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Former à des emplois tournés vers l’innovation ?

Quelles sont les compétences que les étudiants des Grandes écoles et de l’enseignement supérieur doivent…
Publié le 29 novembre 2016
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Quelles sont les compétences que les étudiants des Grandes écoles et de l’enseignement supérieur doivent acquérir pour les emplois de demain ? Il est évidemment difficile de le dire : le passé a montré à quelle rapidité des pans entiers de l’activité économique peuvent changer, rendant certaines compétences obsolètes et d’autres plus importantes.C’est la destruction créatrice, fruit du processus d’innovation. Avec le processus de numérisation de l’économie et de la société, et les avancées rapides de la robotique et de l’intelligence artificielle, certains prédisent la disparition de pans entiers de certains emplois. Il est cependant certaines compétences qu’il est encore difficile de simuler pour les ordinateurs : la créativité, l’esprit critique, les relations interpersonnelles, toutes ces compétences qui contribuent à l’innovation.

Il y a quelques années, une enquête internationale (Reflex-Hegesco) interrogeait les diplômés du supérieur cinq ans après la fin de leurs études sur leur utilisation des compétences au travail. Elle leur demandait aussi dans quelle mesure le développement de ces compétences était un des points forts (ou faibles) de leur formation d’enseignement supérieur.

Qu’est-ce qui distingue les détenteurs d’emplois « hautement innovants », c’est-à-dire ceux travaillant dans une organisation innovante et participant eux-mêmes à l’innovation, des autres diplômés du supérieur? Tout d’abord, ils utilisent davantage l’ensemble de leurs compétences au travail, mais surtout, ils utilisent bien davantage les grandes compétences suivantes dans leur travail : créativité (trouver de nouvelles idées et solutions), esprit critique (volonté de questionner des idées), communication orale (présentations publiques), opportunisme (être prêt à saisir des opportunités), et pensée analytique. Il est intéressant que ce soit des compétences similaires que les employeurs enquêtés pour le Forum économique mondial mettent en avant comme les compétences clés pour 2020. Résolution de problèmes complexes, esprit critique et créativité sont les trois premières compétences du classement.

Comment les études supérieures préparent-ils les diplômés français à ces compétences ? L’analyse de cette base de données montre que les forces et faiblesses perçues du système d’enseignement supérieur français ne sont pas différentes de celles des 19 autres pays couverts par l’enquête. Quoique l’ordre du classement soit légèrement différent, les quatre compétences les plus citées comme points forts des formations d’enseignement supérieur sont les mêmes : la pensée analytique, la maîtrise de son domaine disciplinaire, l’acquisition de nouveaux savoirs, et l’écriture de rapports et de documents. La France se distingue des autres pays du point de vue de l’utilisation des outils informatiques : alors que les étudiants européens y voient le sixième point fort de leur formation, c’est n’est que le onzième (sur dix-neuf) pour les étudiants français. A l’inverse, les étudiants français pensent que leurs formations ont davantage développé leur compétence de « clarté de pensée » que leurs homologues européens (huitième rang en France contre douzième rang en moyenne). Les points faibles sont eux aussi assez similaires, avec en première place des points faibles, le développement de l’apprentissage des langues étrangères.

Cependant, comme partout, développer la créativité (trouver de nouvelles idées) et l’esprit critique (avoir la volonté de remettre en question des idées) ne figurent pas parmi les points forts de l’enseignement supérieur français. Si les diplômés français considèrent que leur formation a davantage développé leur pensée critique que leurs confrères européens et japonais (treizième rang des compétences les plus développées contre quinzième en moyenne), c’est l’inverse pour la créativité (quatorzième rang contre onzième en moyenne). Le développement des compétences de présentation orale est le cinquième point faible des formations suivies (et quatrième point faible en moyenne dans les pays ayant participé à l’enquête).

Si l’enseignement supérieur français n’est pas particulièrement performant pour développer la plupart des compétences critiques pour l’innovation, on pourra se consoler en constatant que ce n’est pas plus le cas des autres pays pour lesquels l’information est également disponible. Ce n’en reste pas moins un des grands défis pour former des diplômés aux emplois de demain.

Stéphan Vincent-Lancrin


Le opinions exprimées et arguments présentés sont ceux de l’auteur et ne représentent pas nécessairement les positions de l’OCDE ou de ses membres ».

A propos de Stephan Vincent-Lancrin

Stéphan Vincent-Lancrin est un analyste senior, chef de projet et chef de division adjoint à la Direction pour l’Education et les Compétences de l’OCDE. Il dirige actuellement plusieurs projets, notamment la Stratégie pour l’innovation dans l’éducation et la formation et les travaux sur l’enseignement supérieur ouvert du Centre pour la Recherche et l’Innovation dans l’Enseignement (CERI) de l’OCDE. Une dimension de ces travaux consiste à analyser le type d’éducation et de compétences favorables aux sociétés de demain qui feront une plus grande part à l’innovation. Un autre aspect du travail consiste à identifier les éléments et politiques clés pour favoriser l’innovation et l’amélioration continue dans le secteur de l’éducation. Stéphan Vincent-Lancrin a par ailleurs travaillé sur de nombreux aspects de l’enseignement supérieur, et a dirigé un travail de prospective internationale sur le secteur de l’enseignement supérieur, prenant en compte les changements démographiques, technologiques ou encore les mutations démographiques auxquels les pays de l’OCDE font face et les implications pour les systèmes d’enseignement supérieur. Continuant cette démarche prospective, le travail sur l’enseignement supérieur ouvert documente les apports et s’interroge sur les bouleversements éventuels du mouvement ouvert pour les établissements et systèmes traditionnels d’enseignement supérieur.

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