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Entretien avec Claudie Haigneré, première astronaute française et européenne, présidente d’Universcience

Première astronaute française et européenne, Claudie Haigneré est, depuis février 2010, la présidente d’Universcience, une…
Publié le 3 juin 2011
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Première astronaute française et européenne, Claudie Haigneré est, depuis février 2010, la présidente d’Universcience, une institution qui regroupe la Cité des sciences et de l’industrie et le Palais de la découverte.
Docteur en médecine, elle est titulaire de certificats d’études spécialisées en rhumatologie et en médecine aéronautique et spatiale et d’un doctorat ès sciences. Après deux vols dans l’espace, en 1996 puis en 2001, elle devient ministre déléguée à la Recherche et aux nouvelles technologies puis ministre déléguée aux Affaires européennes. Elle occupera par la suite des postes d’administratrice générale de diverses institutions.

CGE : Votre brillant parcours et votre formidable ascension sont connus et un exemple pour beaucoup, mais, plus qu’une pente vertigineuse à gravir pour atteindre un objectif, vous semblez vous approprier une succession de paliers sur un naturel chemin de vie. Êtes-vous d’accord avec cette analyse et pourriez-vous en ce sens, nous préciser quelles sont les caractéristiques de votre « fil d’Ariane » personnel ?

C.H. : Mon parcours est marqué avant tout par la passion des sciences. Une passion qui a commencé assez tôt : j’avais 12 ans quand, en 1969, l’homme a pour la première fois marché sur la lune. Je ne peux affirmer que la volonté d’être astronaute est véritablement née à ce moment-là. En revanche j’ai réalisé que ce qui était du domaine du rêve pouvait devenir réalité. Et je me suis dit « pourquoi pas moi ? ».

Alors j’ai beaucoup travaillé pour atteindre mon objectif, pour me constituer le bagage nécessaire à la réalisation de mes projets. La médecine d’abord. Et c’est d’ailleurs lorsque j’exerçais en tant que rhumatologue à l’hôpital Cochin que je suis tombée, au détour d’un couloir, sur une annonce du CNES (Centre national d’études spatiales) qui recherchait des candidats astronautes. J’ai immédiatement postulé.

Si j’évoque cet épisode, c’est aussi pour souligner le fait que dans un parcours de vie comme le mien, le hasard, la chance, jouent un rôle important. Il faut aussi, c’est vrai, user de son audace et tenter sa chance, même si l’objectif semble a priori hors de portée.

J’ai donc effectué deux vols dans l’espace et, lorsqu’on vit une aventure aussi extraordinaire, je crois que l’on a une responsabilité, celle de transmettre, de partager ses connaissances et son expérience.

C’est pourquoi la mission que je remplis aujourd’hui en tant que présidente d’Universcience s’inscrit logiquement dans ce parcours. Finalement, après avoir « exercé » ma propre vocation, mon métier est aujourd’hui d’en faire naître de nouvelles.

Encore une chose : vous parlez de « paliers », et ce terme me parle beaucoup, dans la mesure où chaque métier différent que j’ai exercé correspond à une sorte de palier dans ma vie. J’ai, je le reconnais, eu beaucoup de chances et pu exercer des fonctions exceptionnelles. Mais je pense que les bouleversements économiques, l’allongement de la durée de vie et de nombreux autres facteurs font que les jeunes générations devront -et voudront – probablement changer d’entreprises, de métiers au cours de leur vie, et ainsi gravir différents paliers.

CGE : En quoi et pourquoi Universcience, réunion de la Cité des sciences et de l’industrie et du Palais de la découverte, est-il un vecteur pour mieux appréhender la complexité de notre monde ?

C.H.: Aujourd’hui, alors que les retombées scientifiques et techniques sont omniprésentes dans nos vies quotidiennes, les sciences n’ont jamais semblé aussi distantes, inaccessibles et inquiétantes. Or celles-ci peuvent et doivent donner des clés de décryptage à chaque citoyen, pour justement mieux appréhender la complexité de notre monde.

Et à côté de l’école, qui transmet un socle de connaissances et de compétences indispensables, je suis convaincue que les centres de sciences, en n’étant pas soumis à une contrainte de programme, sont plus libres de susciter l’intérêt pour les sciences.

Universcience a l’ambition de jouer un rôle central en la matière, notamment grâce à la diversité des approches qui existe en son sein. En effet, le Palais de la découverte présente les « fondamentaux » de la science par des grandes démonstrations expérimentales présentées par des médiateurs scientifiques. La Cité des sciences, elle, donne à voir une science « contextualisée » et appliquée, dans ces liens avec la société. Or leur regroupement en un seul établissement permet justement la pleine expression de leurs complémentarités. Ensuite, un établissement de cette taille est plus à même de donner de la visibilité à la culture scientifique et technique.

CGE : Comment interprétez vous la mission de Pôle national de référence confiée à Universcience par les ministères de tutelle ?

C.H. : Les acteurs de la culture scientifique et technique, je vous le disais, participent à réduire le fossé d’incompréhension entre l’expert et le grand public, qui, à terme, pourrait peser sur les avancées scientifiques et technologiques, sources de progrès dans notre pays. Donner un second souffle à la culture scientifique et technique est donc une priorité que le gouvernement a prise en compte en confiant à Universcience le rôle de « pôle national de référence ».

