Accueil 5 Recherche & Transferts 5 Entretien avec Jean-Pascal Picy, administrateur principal des services, resp. communication institutionnelle et multimédia du Sénat

Entretien avec Jean-Pascal Picy, administrateur principal des services, resp. communication institutionnelle et multimédia du Sénat

Ancien conseiller au cabinet du Premier ministre, Jean-Pascal Picy est également Vice-président des Alumni Sciences…
Publié le 3 janvier 2012
Partager l'article avec votre réseau

Ancien conseiller au cabinet du Premier ministre, Jean-Pascal Picy est également Vice-président des Alumni Sciences Po chargé de la communication et des groupes professionnels.
En savoir plus : Twitter… //  Linked In…

CGE : Le Sénat est souvent cité pour l’exemplarité de ses outils multimédias. Pouvez-vous nous en dire plus sur les approches distinctives et les enjeux de votre stratégie de déploiement sur Internet ?

J-P.P. : Partant du constat que plus les citoyens connaissaient ses travaux plus ils considéraient son rôle comme utile, le Sénat a décidé en 2009 de s’adresser plus largement au grand public et pour cela de s’appuyer sur Internet et les réseaux sociaux. Le site Internet lancé en 1995 est déjà bien connu et apprécié des spécialistes, la nouvelle étape devait consister à s’adresser plus directement au « grand public ». Cette évolution s’est faite en redéployant les moyens de communication. Les publications « papier » (rapport annuel, « Journal du sénat »…) ont été abandonnées et une rédaction multimédia a été créée au sein de la direction de la communication qui est composée à la fois de fonctionnaires et de personnes mises à disposition par une agence de communication dans le cadre d’un marché public. Des pages officielles ont ainsi été créées sur Twitter, Facebook, Google+, Dailymotion qui sont alimentées chaque jour dans le cadre d’une programmation éditoriale… Le Sénat dispose ainsi aujourd’hui d’une véritable expertise en communication digitale qui lui permet d’accompagner l’ensemble des commissions permanentes, des délégations et missions d’information dans leurs travaux. Il ne faut pas oublier, en effet, que ce sont les sénateurs qui décident de la communication de leurs travaux.

CGE : La liberté d’expression a-t-elle un prix pour rester audible ? L’expression « être acteur de son quotidien » prend-elle plus de sens avec les réseaux sociaux ?

J-P.P. : Le Sénat a surtout un « devoir d’expression ». On n’imagine pas tous les textes qui sont examinés chaque semaine, toutes les auditions qui ont lieu chaque jour et qui concernent tous les citoyens dans leur vie quotidienne. Les débats au Parlement sont publics comme de nombreuses auditions. Grâce à Public Sénat, nombreux sont ceux qui sont déjà informés de l’action des sénateurs mais les réseaux sociaux permettent une forme d’information complémentaire pour faciliter l’accès direct à la matière législative, pour débattre et garder un contact direct avec le Sénat. Aujourd’hui de très nombreux professionnels, parmi les 23000 abonnés du compte officiel du Sénat sur Twitter, apprennent d’abord sur ce réseau social les dernières informations concernant un vote ou un débat.

CGE : Quelles différences et/ou quelles complémentarités pourriez-vous définir entre les échanges avec des étudiants « en live physique » et « en live tweet » ou derrière l’écran d’un blog ? Qu’en est-il de la même comparaison entre les hommes politiques et les citoyens ?

J-P.P :
Une rencontre traditionnelle ou « physique » entre un orateur et un public est souvent source de frustrations. Tout le monde ne peut pas poser de questions et les réponses de l’orateur ne sont pas toujours aussi précises que le souhaiterait l’auteur de la question. Par ailleurs il ne reste pas de traces du débat si celui-ci n’est ni filmé ni retranscrit. A l’inverse, avec un « live-tweet » ou un « chat », les thématiques sont souvent mieux identifiées, les questions peuvent être ordonnées et les réponses sont souvent plus précises. Enfin, il reste une trace de l’échange sur Internet. Le débat sur un réseau social apparaît donc, d’une certaine manière, plus opérationnel qu’une simple rencontre, surtout lorsque le compte-rendu ou les actes de cette dernière tardent à être réalisés.

CGE : Une année politique animée s’annonce, cependant les distorsions entre les citoyens et leurs dirigeants actuels ou à venir sont fortes. Après les premiers concepts de 2007, la mise en œuvre de la web campagne de 2012 sera-t-elle une clé de voûte ou un simple ring ?

