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Allocution de Thierry Mandon, Secrétaire d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

Je suis très content d’être parmi vous. Il me semble que Madame Geneviève FIORASO avait…
Publié le 22 janvier 2016
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Je suis très content d’être parmi vous. Il me semble que Madame Geneviève FIORASO avait clôt votre dernière Assemblée Générale et je veux voir dans cette habitude naissante un mouvement naturel. Il est normal que la personne en charge de l’enseignement supérieur dans ce pays soit à vos côtés. Vous menez une action très importante dans ce secteur et, de votre statut institutionnel particulier, participez à toutes les grandes réflexions nationales sur les enjeux de l’enseignement national, notamment sur le dernier en date : la Stratégie Nationale Pour l’Enseignement Supérieur (StraNES).

Nous nous inscrivons dans un mouvement durable et souhaitable de démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur. Démographiquement, la pression va être forte sur les établissements et, culturellement, les jeunes ont conscience qu’un diplôme de l’enseignement supérieur les protège davantage des difficultés d’emploi que le fait de ne pas avoir fait d’études. Ils savent également que l’évolution des emplois à moyen et long terme est très incertaine et qu’il est plus qu’important de se doter au plus tôt d’un stock de connaissances. Nos écoles et universités ont réussi ces dix dernières années leur ancrage territorial et génèrent ainsi, en conséquence naturelle, une demande supplémentaire d’étudiants. Le Grand Paris demande à réussir cette démocratisation qui implique un changement de modèle économique et des politiques sociales d’accompagnement fortes et un grand effort sur la vie de campus et l’accompagnement de projets éducatifs.

Le grand projet des dix ans à venir n’est pas tant la démocratisation que la démocratisation exigeante. Nous savons accueillir plus d’étudiants et leur faire obtenir des diplômes. Nous devons désormais réfléchir à la fluidité et la diversité des parcours, et exiger de tous les acteurs du système un certain nombre de responsabilités plus importantes encore que celles qui leur sont demandées aujourd’hui.
Je crois que la nation, face à ce choix de démocratisation, devra consolider son engagement en direction de son système d’enseignement supérieur. C’est la raison pour laquelle je me suis beaucoup battu sur le budget 2016 pour signifier que le mouvement qu’allait vivre notre secteur était déjà amorcé. Les 165 millions d’euros supplémentaires ainsi obtenus constituent un geste fort dans un budget de l’Etat en légère baisse. Cet engagement sera certes insuffisant pour stabiliser un mouvement économique et exige de ceux qui vont en bénéficier des responsabilités supplémentaires.
Cette somme sera en effet insuffisante vis-à-vis des fonds apportés par les inscriptions universitaires. Je crois à ce sujet que l’Etat ne doit pas envoyer de signal-prix contradictoire avec ses objectifs. Augmenter les tarifs dissuaderait certaines couches sociales nouvelles d’accéder à l’enseignement supérieur, même si un nouveau système de bourses serait mis en place.

Je tiens également à évoquer la diversité de l’enseignement supérieur français et l’intérêt d’utiliser au maximum cette richesse. Les ComUE ont été créées à cette fin mais le résultat de leur application n’est pas encore satisfaisant. Je vais prochainement faire le tour de France de toutes les ComUE pour faire évoluer certaines situations. Elles sont le cadre dans lequel les écoles peuvent apporter leur expérience aux universités.
Enfin, nous allons mettre en place une réflexion et des actions sur la révolution de l’acquisition des compétences que vont créer le numérique et la compétition grandissante au niveau international de l’ensemble des acteurs du système d’enseignement. Ici encore, votre expertise et expérience seront les bienvenues.

Vous avez eu raison de placer ces journées sous le thème de l’entrepreneuriat. De nouveaux dispositifs et partenariats se développent sur ce sujet qui, culturellement, intéresse grandement les nouvelles générations. Je penserais même, pour ma part, qu’il y a aujourd’hui trop de dispositifs d’aide et de soutien à la création d’entreprises. Je remettais encore la semaine dernière un prix de l’entreprise à un lauréat qui ne l’avait pas encore proprement créée. Les progrès devraient ainsi aller vers une vision plus large de l’entrepreneuriat, non limitée au moment de sa création, mais accompagnant également sur les premières années.
La France devient un des plus grands incubateurs mondiaux d’entreprises. Nous en créons, et nous nous les faisons voler. Un très récent voyage au Japon m’a confirmé leur volonté de se rapprocher de la France, à savoir d’un pays qui ne cesse de créer mais qui ont du mal à faire grandir ce qu’ils créent. Il faut donc aller au-delà de l’encouragement à la création d’entreprise. La réforme d’un certain nombre de structures peut permettre aux jeunes pousses de croître durablement.


Thierry Mandon
Secrétaire d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur
et de la Recherche

Questions et réponses
Philippe Jamet – Vous avez parlé d’un signal-prix qui ne devrait pas contrecarrer les objectifs d’une ouverture sociale. Nous croyons pour notre part à ce signal-prix à l’international où le recrutement d’étudiants étrangers est un marché que chaque pays s’est approprié. Or, la France n’envoie pas de signal-prix à cette échelle. Qu’est ce qui s’y oppose aujourd’hui économiquement et politiquement ?

