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La parole à Jean-Marc Huissoud, directeur du Centre d’études en géopolitique et gouvernance

LA GÉOPOLITIQUE DANS UNE ESC Depuis 2007, Grenoble École de Management s’est engagée dans une…
Publié le 3 juin 2012
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LA GÉOPOLITIQUE DANS UNE ESC
Depuis 2007, Grenoble École de Management s’est engagée dans une démarche d’introduction, dans son cursus, d’un enseignement de géopolitique. C’était tout sauf une évidence. Mais Jean-François Fiorina et moi-même étions convaincus du contraire pour plusieurs raisons.

D’abord parce qu’il y avait une demande des entreprises d’un renforcement du bagage de leurs futurs stagiaires et employés en culture générale, particulièrement celle reliée à une meilleure compréhension du contexte multiculturel et international dans lequel elles évoluent.

La seconde raison tenait à la conviction que nous ne pouvions laisser nos étudiants baigner dans un discours sur la mondialisation devenu axiomatique et sans regard critique.

Nous étions convaincus que nous ne pouvions plus nous satisfaire d’une approche purement technique des métiers de l’entreprise, ni d’une approche exclusivement économique du monde, mais qu’aux contraire les facteurs politiques, idéologiques et sociaux du monde contemporain devaient reprendre leur place légitime.

Enfin, nous sommes une école internationale, nos étudiants sont de tous horizons géographiques et culturels, les cours sont dispensés fréquemment par des professeurs étrangers, ils doivent effectuer un stage à l’étranger. Il est donc primordial pour eux d’être capables de constituer leurs propres grilles de lecture.

Très vite, nous avons lié cette approche géopolitique à celle de l’intelligence économique, dont elle est l’une des dimensions.

Les enjeux sont assez clairs : la gestion et l’appréhension des risques sociétaux, politiques, environnementaux, l’évaluation correcte des potentiels de marchés, les options stratégiques, une meilleure pratique de la coopération internationale, voire le simple choix de carrière individuelle, sont autant de domaines du management dans lesquels la connaissance des facteurs géopolitiques constituent un atout, sinon un préalable.

C’est un terrain innovant : il faut inventer la géopolitique sous l’angle des entreprises, une géopolitique opérationnelle pour les managers, mais suffisamment ouverte pour ne pas aboutir à une collection de recettes managériales qui seraient vite obsolètes dans ce monde instable.

La géopolitique, telle qu’elle est enseignée ailleurs et publiée un peu partout, est une discipline qui n’a pas été conçue dans notre optique. Issue d’une culture de géographes et de militaires, elle reste théoriquement en marge des préoccupations de l’économie globalisée et de ses acteurs. Il manque un corpus conceptuel et méthodologique utilisable par les managers.

Nous faisons donc une géopolitique différente du sens traditionnel du terme. Une géopolitique en tant qu’objet (l’étude des relations entre communautés et organisations humaines à l’échelle internationale) et non en tant que discipline (nous ne formons pas des géopoliticiens d’entreprises). Cela nécessite d’aborder le sujet avec le maximum d’ouverture multidisciplinaire : toute approche qui permet de comprendre mieux un phénomène est potentiellement utile.

Bien sûr, ce ne peut être qu’un enseignement complémentaire, et sa place dans les programmes d’enseignement reste modeste. Mais très vite nous avons mis en place de nombreuses actions qui complètent notre approche : le Festival de géopolitique et de géoéconomie de Grenoble, le seul du genre en Europe, a atteint à sa 4e édition la réputation d’événement pour les décideurs, les intellectuels, la société civile et connaît une audience qui dépasse largement le cadre des étudiants. Il incarne notre volonté de croiser les regards sur notre monde, toutes disciplines et opinions confondues. Il se double d’une activité éditoriale intense (sur le web et en librairie) où sont relayés et approfondis nos travaux et ceux de nos partenaires.

A l’intérieur même de l’école, les conférences, les cours complémentaires se développent, souvent à la demande des étudiants : formation aux missions de terrain pour les associations, notamment à vocation humanitaire, participation aux débats, commentaires périodiques sur l’actualité internationale. La géopolitique fait réellement partie de la culture de nos étudiants pendant leurs années à l’école.

La suite ? Le Centre d’études en géopolitique et gouvernance a été créé début 2011 afin de coordonner ces actions et les développer. Nous avons mis en place l’Alliance géopolitique de management avec plusieurs partenaires académiques étrangers (en Russie, au Canada, en Afrique du Sud, en Inde, au Brésil, au Sénégal et au Maroc) pour développer nos réflexions sur des préoccupations communes mais avec des approches culturellement différentes. Le premier séminaire a eu lieu en 2012 et fut très riche en enseignements. Notre deuxième axe est le développement de l’articulation entre géopolitique et intelligence économique, avec des projets ambitieux, en tant qu’établissement pilote pour le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, entre autres.

Nos partenariats se développent aussi, entre autres avec l’IRIS, les universités et GIANT, le pôle de compétitivité grenoblois en cours de structuration.

En 2009, le Financial Times soulignait, comme cause parmi d’autres de la faillite des managers à l’origine de la crise des subprimes, l’absence de culture générale et de vision à grande échelle des élèves sortis des grandes écoles de management. Nous avions déjà une partie de la réponse, avec un train d’avance. Si l’on en croit les sollicitations pour l’établissement de nouveaux partenariats, le travail ne manquera pas dans les années qui viennent.

Jean-Marc HUISSOUD
Directeur du Centre d’études en géopolitique et gouvernance

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