Accueil 5 Recherche & Transferts 5 Fundraising : l’implication des dirigeants, un facteur-clé de la réussite d’une campagne de levée de fonds

Fundraising : l’implication des dirigeants, un facteur-clé de la réussite d’une campagne de levée de fonds

Sans dirigeant convaincus, pas de fundraising réussi. Mais jusqu’à quel point et de quelle manière…
Publié le 22 janvier 2011
Partager l'article avec votre réseau

Sans dirigeant convaincus, pas de fundraising réussi. Mais jusqu’à quel point et de quelle manière les dirigeants de grandes écoles peuvent-ils s’engager dans une campagne de collecte de fonds ?

C’est un fait : la France n’est pas les Etats-Unis. Là-bas, les presidents, aux côtés des  provosts qui gèrent le volet académique, consacrent plus de la moitié de leur temps à la recherche de fonds. Ici, les dirigeants d’universités et de grandes écoles sont autant impliqués dans la gestion opérationnelle, académique que la dimension relationnelle de leur institution. C’est pourquoi, ils considèrent bien souvent l’activité de collecte de fonds comme une activité en plus dans un emploi du temps contraint. « Contrairement aux Etats-Unis où cela fait partie de la description du job, en France, savoir collecter des fonds n’est pas un pré requis pour prendre la tête d’un établissement », remarque Yaële Aferiat, directrice de l’Association Française des Fundraisers qui organise, les 9 et 10 février prochains, la 6ème Conférence de fundraising pour l’enseignement supérieur et la recherche.

Manque de temps, manque de savoir-faire, manque d’envie aussi parfois… Les raisons qui poussent les directeurs français à ne jeter qu’un œil lointain sur le déroulement de la campagne de collecte de fonds de leur établissement sont nombreuses. Pourtant, l’implication totale et inconditionnelle du directeur de l’institution (qu’il soit président, directeur général, président du conseil d’administration, directeur de la recherche, etc.) est une nécessité absolue. Une condition sine qua non à la réussite de la campagne. « L’engagement du directeur est essentielle pour deux raisons : d’une part il porte l’image et l’ambition de l’école à l’extérieur de l’établissement ; d’autre part, il incarne et légitime la démarche en interne. Bref, c’est un pilier central sur lequel s’appuiera la gouvernance interne et externe de la campagne », explique Marie-Stéphane Maradeix, directrice de la campagne pour l’Ecole polytechnique après avoir été directrice adjointe de la campagne de développement de l’Essec, et co-auteur de Fundraising : stratégies pour la recherche et l’enseignement supérieur dans les secteurs public et privé (Eyrolles, 2010).

« C’est un état d’esprit »

Mais jusqu’à quel point et comment s’impliquer ? Marie-Stéphane Maradeix estime que, dans l’idéal, il est requis de consacrer 20 % de son temps en début de campagne, puis environ 5 % les années suivantes. « Mais c’est surtout un état d’esprit, précise-t-elle. Le dirigeant doit intégrer les démarches dans son quotidien : quand il rencontre un chef d’entreprise ou des anciens élèves, par exemple à l’occasion de conférences ou de rencontres informelles, il peut leur parler de la campagne que conduit l’école, et poser les jalons pour un autre type de rendez-vous, cette fois dédié au fundraising, où il leur proposera d’être donateurs ».

Les modalités de l’implication ? Dans ce domaine, presque tout est permis. Etre présent aux moments fort de la campagne est un minimum. Lorsqu’il s’agit de prendre la parole lors du lancement de la campagne en interne et à l’extérieur. Ou de rencontrer personnellement les donateurs potentiels – pour les « gros dons » mais pas uniquement… Le directeur doit s’impliquer totalement dans l’élaboration du case for support (argumentaire) en amont de la campagne, signer les lettres d’invitation à l’école, puis continuer d’entretenir le lien pour fidéliser les donateurs sur la durée. « L’essentiel est de jouer le jeu avec constance : si au départ, ce n’est pas forcément évident pour quelqu’un qui n’a jamais fait de fundraising de se lancer, les directeurs finissent en général par prendre beaucoup de plaisir à cette participation active », poursuit Marie-Stéphane Maradeix.

« C’est très enrichissant, mais c’est une contrainte assez lourde », reconnaissait Jean-Pierre Bourguignon, directeur de l’Institut des hautes études scientifiques (IHES) en clôture de la 5ème Conférence de fundraising pour l’enseignement supérieur et la recherche. Comme notre campagne était pour une grande partie tournée vers l’international, j’ai effectué 20 à 30 déplacements par an à l’étranger. Même si on n’a jamais le temps, il faut se rendre disponible, par exemple pour des voyages qui n’étaient pas prévus au programme… C’est en effet aux plus hauts responsables de l’institution de transformer l’essai ».

Fédérer et partager

Gare néanmoins à un excès d’implication. Ou tout au moins, à une implication à mauvais escient. « Le premier écueil c’est quand le dirigeant veut à tout prix faire profiter l’école de son carnet d’adresses, mais qu’il n’a pas de stratégie derrière », souligne Yaële Aferiat. Seconde erreur à ne pas commettre : le projet tient tellement à cœur au dirigeant que celui-ci part tout seul, sans avoir au préalable impliqué tous les acteurs de l’institution.

A l’opposé du « dada du président », une campagne de levée de fonds doit en effet impliquer l’ensemble des acteurs : du personnel aux étudiants, en passant par les partenaires institutionnels de l’établissement, plus les membres de l’institution seront persuadés du bien-fondé de la campagne, plus elle aura de chance de réussir.

