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Chercher, innover mais selon quelles pratiques et pour quelles finalités ?

Chercher, innover mais selon quelles pratiques et pour quelles finalités ? Voilà la question qui…
Publié le 8 octobre 2020
Chercher, innover mais selon quelles pratiques et pour quelles finalités ?
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Chercher, innover mais selon quelles pratiques et pour quelles finalités ? Voilà la question qui monte, qui monte au sein de la communauté de la recherche et de l’innovation. Le malaise face aux perturbations écologiques traverse la société, les plus jeunes d’entre nous sont les plus réceptifs et parmi ceux-ci les étudiants ont décidé de se mobiliser en proposant un Manifeste pour un réveil écologique. Le microcosme de la recherche n’est pas en reste, un collectif de 1 500 chercheurs s’est lui aussi créé : le Labo1point5, et même si leur mobilisation a été moins remarquée que celle des étudiants , il interroge avec force et pertinence les pratiques quotidiennes des métiers de la recherche. Quel est l’impact sur le climat de mon activité de chercheur ? Une fois mesuré, en quoi est-il justifiable, quelle type de valeur je lui oppose dans la balance coût/bénéfice de mon activité ? Comment puis-je encore aujourd’hui, armé de mes connaissances de l’ampleur des changements climatiques à venir, me considérer comme responsable en mettant dans la balance des émissions de gaz à effets de serre délétères pour la vie terrestre d’un côté et une création d’argent de l’autre ? Si je veux aujourd’hui maximiser ce rapport coût/bénéfice je n’ai d’autre choix que de :

  1. Questionner mes pratiques pour diminuer le « coût environnemental » – et social car tout est lié – de mon activité de chercheur. Le déplacement prévu en avion, gros émetteur de CO2, pour assister à une conférence le mois prochain à l’autre bout de la planète est-il vraiment indispensable ?
  2. Répondre à un impact sociétal (ici le CO2 émis) par une valeur sociétale, je dois donc questionner les finalités sociétales de ma recherche. Y-a-t-il une chance que mon travail contribue, même très modestement, à l’amélioration du bien commun ?

Un collectif d’associations de l’enseignement supérieur et de la recherche, de chercheurs, d’universités, de Grandes écoles, d’organismes de recherche se penche depuis presque deux ans, sous le nom de Groupe de Travail sur la Recherche & l’Innovation Responsable – (R&I)R – sur le cadre complexe de la soutenabilité de la Recherche et de l’Innovation (R&I). Ce collectif n’est pas le seul ni le premier à travailler sur ce sujet, on peut ainsi citer la RRI pour Responsible Research and Innovation du programme européen horizon 2020. Un contexte français bien spécifique, sur le plan de la typologie des acteurs (universités, organismes, Grandes écoles …) impliqués comme des dispositifs collectifs de Développement Durable et de Responsabilité Sociétale (DD&RS) existants, justifie cependant une telle initiative. Il s’agit ainsi d’aider la communauté de la recherche et de l’innovation à se poser les bonnes questions quant au caractère responsable de ses activités. Ces questions sont, pour ce collectif et à date, au nombre de trois :

1) Se poser d’abord la question des valeurs individuelles et collectives de référence : quels sont les cadres éthiques d’exercice des activités de R&I en tant qu’individu, unité de recherche, laboratoire, incubateur dans une université, un organisme de recherche ou une Grande école eux-mêmes pris dans des systèmes de valeurs issus d’accords nationaux et internationaux ? Comment puis-je mettre en œuvre des pratiques de R&I respectant l’intégrité scientifique ? Quelle posture dois-je adopter au moment de diffuser les résultats de mes travaux : la libre circulation des savoirs ou une privatisation des résultats (propriété intellectuelle) ? Et plus largement, quel système de valeur constituera l’éthique dans laquelle mon unité, mon laboratoire, mon incubateur exercera sa responsabilité ? Si je pose, parmi ces valeurs, le respect du vivant, puis-je encore conduire des expériences sur des animaux ? Poser son système de valeur, sa raison d’être, est fondateur et structure l’univers des possibles dans lequel je vais inscrire mes activités à compter de cet instant, je ne peux donc le décréter tout seul, il doit résulter d’un travail impliquant l’ensemble des parties intéressées.

