiques, parmi lesquelles l’accessibilité, la haute qualité environnementale (HQE), la performance énergétique, les aspects sanitaires ou encore la biodiversité. Concernant ce dernier thème il s’agit surtout de végétalisation de toiture ou de façade ;
- la section Technique de l’énergie et du génie climatique avec un volet Etudes, ou comment choisir tel ou tel mode de production d’énergie, comment concevoir et dimensionner le centre thermique dans le cadre d’un projet de construction ; puis un volet Exploitation car il faut faire fonctionner et entretenir les 3 000 chaufferies de notre parc et enfin un volet Gestion, qui concerne la facturation des consommations de fluides. Ce troisième volet nous permet de connaître parfaitement les consommations énergétiques de nos bâtiments. Nous avons par ailleurs qualifié ces consommations en réalisant des Diagnostics de performance énergétique (DPE) sur l’ensemble de notre parc immobilier ;
- la troisième section ou plutôt mission, car elle s’est rajoutée aux deux autres récemment, est dédiée à la mise en place de contrats de performance énergétique dans les écoles parisiennes.
CGE : Quelles sont les synergies avec le calcul des coûts de construction ? Est-ce de votre ressor ?
S.B. : Non, cela relève davantage du service de contrôle de gestion mais ponctuellement nous avons pu faire quelques simulations notamment pour anticiper l’impact financier d’un changement de réglementation comme cela va être le cas pour la RT 2012.
CGE : Vous avez créé un référentiel Bâtiment durable propre à la ville de Paris, de quoi s’agit-il ?
S.B. : En fait la réflexion est partie du Plan Climat de la ville de Paris ou plutôt de sa déclinaison au niveau du parc immobilier municipal puisque le maire de Paris a souhaité que les bâtiments soient exemplaires et aillent au-delà de la règle des 3×25 inscrits dans le Plan Climat pour devenir les 3×30 : 30 % de réduction de la consommation d’énergie, 30 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et 30 % de l’énergie consommée sous forme d’énergie renouvelable, tout cela à l’horizon 2020, base 2004. Pour atteindre ces objectifs nous nous sommes fixé, en 2008, un cadre de travail comprenant un état des lieux systématique, un audit environnemental confié à un prestataire de service, et l’inscription du projet dans une démarche HQE pour toutes opérations dont le coût est supérieur à 1 million d’euros. Nous avons scindé ces opérations en deux catégories, les grosses réhabilitations de bâtiments existants et les constructions de bâtiments neufs avec des objectifs respectifs en termes de performance énergétique de 80 Kwh/m² shon/an et 50 Kwh/m² shon/an (en énergie primaire). En fait notre référentiel bâtiment durable est construit sur la base du référentiel HQE à la fois adapté à nos objectifs définis par le Plan Climat et à l’usage courant de nos bâtiments qui sont principalement des établissements recevant du public sensible (jeunes enfants). Notre référentiel a donc un niveau « très performant » pour les cibles énergie et qualité de l’air. L’originalité de notre référentiel vient de la prise en compte de l’accessibilité pour tous, un critère hors référentiel HQE qui va au delà du handicap moteur déjà encadré par la loi, dans nos critères d’évaluation. Nous avons créé le CRAPT, centre de ressources pour l’accessibilité pour tous, sorte de comité de travail pluridisciplinaire pour encadrer tous les projets sur la base d’une grille d’évaluation de l’accessibilité des bâtiments à trois niveaux :
- Niveau 1 : Le bâtiment est accessible depuis la rue jusqu’à l’accueil pour toutes les personnes
- Niveau 2 : Tous les locaux du bâtiment ouverts au public sont accessibles à toutes les personnes
- Niveau 3 : Tous les locaux du bâtiment sont accessibles à toutes les personnes.
Ce référentiel va bientôt être évalué et la grille d’accessibilité va certainement évoluer.
CGE : Quel levier avez-vous utilisé pour faire adopter ce référentiel à vos collaborateurs ?