Thierry Mandon – Je confirme votre diagnostic. Certains pays étrangers ont analysé l’appréciation portée sur notre système d’enseignement supérieur et la faiblesse d’un certain nombre de réinscriptions à nos écoles et surtout à nos universités comme un défaut de qualité. Je ne sais pas quoi penser pour l’instant mais je vais étudier ce sujet de près. Il ne relève pas seulement de l’enseignement supérieur mais également de considérations diplomatiques. Les décisions prises doivent en tout cas être ancrées sur un certain nombre de principes politiques lisibles et assumés, à défaut d’être partagés par tous.

Isabelle Barth- Je suis directrice de l’école de management de Strasbourg et également professeur des universités, cette école étant la seule business school à être intégrée dans une université. J’ai enseigné vingt ans en université avant d’arriver à la direction de cette école. J’ai investi dans l’apprentissage pour l’enseignement supérieur dès 1994 et mon sujet de recherche est le management de la diversité et la lutte contre les discriminations. Je crois aujourd’hui intensément au contrat pédagogique inversé, à savoir ne pas lâcher un étudiant tant qu’il n’aura pas acquis le stock de connaissances de son diplôme. Toutefois, si cette promesse est tenable en école, elle ne l’est pas dans une faculté. J’aimerais vraiment que l’on trouve une solution à cette fracture. Seuls les étudiants d’école, et sans socle social, ont à ce jour tout le support pour être amenés vers l’international et l’insertion professionnelle.

Thierry Mandon – J’adorerais pouvoir vous apporter la réponse aujourd’hui. Nous pouvons prendre ce problème sous plusieurs aspects. Je crois à cette idée de contrat et il est regrettable de ne la réserver qu’à un certain nombre d’écoles. Il manque aujourd’hui à l’entrée de l’université une formalisation qui, individuellement, met un fil entre le destin du jeune et une institution qui va le pendre en charge. D’autre part, un parcours de réussite passe par un conseil d’orientation pertinent. Les étudiants titulaires d’un bac pro connaissent par exemple 97% d’échec en université, alors qu’ils auraient pu être conseillés vers d’autres orientations les amenant vers la réussite et l’insertion.
Les structures d’organisation des universités mêmes doivent fournir un effort supplémentaire vers l’insertion professionnelle de leurs étudiants. Peu sont aujourd’hui performantes en matière de formation et engrangent des recettes face à cela. Enfin, de part les ComUE, les écoles pourraient fréquenter plus étroitement les universités et leur communiquer leurs bonnes pratiques, comme elles auraient elles-mêmes à en apprendre en échange.
Thomas Froehlicher – J’ai la chance de diriger une école située sur Bordeaux, Marseille, Toulon mais aussi présente à Dakar et Shanghai. En instaurant une internationalisation de nos programmes et en créant un environnement interculturel dans nos écoles où 70 et 80 nationalités se côtoient quotidiennement, faisons-nous partie des orientations que l’Etat souhaite mener ?
Thierry Mandon – Tout à fait.

Gérard Pignault – J’ai beaucoup apprécié que vous souligniez la nécessité d’une grande diversité d’établissements dans l’enseignement supérieur pour répondre à la diversité des jeunes. Je dirige pour ma part le CPE Lyon, un établissement de structure associative qui est associé par décret à une université publique. Comment allez-vous maintenir cette diversité essentielle de l’enseignement supérieur que sont les établissements associatifs, qui sont aujourd’hui nombreux à souffrir sur le plan financier, alors que leur contribution à la hausse du nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur est considérable ?

Jean-Louis Blanquer – Je vous remercie pour votre fierté des grandes écoles. Il est vrai que le Financial Times classe la France première dans la catégorie grandes écoles master et management. Le Ministère est-il prêt à afficher fortement cet atout ? D’autre part, êtes-vous prêt à soutenir les mécanismes d’ouverture sociale que nous allons mettre en œuvre dans les temps à venir ?

Pierre Tapie – Pourquoi dîtes-vous que la démocratisation de l’enseignement supérieur signifiera plus d’étudiants ? Des études très précises ont montré que la colonne de distillation fractionnée sociale fonctionne merveilleusement de la 6ème à la terminale et que les classes préparatoires sont capables de récupérer les trois quarts de ce delta. S’agit-il de donner à tous ceux qui en ont le potentiel d’aller jusqu’au bout ou de considérer que 60% d’une classe d’âge diplômée dans l’enseignement supérieur vaut mieux que 50% ? Un benchmark fait à l’international révèle qu’il n’y a aucune corrélation entre le taux de chômage des jeunes et la proportion de jeunes qui ont accès à l’enseignement supérieur.

Vous avez également affirmé, avec la hausse d’étudiants dans l’enseignement supérieur, l’ambition d’obtenir des modèles économiques plus efficaces et performants, mais avez-vous conscience que la situation de ce secteur ces huit dernières années, ramenée à l’étudiant et au paysage compétitif international, s’est considérablement dégradée en France ? L’obsession économique de tout dirigeant aujourd’hui dans l’enseignement supérieur, politique et privé, l’empêche de faire correctement son métier. Comment espérer sur le long terme, en bloquant les frais de scolarité à leur niveau actuel, répondre à ce désastre financier ?
Thierry Mandon – J’ai effectivement conscience des difficultés budgétaires des acteurs de l’enseignement supérieur. Je ne parle d’ailleurs que de ça. Notre pays s’est inscrit dans une stratégie de réduction de ses coûts qui touchent tous les acteurs de notre société. Je soutiens la fonction sociale des établissements et soutiendrai donc largement les démarches d’ouverture sociale des écoles. Je soutiens également bien sûr la diversité des écoles, essentielle dans une réponse à l’hétérogénéité grandissante des publics qui arrivera avec la démocratisation.

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