Mais comment traduire cette mission dans les faits ? Elle nécessite d’abord une collaboration accrue avec les autres acteurs de la culture scientifique et technique et en premier lieu les centres de sciences, les muséums d’histoire naturelle, les associations de loisirs scientifiques. Mais au-delà, une interaction avec le monde de la recherche et de l’enseignement supérieur, en pleine recomposition, est essentielle. Des partenariats étroits avec l’éducation nationale et les acteurs de la culture sont nécessaires. De même, des liens renforcés avec le monde économique sont indispensables.

En outre, s’appuyer sur une telle diversité d’approches donne une légitimité et une force d’impulsion de projets innovants, en même temps que cela accroît la visibilité d’Universcience. Mais les acteurs locaux sont également gagnants, car le pôle de référence est là aussi à leur service, en faisant remonter les approches locales pour participer à la définition de la stratégie nationale.

Enfin, s’il est un pôle de référence au niveau national, Universcience doit également être un outil de rayonnement au niveau européen et international. C’est tous ensemble que nous pourrons changer d’échelle et avoir plus d’impact dans une société de la connaissance.

CGE : Comment développer la « passion des sciences » auprès de la jeunesse et favoriser plus d’engagement dans les filières scientifiques et techniques ? Pourquoi une telle démarche est-elle nécessaire ?

C.H.: De fait, ceux-là même que l’ont dit « connectés », cette génération Y, pour qui les nouvelles technologies ont toujours fait partie du paysage, se sentiraient en réalité éloignés de la science. Dans un sondage réalisé par l’institut CSA en octobre 20101, 55 % des jeunes de 15 à 24 ans interrogés déclarent ainsi s’intéresser « peu » ou « pas du tout » à la science.

Un symptôme d’ailleurs corroboré par les résultats des élèves français aux tests PISA, réalisés par l’OCDE, de 2009, qui ont révélé un déclassement en mathématiques et en culture scientifique. Ou encore par la diminution régulière, depuis 2002, du poids des formations scientifiques.

Un constat alarmant, parce que dans une société de la connaissance, l’affaiblissement des acquis dans les matières scientifiques et techniques, et le peu d’engouement pour les métiers de la recherche et de l’ingénierie sont des menaces lourdes sur le potentiel de croissance et de compétitivité de notre pays. Donc en plus de donner des outils de compréhension à tous, il est aujourd’hui important de stimuler des vocations chez certains.

Pour ce faire, comme je le disais, je pense que les centres de sciences disposent d’une liberté plus grande que l’école. Et sans doute les exposés faits par des médiateurs, les rencontres avec des scientifiques, le suivi de l’actualité avec le prisme des enjeux scientifiques et technologiques ou les expositions liées à leurs préoccupations quotidiennes sont-ils plus attractifs que des cours classiques dispensés en classe.

Mais il faut toutefois veiller à adopter des méthodes innovantes à l’école comme dans les centres de sciences. A Universcience par exemple, l’introduction des méthodes collaboratives (par la création d’un « Fab-Lab », un « laboratoire où l’on fabrique », ou le développement de « serious games », etc.), qui sont des moyens d’accroche et de partage indispensables, est une priorité.

Enfin, l’accompagnement humain est nécessaire. Un exemple : nous projetons à Universcience la mise en place d’un « think-and-do tank » des jeunes. Ceux-ci pourraient y développer des projets scientifiques, des projets d’expositions, ou encore de débats entièrement pensés par eux. Mais pour ce faire, l’accompagnement voire le tutorat par de jeunes adultes parait nécessaire. Pourquoi pas des étudiants de grandes écoles ?

 

1) « Les Français et la science », sondage de l’institut CSA, octobre 2010

En savoir plus sur Universcience

Créé le 1er janvier 2010, Universcience est le nouvel établissement public de diffusion de la culture scientifique et technique, regroupant le Palais de la découverte et la Cité des sciences et de l’industrie. Ses ambitions :
– rendre accessible à tous la culture scientifique et technique et redonner aux sciences leur place dans la culture générale ;
– donner des repères pour comprendre les mutations complexes liées aux grands débats contemporains dans lesquels la science et les scientifiques ont un rôle à jouer ;
– construire des liens de confiance durables entre la science, la recherche et la société afin que l’innovation et les résultats de la recherche ne soient plus perçus comme des menaces ou des risques mais bien comme des opportunités pour notre avenir ;
– lutter contre la crise des vocations scientifiques en développant, en complémentarité avec l’Education nationale, tout un panel d’outils d’éducation informelle innovants.

Universcience présente l’Expo Énergies

Au cours du XXème siècle, la consommation d’énergie a décuplé, entraînée par l’évolution des modes de vie et le développement économique des sociétés. Aujourd’hui nous affrontons un quadruple défi. La croissance démographique est sans précédent : 9 milliards d’habitants sur terre prévus en 2050, pour 6 milliards en 2000. Le développement des pays émergents, en Afrique, Asie, Amérique latine, exige toujours plus d’énergie. L’usage immodéré des combustibles fossiles contribue au réchauffement climatique. Ces mêmes ressources énergétiques non renouvelables sont en voie d’épuisement.

Comment faire face ? Avec quelles énergies et dans quelles conditions ? Pouvons-nous économiser l’énergie ? Mieux l’utiliser ? Les découvertes scientifiques et les innovations changeront-elles la donne ? Dans quels délais ?

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