S.B. : Les chefs de projets opérationnels et les différents chefs de service de la DPA ont été associés à la mise au point du référentiel ; ensuite, nous avons choisi d’être assez directif puisque nous avons imposé ce référentiel pour la grande majorité de nos opérations. Par contre tous les ingénieurs recrutés reçoivent une formation/sensibilisation au référentiel. Toutes les parties prenantes sont consultées à toutes les étapes, elles valident l’étude de faisabilité réalisée par nos architectes internes par exemple.
CGE : Les contrats de performance énergétiques (CPE) : comment vous êtes-vous approprié ce nouvel outil ?
S.B. : Cette mission est un peu à part. Elle m’a été confiée en cours de route dans le but de respecter les engagements du Plan Climat dans un contexte de réduction des budgets de rénovation des bâtiments occasionnée par la crise économique. La Direction nous alors demandé de faire preuve « d’ingénierie innovante » ! Nos partenaires institutionnels nous ont alors suggéré d’étudier la mise en place de partenariats public-privé (PPP) pour rénover et exploiter nos écoles. Nous avons décidé d’étudier la question en réalisant une pré-évaluation sur 5 écoles aux profils énergétiques très différents mais toutes très énergivores. Puis nous avons lancé un appel d’offre à blanc auprès d’un panel d’entreprises et avons eu 7 réponses, qui nous ont permis d’évaluer l’intérêt de mettre en place ce genre de PPP. Nous avons aussi réalisé un benchmark des CPE existants bien qu’il y en ait peu. Nous nous sommes ainsi rapprochés de la région Alsace, qui a réalisé un projet similaire sur ses lycées, et de la ville de Montluçon, qui en a fait de même avec ses bureaux. Forts de cette pré-étude, nous avons extrapolé l’opération à 100 écoles, sur la base des DPE existants, et lancé un appel d’offre, pour lequel nous avons eu 4 réponses. Notre objectif est d’étendre cette opération à 600 écoles, à raison de 300 par mandature donc 300 avant 2014 et 300 après.
CGE : Quel est le profil de l’appel d’offre que vous avez lancé ?
S.B. : Nous avons recouru à une procédure juridique un peu différente de l’appel d’offre classique, qui ne laisse généralement pas beaucoup de liberté aux entreprises qui répondent. Nous avons opté pour la procédure dite de « dialogue compétitif », qui fixe des obligations de résultats mais laisse l’entreprise libre de choisir les moyens pour y arriver. Ainsi ce sera l’entreprise la mieux-disante qui sera retenue, au regard de la réalisation des objectifs d’économie d’énergie et de réduction des émissions de GES de -30 %. Cette procédure sera assortie d’un système de bonus/malus pour l’entreprise, d’autres critères étant pris en considération, comme la nature des travaux prévus, le respect de la qualité architecturale des bâtiments, ou encore une assise financière suffisante de l’entreprise garantissant la pérennité du contrat sur une durée de 20 années.
CGE : Est-ce compliqué de mettre en place un CPE ?
S.B. : Cet outil était tout à fait nouveau pour nous. La technique financière est assez lourde : il faut faire des simulations sur 20 ans, il y a un budget d’investissement et un budget de fonctionnement ; au bout d’un moment on bascule dans le budget de fonctionnement lorsque le prêt pour le budget d’investissement a été amorti, bref cela demande une étude assez poussée. Sur les aspects juridiques, ce genre de partenariat demande la mise en place de protocoles de mesures des déperditions de chaleur très contraignants, où tout a son importance, ne serait-ce que la position des capteurs de mesure dans le bâtiment. Il faut aussi mettre en place un protocole bipartite d’exploitation, avec notamment une délégation de responsabilité pour la petite maintenance, puisque ce seront nos équipes qui feront ces travaux (changer une ampoule, refaire un joint d’étanchéité etc.). Enfin il faut aussi mettre en place un protocole d’usage du bâtiment avec des consignes pour les utilisateurs finaux (comment gérer l’éclairage, les ouvertures des fenêtres etc.).Tous ces protocoles sont là pour cadrer le calcul des économies d’énergie réellement réalisées, et donc des bonus/malus de notre partenaire. Nous aurons encore du travail sur ce sujet avec l’entreprise qui sera retenue, mais je ne manquerai pas de vous tenir informé des futures solutions envisagées. La signature du contrat est prévue pour cet été.