2) Ensuite s’interroger sur la façon d’inoculer le virus de la soutenabilité à l’organisation de la recherche et de l’innovation : Faut-il nommer un pilote pour animer cette démarche, avec quels outils évaluer l’efficacité de l’action virale, sur quels vecteurs s’appuyer pour que le virus gagne tous les recoins de mon université, de mon organisme de recherche ou de ma Grande école ? Comment puis-je évaluer les impacts sociétaux au regard des pratiques et des finalités de la R&I ? Dois-je assigner à la R&I des objectifs relevant des grands cadres internationaux comme les Objectifs du Développement Durable? L’organisation sociale des métiers de l’enseignement et de la recherche permet-elle d’aligner les carrières avec des pratiques de R&I à l’interface des disciplines ? Et dans la négative (c’est le cas actuellement), quel nouveau contrat social doit-on proposer à ces hommes et ces femmes pour qu’ils/elles changent leurs pratiques et y trouvent une reconnaissance légitime ?

3) Et enfin, se demander en quoi la recherche-innovation responsable se matérialise en se nourrissant des interactions entre science et société : son lieu de prédilection est-il l’incubateur, le tiers lieu, là où se rencontrent chercheurs, innovateurs et entrepreneurs ? Se nourrit-elle des échanges avec les citoyens, via des plateformes participatives, ou avec les étudiants pour construire des formations adaptées à leurs attentes ? Peut-elle émerger au sein de collectifs « Grenelliens » qui rassemblent entreprises, associations, syndicats, ONG … et spécialistes de la recherche et de l’innovation, ou éclore à la faveur d’activités de recherche-action ou de contrats CIFRE avec le monde socio-économique ? Est-ce à la croisée des cultures du monde que nous trouverons le moyen d’être plus forts, plus innovants pour répondre à des enjeux qui se moquent des frontières nationales ? Ou encore quelle est l’influence réciproque entre le « politique », le producteur de normes et le chercheur ?

Le GT (R&I)R postule que ces trois dimensions ne peuvent être considérées séparément si l’on veut aller vers plus de responsabilité sociétale des activités de recherche et d’innovation. Il faut agir de façon systémique sur le triptyque Valeur/Organisation/Cadre matériel et donc sur l’ensemble des questionnements identifiés plus haut. Si l’on pose par exemple 5 niveaux de progression pour ce triptyque, à l’image du référentiel DD&RS des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, alors on peut s’accorder collectivement sur les chemins conduisant à la soutenabilité de la recherche et de l’innovation. Il s’agit bien là d’une proposition issue d’un processus d’élaboration collectif et consensuel, en l’état actuel des connaissances, et non de la « Vérité ». Ces premiers résultats du groupe de travail ont été, au premier semestre 2020, confrontés aux pratiques d’unités de recherche volontaires. Cette expérimentation a permis d’enrichir la production du GT (R&I)R et de figer, pour quelques années, notre état collectif de la connaissance dans un outil de montée en compétences sur la recherche et l’innovation responsable au service des universités, des organismes de recherche et des Grandes écoles qui souhaiteront l’utiliser.

Le 15 janvier 2021 nous organiserons collectivement un colloque de valorisation de ces travaux à Paris au Muséum National d’Histoire Naturelle, si le contexte sanitaire s’y prête (sinon nous le virtualiserons). Ce colloque sera ouvert à la communauté élargie de l’enseignement supérieur et de la recherche, nous espérons qu’il apportera sa contribution à l’urgence des transformations écologiques et sociales attendues.

Si vous souhaitez suivre ces travaux et être informé évènements à venir merci de renseigner le petit formulaire ici

Groupe de travail sur la recherche et l’innovation responsable

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