J-P.P. : Depuis 2007, les citoyens ont appris à se servir d’Internet dans leur vie quotidienne pour acheter des produits, se cultiver et, bien sûr, s’informer. Par ailleurs, aujourd’hui nombreux sont les élus à être personnellement présents sur la toile et à animer leur propre compte Facebook ou Twitter (70 sénateurs ont par exemple leur compte sur le réseau de micro-blogging). Internet est donc devenu une dimension à part entière du débat public comme on a pu le constater à l’occasion des élections sénatoriales du 25 septembre 2011 où les résultats étaient consultables en direct sur le Web et les réseaux sociaux. Nul doute qu’il devrait en être de même pour les échéances de 2012. L’hypothèse la plus réaliste est aussi la plus ambitieuse, on peut penser que les grands débats partiront d’abord du web en s’inspirant des thématiques lancées par les think tanks ou des déclarations des différents acteurs pour se retrouver ensuite dans les médias traditionnels.

CGE : Utiliser Internet pour améliorer la façon de gouverner ou faire mieux passer la pédagogie des réformes, est-ce un rêve, une réalité ou un leurre ?

Les responsables politiques ont parfaitement intégré le potentiel d’Internet pour construire une relation d’échanges avec les citoyens. Pour prendre un exemple récent, le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, a décidé de lancer les États généraux de la démocratie territoriale qui prendront notamment la forme d’une grande consultation des élus locaux sur Internet au travers d’un questionnaire mis en ligne sur le site du Sénat et de cahiers d’acteurs réalisés selon la méthode de la Commission nationale du débat public. Par ailleurs dès janvier un blog sera également mis en ligne afin de permettre à l’ensemble des internautes de s’informer et de participer à cette consultation. Avec Internet, la démocratie devient plus participative et permet de renforcer la légitimité des élus qui peuvent s’appuyer sur un dialogue rénové et diversifié avec les citoyens.

CGE : Dialoguer sur twitter, présenter son programme sur facebook en vidéo, expliquer et commenter sa stratégie sur un blog… Ce sont des rendez-vous simples au cours desquels l’on peut distiller une parole moins contrainte par les codes de la communication des médias classiques. Pour autant, si l’on parvient à créer une véritable interactivité et pas seulement un espace de visibilité publicitaire, quelles sont les garanties de trouver des mots justes et pas juste des mots ?

J-P.P : Il n’y a aucune garantie, c’est aussi la part de risque propre à la communication en ligne. Malgré la prudence et le professionnalisme des équipes, nous ne sommes pas à l’abri d’une erreur dans un live-tweet et la parole d’un élu peut aussi dépasser sa pensée dans le cadre d’un « chat ». Mais c’est le prix de la sincérité de la démarche et c’est même ce qui fait toute sa valeur et sa saveur. Ceci dit, on peut aussi observer qu’après 18 mois d’expérience, on ne dénombre que très peu de difficultés liées à la production multimédia mise en ligne sur les pages du Sénat sur les réseaux sociaux, preuve que les sénateurs ont parfaitement intégré les codes de ces nouveaux médias.

CGE : La tendance semble indiquer que l’appétit des internautes se concentre sur les contenus vidéo, est-ce que l’image va cannibaliser l’écrit comme sur d’autres supports ? Le circuit, la pertinence et la clarté de l’information en seront-ils plus aboutis ?

J-P.P : La vidéo occupe, effectivement, une place essentielle dans la production multimédia institutionnelle mais elle ne constitue pas un aboutissement. Elle est plutôt un produit d’appel qui doit permettre à l’internaute d’accéder, ce faisant, à un véritable dossier d’information avec des textes rédactionnels, des infographies et des liens vers les rapports parlementaires et les comptes-rendus des débats en commission et en séance publique. A noter également que les diaporamas animés et commentés rencontrent souvent un succès plus important que les vidéos sur les pages du Sénat. Quant à la carte animée des résultats des élections sénatoriales de septembre, elle a été reprise par plusieurs dizaines de médias en ligne et a été vue par plusieurs centaines de milliers d’internautes. Il ne faut donc pas hésiter à varier les supports pour s’adresser à tous les publics. La communication en ligne est définitivement une communication plurielle et innovante.

Propos recueillis par Pierre Duval
CGE – Chargé de mission Communication

Partager l'article avec votre réseau
Loading...