Propos recueillis par Gérald Majou de La Débutrie
Chargé de mission Développement durable de la CGE
Sélection des activités DD dans les écoles
- 25 et 26 mai 2011 : les Rendez-vous annuels du Développement Durable, R2D2
L’École des Mines de Douai organise, à l’initiative de la Conférence des grandes écoles, les Rendez-vous annuels du Développement Durable, R2D2, réunissant les responsables de l’enseignement supérieur francophone. Ces journées aborderont de façon très concrète la mise en place de la démarche Développement Durable à travers les caractéristiques spécifiques d’un établissement d’enseignement supérieur : formation, recherche, création d’entreprise et vie sur le campus. Différentes interventions sont également prévues, notamment celles de Jean-Marie Pelt, président de l’Institut européen d’Écologie, et de Guy Pourbaix, délégué régional du réseau Alliances sur la responsabilité sociale des entreprises (RSE).
- LaSalle Beauvais : rendez-vous le 31 mars pour la Journée de l’environnement et le 6 avril pour une visite des laboratoires
A l’occasion de la semaine nationale consacrée à l’industrie, LaSalle Beauvais propose deux événements : le 31 mars, la Journée de l’Environnement sur le thème des énergies renouvelables et le 6 avril, l’ouverture au grand public des laboratoires de recherche de l’école d’ingénieurs.
Contact : Agnès Sylvano – Chargée de communication Relations Entreprises – 03 44 06 76 05
- Cycle des hautes études du développement durable Midi-Pyrénées (CHEDD Midi-Pyrénées) : lancement le 24 mars
Pour la deuxième année consécutive, l’École des Mines d’Albi-Carmaux et ses partenaires (ESC Toulouse, École nationale de la météorologie, École nationale supérieure d’agronomie de Toulouse et Université Toulouse 1 Capitole) organisent le Cycle des hautes études du développement durable Midi-Pyrénées (CHEDD Midi-Pyrénées). La session 2010 a réuni 15 auditeurs (1/3 entreprises, 1/3 collectivités et administration, 1/3 société civile). Le cycle débutera le 24 mars 2011. Accédez au programme et au dossier d’inscription en cliquant ici…
- Partenariat de formation réussi entre le REFEDD et le CESI sur la réduction des gaz à effet de serre des campus
En 2011, l’É́cole d’ingénieurs du CESI, qui possède 12 centres en France, mettra en route des plans d’actions pour réduire les gaz à effet de serre sur ses campus. Avec l’objectif de former ses étudiants et ses personnels administratifs aux enjeux énergie/climat, ainsi que de leur faire découvrir une méthodologie de diagnostic des gaz à effet de serre sur les campus, l’école d’ingénieurs du CESI a signé au printemps 2010 un partenariat avec le Réseau Français des Étudiants pour le Développement Durable (REFEDD), qui déploie partout en France les ateliers « Projet Carbone Campus ». En savoir plus…
- Une application iPhone nommée « iEcolo » à Télécom Bretagne
Erwan Gereec, élève ingénieur en 2ème année à Telecom Bretagne (formation FIP), a développé une application iPhone nommée « iEcolo ». À travers ce portail écologique, l’utilisateur peut consulter une liste d’écogestes classés par catégories (Maison, Travail, Transport), ou encore lire les articles publiés quotidiennement en matière d’environnement, d’écologie, de développement durable. En savoir plus…
- Trois étudiants du bachelor en commerce de Rouen Business School à la 2ème place du challenge international « Façonner les leaders de demain »
Rouen Business School s’est illustrée dans la première édition de cette compétition, organisée par la fondation GRLI (Global Responsibility Leadership Initiative) et l’ONG internationale Net Impact, qui avait pour thème « Comment la nouvelle génération de leaders peut-elle contribuer au leadership responsable ? ». En savoir plus…