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La LPPR : risques et opportunités

La recherche s’est fortement développée au sein des Grandes écoles (augmentation des publications dans les…
Publié le 9 octobre 2020
La LPPR : risques et opportunités
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La recherche s’est fortement développée au sein des Grandes écoles (augmentation des publications dans les revues scientifiques de rang A, croissance des budgets consacrés à la recherche, hausse du nombre d’enseignants-chercheurs …).

Avant toute chose, il s’agit de souligner les éléments positifs de cette loi qui va apporter un soutien financier et de long terme à la recherche française. Dans l’ensemble, les dispositions prévues dans la LPPR vont dans la bonne direction. La CGE se réjouit que, malgré la crise sanitaire et économique, l’investissement nécessaire dans la recherche reste toujours parmi les priorités gouvernementales. Un tel investissement est indispensable afin de rester compétitif au niveau international, pour éviter le décrochage de notre recherche et de notre industrie.

Nous sommes bien conscients qu’il s’agit-là d’un investissement important avec une ambition inédite depuis longtemps et nous nous réjouissons également d’une plus grande part de financements récurrents, ainsi que de la perspective de salaires plus compétitifs.

Néanmoins, la CGE, depuis les premières versions du texte, a toujours tenu à se montrer vigilante sur plusieurs points et a sensibilisé les législateurs aux conséquences de :

La création de « 15 pôles universitaires d’innovation » (PUI), labellisés d’ici 2022, et la question de la coordination entre les différentes composantes

Depuis 2010, la politique de site a été renforcée. La LPPR y inscrit la coordination de l’innovation. La CGE alerte sur le fait que cette coordination peut être subie et non choisie, or l’autonomie des Grandes écoles est nécessaire à leur performance. Chaque acteur a un rôle essentiel à jouer, dans les missions qui sont les siennes.Or, l’innovation, le transfert de technologie, la recherche orientée vers les entreprises, le soutien à la création d’entreprises, plus généralement les relations contractuelles avec les entreprises sont fondamentalement dans l’ADN des Grandes écoles

L’adaptation des formations aux besoins des territoires grâce à une gouvernance adaptée

Les Grandes écoles jouent un rôle essentiel en fournissant aux entreprises les cadres de haut niveau dont elles ont besoin. Si les Grandes écoles perdent de leur liberté pédagogique, au profit d’une simplification administrative et de regroupements plus larges, il y aura un risque de moindre adéquation entre l’offre et la demande de main d’œuvre. En effet, la liberté pédagogique des Grandes écoles se nourrit d’une part du continuum formation – recherche – innovation, lequel pourrait être fortement mis sous contrainte par la création des PUI ; d’autre part de leur gouvernance, qui leur permet facilement de prendre la décision d’ouvrir ou de fermer des formations en fonction des besoins socio-économiques.

La crainte d’une perte d’efficacité sur la recherche appliquée en entreprise

La LPPR s’intéresse, à juste titre, à la recherche fondamentale. Mais il faut également prêter attention à la recherche appliquée (traditionnelle dans les Grandes écoles). La CGE a toujours insisté sur les spécificités de la recherche dans les Grandes écoles d’ingénieurs. Une part importante y est motivée par des applications industrielles, réalisée avec et pour les entreprises. Cette culture du partenariat avec les entreprises, permet des transferts de technologie en direction du tissu économique, la création d’innovations et d’emplois, le soutien à la compétitivité des entreprises, la création de start-ups et d’incubateurs performants, la contribution à l’émergence de nouvelles filières économiques. Cette recherche est parfaitement compatible avec une excellence académique de rang international (en savoir plus).

Le besoin de prise en compte de tous les établissements dans la LPPR

La revalorisation des carrières est un point extrêmement positif et les GE soutiennent bien entendu cet aspect du texte. Cependant, ce projet doit prendre en compte l’ensemble des personnels. Il y aura un retentissement financier indirect – mais réel – sur les établissements privés et sur ceux qui ne sont pas sous tutelle du MESRI (ministères de l’Economie, de l’Industrie, de l’Equipement, de l’Agriculture…), sur les statuts des chercheurs hors MESRI. Les dispositions de revalorisation de carrière doivent donc concerner tous les établissements publics et non ceux du seul MESRI, car la LPPR doit embarquer toute la recherche française. En particulier, au-delà de l’augmentation des enveloppes nécessaires pour ces établissements publics, la préservation de leurs plafonds d’emploi doit également être assurée. Le texte proposé ne mentionne que marginalement les établissements d’enseignement supérieur de statut privé (en savoir plus).

En conclusion, ces remises en cause de la relation forte, en matière de recherche partenariale, entre Grande école et entreprises n’est pas l’apanage de la LPPR mais de toute une série de mesures de simplification qui vise à imposer un interlocuteur unique ou guichet unique aux entreprises. Ainsi, la même logique est à l’œuvre pour :

  • le Décret sur le mandataire unique , qui impose l’obligation de désigner pour chaque unité de recherche un mandataire unique pour la gestion et la valorisation des résultats,
  • la désignation de tutelles principales et secondaires pour les UMR,
  • la propriété des résultats et le partage des revenus de propriété intellectuelle

Les Grandes écoles sont réactives, agiles, avec des circuits de décision courts (et la Covid-19 a encore souligné l’importance de cette réactivité). Elles contribuent largement à l’excellence de la recherche en France, en particulier grâce aux relations partenariales. Perdre leur maîtrise de la valorisation et à terme leur maîtrise de la gestion de leurs contrats remet en cause un des fondamentaux du modèle des GE : la connexion recherche – entreprises.

 

Anne Beauval, 
présidente de la commission Recherche et Transferts
directrice déléguée d’IMT Atlantique

 

A propos d’Anne Beauval

Anne BEAUVAL est directrice déléguée d’IMT Atlantique depuis le 1er janvier 2017, et présidente de la commission Recherche de la Conférence des Grandes Ecoles depuis janvier 2020.

Diplômée de l’École Polytechnique et de l’École nationale supérieure des mines de Paris, Anne BEAUVAL a occupé successivement les fonctions de chef de division Environnement Industriel et Sous-Sol, en charge de l’inspection des installations classées pour la protection de l’environnement à la DRIRE de Bretagne (2000 – 2003) ; directrice de la recherche de l’École des mines de Douai (2003 – 2008); chargée de mission auprès du directeur puis chef du service Sécurité Radioprotection Médical de la Centrale nucléaire de Gravelines (2008 – 2012) ; directrice de l’école des mines de Nantes – jusqu’à sa fusion avec Télécom Bretagne qui a conduit à la création d’IMT Atlantique.

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