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De l’impérieuse nécessité de disposer de laboratoires de recherche en pédagogie…

« Sans que nous nous en apercevions, un nouvel humain est né » écrit Michel…
Publié le 22 avril 2012
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« Sans que nous nous en apercevions, un nouvel humain est né » écrit Michel Serres. Il n’a plus le même corps, la même espérance de vie, ne communique plus de la même façon, ne perçoit plus le même monde, ne vit plus dans la même nature. Il écrit autrement, ne parle plus la même langue… Ces petits poucets et petites poucettes (baptisés ainsi pour leur capacité à envoyer des sms avec les deux pouces) habitent le virtuel, manipulent plusieurs informations à la fois, n’habitent plus le même espace… »(1)

Comment dès lors, croire que nous pourrons continuer à enseigner comme avant ?

Il existe à mon sens aujourd’hui, sept défis majeurs à relever dans l’enseignement supérieur :

  • Le premier est celui d’offrir un enseignement centré sur les processus d’apprentissage et non plus seulement sur les contenus. Le processus d’apprentissage dépend de la qualité de l’interaction et non de la seule transmission de savoirs « hérités ». Il nécessite que l’étudiant sache relier son savoir et ses compétences à sa propre expérience et à celle de ses pairs, qu’il soit capable de les re-mobiliser dans d’autres contextes.
  • Le deuxième concerne les compétences génériques (soft skills). Repérées par l’OCDE comme indispensables dans l’exercice de toute fonction, elles recouvrent des compétences transversales à tout domaine, sans oublier l’apprentissage de la réflexivité.
  • Troisième défi : l’employabilité des diplômés. Se professionnaliser ne veut pas seulement dire trouver un emploi en lien direct avec sa formation. Désormais, c’est aussi être à même de transférer des compétences d’un domaine à un autre, être conscient des connaissances et compétences acquises… et savoir en faire la preuve !
  • Comprendre les enjeux à la fois de l’internationalisation des programmes et des institutions constitue pour moi le quatrième défi. La mobilité internationale des étudiants est un fait courant ; un autre mouvement d’internationalisation est en marche : celui des institutions elles-mêmes, que ce soit via une implantation physique ou virtuelle.
  • Cinquième défi ? Se former tout au long de la vie. Soyons clairs ! Si l’on prend au pied de la lettre ce concept, il va bouleverser nos modes d’organisation. C’est par exemple ce qu’a parfaitement anticipé l’université de Sherbrooke en abolissant la division formation initiale/formation continue au sein de ses programmes.
  • Sixième défi et pas des moindres : prendre à bras le corps la question de la carence de formation pédagogique des enseignants. Comment pouvons-nous continuer à accepter aujourd’hui que des enseignants pourtant experts dans leurs domaines et formés au plus haut niveau d’un secteur d’expertise, ne bénéficient pas d’une formation et d’un accompagnement à la pédagogie ? Comment lutter contre leur solitude pédagogique ? (2). Si je ne devais faire qu’un seul parallèle, quelle entreprise accepterait d’avoir en son sein des professionnels à demi formés ?
  • Enfin, il va falloir se préparer aux nouveaux critères d’attribution des financements. Les nouveaux classements, c’est désormais une certitude, intégreront non seulement la qualité de la recherche mais aussi la qualité de l’enseignement et la responsabilité sociale. C’est dans ce sens que travaillent actuellement les experts de l’OCDE dans le cadre du projet AHELO (3). Un organisme qui ne serait pas capable d’être bien évalué selon ces nouveaux critères rencontrera des difficultés à obtenir des financements, qu’ils soient publics ou privés. Dans un tel contexte l’érudition ne suffira plus !

Alors, qu’adviendrait-il d’une institution d’enseignement supérieur qui négligerait de se pencher sur ces questions ?

De mon point de vue, elle prendrait cinq risques majeurs : celui de chuter dans les classements, car incapable d’assurer une qualité d’enseignement de très haut niveau ; le risque d’une érosion de la reconnaissance de ses diplômés, laissant place à d’éventuels nouveaux entrants internationaux ; le risque d’une double difficulté de recrutement : celui des étudiants et des professeurs ; le risque de voir ses revenus baisser ; et surtout, elle encourra un risque d’appauvrissement de la qualité de ses enseignements, entrant ainsi dans une spirale négative.

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