Accueil 5 Recherche & Transferts 5 Enseignement supérieur : la stratégie des petits pas…

Enseignement supérieur : la stratégie des petits pas…

Tout le monde n’est pas HEC ou Sciences Po… Et alors ! Quatre ans après…
Publié le 22 janvier 2013
Partager l'article avec votre réseau

Tout le monde n’est pas HEC ou Sciences Po… Et alors ! Quatre ans après le vote de la loi LRU sur l’autonomie des universités, voici quelques initiatives intéressantes – et réalistes – en matière de collecte auprès d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche à petite ou moyenne échelle. Histoire de mieux comprendre comment, avec de bonnes idées et un peu de patience, la stratégie des petits pas peut porter ses fruits…

On les appelle les « mastodontes ». HEC qui entend collecter 100 millions d’euros sur cinq ans, Polytechnique qui vise un objectif de 35 millions… Il y a aussi l’université de Strasbourg qui a déjà trouvé 40 % des 20 millions d’euros recherchés d’ici 2014. Ou, dans une moindre mesure, l’université de Bordeaux qui a levé 5 millions depuis la création de sa fondation il y a un an.

Las ! Les établissements d’enseignement supérieur et de recherche (ESR) n’ont pas tous les ambitions « pharaoniques » – ni les moyens – des grandes écoles ou des grosses universités. L’histoire, encore balbutiante, du fundraising dans le secteur de l’ESR est ainsi jonchée de projets modestes, de collectes de quelques milliers d’euros, de démarrages laborieux, de galères organisationnelles… Bien loin de l’image d’Epinal des établissements anglo-saxons, dont certains bénéficient d’équipes de centaines de personnes et de capitaux qui se comptent en plusieurs millions de livres ou milliards de dollars.

Lutter contre la pensée unique
Pourtant, il est possible de faire un peu – voire beaucoup – avec peu de moyens. Et surtout, de faire autrement que les modèles qu’on nous assigne. La sacro-sainte campagne de levée de fonds n’a par exemple rien du passage obligé : « On parle beaucoup des campagnes, c’est une des manières, mais pas la seule ! Si on n’a jamais fait de fundraising, mieux vaut d’ailleurs ne pas s’y engager », conseille Nathalie Levallois-Midière. De même que créer une fondation (ou un fonds de dotation) n’est pas forcément la voie unique : « La création d’une structure juridique ne doit pas être une finalité en soi, avertit Lyoko Miyoshi. Il faut s’interroger sur sa stratégie sur cinq à dix ans. Ensuite, on peut choisir de travailler uniquement sur la taxe d’apprentissage, sur les partenariats-entreprise, sur les chaires… »

Un autre rapport à l’entreprise
Ce n’est pas l’université de Poitiers qui dirait le contraire. L’établissement a tricoté un travail remarquable avec les entreprises locales. La fondation de l’université, créée dès 2008, a dans un premier temps rassemblé 24 partenaires, pour une dotation initiale comprise entre 1,3 et 1,4 million d’euros. Parmi les fondateurs, quelques particuliers et collectivités locales, mais aussi le Medef, la CCI de la région, et, surtout, des petites entreprises déjà partenaires ppur les stages des étudiants ou versant la taxe d’apprentissage. « Notre réseau naturel », résume Bernard Chauveau, le directeur général de la fondation qui dirigeait auparavant le service d’insertion professionnelle de l’université de Poitiers.
Des « contrats » d’engagement d’une durée de trois ans sont signés en 2009. Aujourd’hui, la fondation a choisi de développer une nouvelle manière de travailler avec le secteur économique : étroite et humaine.

Aider les mentalités à évoluer

Cette idée des « petits pas » pour dissiper les peurs a également été l’objectif premier de Barbara Vassener, ancienne du Certificat français du fundraising (AFF/ESSEC) après avoir travaillé sur la valorisation de la recherche à l’Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon. Aidée par un cabinet extérieur, elle a conduit à l’école un travail de fond sur le discours en interne à destination des enseignants, des élèves et de l’administratif « car la mise en place du fundraising leur apporte un surcroît de travail », explique-t-elle.
En interne, un travail de six mois est mené en collaboration avec les chercheurs du labo. « Je voulais montrer à tout le monde que le fundraising prend du temps », précise-t-elle. Le temps de définir le projet et en quoi il est porteur de sens, le temps de chiffrer les besoins et de réfléchir aux contreparties, et même, le temps d’élaborer un case for support. « Aujourd’hui, les chercheurs, qui ont été préparés à aller parler aux chefs d’entreprise, se sont rendu compte qu’il n’est pas si difficile de demander de l’argent ». Quand les enseignants eux-mêmes se mettent à devenir fundraisers, que demander de plus ?

Faire la preuve de son utilité
S’il est une ressource encore peu explorée par les établissements de l’ESR, c’est bien les anciens. Même celles qui comptent de nombreux soutiens potentiels, comme l’université de Nantes : « Pour l’instant, c’est difficile de retrouver les coordonnées d’un million d’anciens », indique Thibault Breteché, qui explique qu’un début de communication sera réalisée à l’occasion du cinquantenaire de l’université.
Désormais, il s’agit donc d’impliquer au maximum toutes les parties prenantes. Notamment les bénéficiaires des bourses de la fondation, soit en leur demandant un don, soit de s’impliquer autrement, comme cet étudiant qui réalisera les cartes de vœux de la structure pour les fêtes de fin d’année. Le tout est « de continuer à être patients, de ne pas se précipiter, de garder le lien de confiance avec les administrateurs de la fondation », ajoute Marie, sûre que cette philosophie est la seule garantie d’avenir.

Pauline Graulle

Fundraisine n°29

 

Pauline Graulle
Journaliste spécialisée dans le secteur de la philanthropie, Pauline Graulle est sociologue de formation. En 2004, elle se plonge pendant près d’un an dans le cercle très fermé des mécènes particuliers de l’Opéra de Paris. A la suite de cette enquête de terrain, elle rédige son mémoire de DEA de « Sociologie du pouvoir » sur les motivations de ces grands donateurs et se voit remettre le Prix du Jury du meilleur mémoire sur le mécénat culturel décerné par le ministère de la Culture.
Elle est journaliste pour diverses publications, notamment au sein de la rédaction du magazine Fundraizine.

Partager l'article avec votre réseau
Loading...