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EST-IL TROP TARD ?

Voilà plusieurs années que nous voyons se dégrader les ressources publiques ou parapubliques (je mets…
Publié le 29 décembre 2015
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Voilà plusieurs années que nous voyons se dégrader les ressources publiques ou parapubliques (je mets dans cette catégorie les dotations des Chambres de Commerce aux écoles de commerce) destinées à l’Enseignement supérieur, aux Grandes écoles en général et aux écoles de commerce en particulier.

J’ai parfois l’impression que les différents messages d’alerte, lancés par les Universités, par les Écoles, bien sûr par la CGE tombent dans une profonde indifférence. Les chiffres macro-économiques sont pourtant criants : en consacrant 1,5% de son PIB à l’enseignement supérieur, la France se situe en-dessous de la moyenne des pays de l’OCDE. Or pour atteindre celle-ci, il faudrait rajouter 0,1% du PIB, c’est-à-dire non pas un milliard d’euros comme évoqué par Monsieur Thierry Mandon, mais plutôt deux milliards d’euros. Sans pour autant rattraper les pays leaders… européens !

Alors pourquoi tant d’insouciance, voire de désinvolture ? Certains suggèrent qu’il est trop tard, que nous aurions du « hurler », quand il était encore temps, que de toute façon, la France ne peut pas, ne peut plus investir aussi massivement dans l’Enseignement Supérieur.
Il est vrai que, pendant longtemps, nous en sommes-nous remis à l’esprit entrepreneurial des grandes écoles françaises. Longtemps, elles ont su saisir toutes les opportunités qui se présentaient à elles. Création de nouveaux programmes, développement de la formation continue, pour certaines fundraising. Les mauvais esprits rajouteront narquoisement… « augmentation des frais de scolarité », oubliant volontairement que nous sommes très en dessous de nos équivalents étrangers.

Faut-il regretter cet esprit entrepreneurial ? Sûrement pas…sauf que…sauf que la concurrence s’est développée en parallèle. Du coup, les formations ont coûté de plus en plus cher ; plus cher pour pouvoir attirer des candidats étrangers, plus cher pour pouvoir améliorer les conditions d’accueil, plus cher pour pouvoir recruter des professeurs aux standards internationaux.

Reconnaissons aussi que nos messages d’alerte ont souvent été brouillés par les campagnes de communication institutionnelle valorisant les réussites. Difficile de donner de la force à un message d’inquiétude quand on déclare en même temps être une École ou une Université en parfaite ascension…
Faut-il alors se résigner et écouter ceux qui disent que plus rien n’est faisable en France ? Je n’ai pas envie de partager leur pessimisme. Je crois qu’il y a des « signaux faibles », très faibles certes mais qui vont dans le bon sens, une prise de conscience qui atteint de nombreux acteurs, de tout âge et de toutes catégories sociales. Tant d’étudiants voyagent, leurs parents aussi ; nous sommes à un stade où l’écart entre les pays qui investissent et ceux, comme nous, qui attendent je ne sais quel miracle, devient patent. De plus en plus de parents privilégient la possibilité pour leurs enfants d’aller faire leurs études à l’étranger : il faut lire cela comme une alerte. Je fais le pari qu’ils seraient prêts à accepter des réallocations de ressources, pour voir « leur » Enseignement Supérieur, « notre » Enseignement Supérieur, reprendre du lustre.
Alors, j’espère que la phase de douce anesthésie, d’endormissement collectif se termine. Je fais l’hypothèse que les responsables du monde politique sont en train de comprendre qu’il n’est plus possible de surfer sur cette vision apaisée d’un monde académique, épargné par la concurrence internationale. Oui, il est encore temps. A nous de nous mobiliser et d’aider nos dirigeants à prendre conscience de ce défi qui conditionne la compétitivité française pour les vingt années qui viennent.

Bernard Ramanantsoa
Directeur général d’HEC Paris
de février 1995 au 1er septembre 2015

A propos de Bernard Ramanantsoa

Bernard Ramanantsoa est Ingénieur de l’Ecole Nationale Supérieure de l’Aéronautique (Sup’Aéro), diplômé du MBA d’HEC et possède également un DEA de Sociologie de l’Université Paris Diderot, un Doctorat en Sciences de Gestion de l’Université Paris-Dauphine et un DEA d’Histoire de la Philosophie de l’Université Paris 1.
Bernard Ramanantsoa a rejoint HEC en 1979 comme Professeur et a exercé la fonction de Doyen du Corps Professoral et de la Recherche de 1993 à 1995. Il a été le Directeur général d’HEC Paris de février 1995 au 1er septembre 2015. Il a également été Advisor chez McKinsey.
Il a été pendant de nombreuses années Président de la Commission Aval de la CGE et à ce titre membre du Bureau.
Il est aujourd’hui membre de plusieurs Conseils de Surveillance et membres de plusieurs boards d’institutions académiques internationales.
Il vient de publier « Apprendre et Oser », chez Albin Michel, où il tire la sonnette d’alarme sur le « risque de décadence » de l’enseignement supérieur français et sur l’impact que cela aurait sur la compétitivité française

Apprendre et oser de Bernard Ramanantsoa

Editions Albin Michel – octobre 2015
La France traverse une crise sans précédent et chaque jour les critiques contre les patrons, la mondialisation et l’affairisme font reculer une ambition simple : permettre à notre pays de rester une grande puissance et de garantir à ses habitants un haut niveau de vie. Pire, en handicapant, par une succession de politiques de gribouille, le long terme comme l’esprit d’initiative, nous voici marginalisés. Or, comme le martèle Bernard Ramanantsoa : « Au XXIe siècle, le business fait l’histoire. » Il faut donc défendre ceux qui chaque jour agissent pour maintenir la France au cœur du monde des affaires et des affaires du monde.

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