Quant à la direction du développement, elle doit être à la fois très professionnelle (ce qui nécessite donc un investissement en ressources humaines), mais aussi, être portée en direct par le directeur lui-même. « Les fundraisers ont besoin d’un vrai leadership, donc plus la direction du développement est proche de la direction générale, mieux c’est. Il faut résister au syndrome de “placardisation” qui consiste à donner un objectif financier, puis  à laisser l’équipe de fundraising se débrouiller seule », avertit Marie-Stéphane Maradeix.

Travailler ensemble, c’est aussi avec d’autres directeurs. « Les directeurs et les fundraisers ont tout intérêt à échanger entre pairs sur les difficultés qu’ils rencontrent ou sur les pratiques qui font leurs preuves », préconise Yaële Aferiat. Un esprit de collaboration entre écoles et non de concurrence, qui a pour avantage de ne pas réinventer la roue en permanence, mais aussi, plus globalement, de favoriser, « une montée en compétences collective, qui, nous l’avons constaté par exemple dans le secteur associatif, n’aura que des retombées positives sur le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche, souligne Yaële Aferiat. Quand la collecte est professionnelle, qu’elle jouit d’une bonne image, cela permet de faire évoluer les mentalités des donateurs » Et la philanthropie en général.

Quelques chiffres clés du fundraising

  • Fondation HEC : 100 millions €, auprès des individus et des entreprises. Durée : 2008 à 2013.
  • Fondation Polytechnique : 35 Millions €, auprès des anciens élèves et autres particuliers. Durée : 2008 à 2012.
  • Fondation Centrale : 75 Millions €, auprès des individus et des entreprises. Durée : 2008 à 2013.

« Etre pragmatique, savoir s’entourer »

Pour Alain Bravo, directeur général de Supélec, l’implication de toutes les instances dirigeantes de l’école est un facteur clef de réussite dans une démarche pérenne de collecte de fonds.

CGE : A quel point l’implication du directeur d’une grande école est-elle importante dans la conduite d’une démarche de fundraising ?
Alain Bravo : C’est simple, la collecte de fonds dans l’enseignement supérieur ne peut tout bonnement pas exister sans l’implication des hommes et des femmes qui dirigent ces établissements ! La création de la Fondation Supélec en est l’illustration. Elle n’aurait jamais vu le jour en 2003 sans une volonté forte de l’ensemble de l’équipe dirigeante : le président de l’Amicale des anciens élèves, le président du comité de direction,et le directeur général de l’époque. Tous trois étaient absolument convaincus qu’une fondation pourrait apporter un soutien pérenne à Supélec. Ils sont allés, ensemble, voir Thierry Breton pour lui proposer de devenir président de la Fondation alors sous égide de la Fondation de France. Depuis novembre 2009, la Fondation Supélec est reconnue d’utilité publique.

CGE : Comment entrez-vous en contact avec les donateurs ?
Alain Bravo : Là encore, l’intervention de tout l’état-major de l’école est primordiale. Je travaille par exemple aussi bien avec la secrétaire générale de l’école responsable de la Fondation qu’avec le directeur de la recherche. Les liens entretenus par chacun avec les grands partenaires de Supélec facilitent les échanges lorsqu’il s’agit de présenter les missions et les projets de la Fondation. Les discussions menées avec les différents contacts établis notamment au niveau de la recherche aboutissent par exemple à la création de chaires. Notre programme PERCIS (Partenariat d’enseignement et de recherche en coopération avec l’industrie et les services) est également une bonne passerelle. Lorsqu’il s’agit de prendre contact avec d’anciens élèves à des postes importants ou bénéficiant d’une certaine notoriété, je leur écris pour leur dire que nous sommes très fiers d’eux. C’est l’occasion de leur parler des évolutions de Supélec et de ses projets d’avenir. D’autre part, je veille à sensibiliser les élèves (près de 2 000 sur nos trois campus), du premier jour de leur arrivée, lors de la première réunion d’accueil, jusqu’à leur remise de diplôme. La Fondation est toujours là, dans le paysage, mais sans matraquage… Quant aux enseignants-chercheurs, ils pensent spontanément à la Fondation qui fait partie de leur quotidien, notamment parce qu’elle finance des séjours de visiting professors et des allocations de thèses.

CGE : Quels conseils donneriez-vous à vos homologues qui souhaiteraient se lancer dans la mise en place d’une campagne de fundraising ?

Alain Bravo : Il faut être très professionnel, tenace, avancer de manière méthodique, donner le temps au temps, savoir jouer de la consolidation de l’image de l’école. Il faut également faire preuve de pragmatisme car les directeurs, aujourd’hui, ne sont pas formés aux démarches de collecte. Dernier conseil, et non des moindres : s’entourer de professionnels compétents qui ont déjà une expérience confirmée en fundraising est le B.A.-ba.

A propos de Supélec

Créée en 1894, Supélec est la grande école de référence dans le domaine des sciences de l’information, de l’énergie et des systèmes sur ses trois campus de Gif-sur-Yvette, Metz et Rennes. Elle donne une voie d’accès privilégiée à l’ensemble des secteurs économiques. La qualité de ses 2 000 élèves dont 250 doctorants et 110 diplômés en Mastères Spécialisés est mondialement reconnue. Comme toutes les grandes institutions d’enseignement supérieur, Supélec poursuit une triple mission de formation initiale, de recherche et de formation continue.

Partager l'article avec votre réseau
Loading...