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La recherche dans les GE : Enquête CGE, Exemple d’Armines, Point de vue Michel Schmitt, chargé de la direction de la Recherche à Mines ParisTech

L’enquête annuelle de la CGE sur la recherche confirme les chiffres de l’année dernière, qui…
Publié le 3 juillet 2011
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L’enquête annuelle de la CGE sur la recherche confirme les chiffres de l’année dernière, qui restent stables : les grandes écoles représentent un tiers des thèses menées en France, toutes disciplines confondues (c’est-à-dire y compris en droit, pharmacie et médecine : disciplines uniquement enseignées à l’université), contre un quart des thèses il y a dix ans. Mais, surtout, les grandes écoles représentent près de la moitié des thèses en sciences (1).

Sur l’année universitaire 2010-2011, on compte plus de 14 000 thèses en cours dans les grandes écoles (dont 8 500 thèses dans les grandes écoles avec une école doctorale habilitée à délivrer le doctorat en propre (2), et plus de 5 500 thèses réalisées en partenariat)(3) .

Plus de 2 500 thèses ont été soutenues en 2010 dans les grandes écoles. Ces chiffres sont en progression constante depuis plusieurs années (4). Les doctorants sont accueillis dans plus de 300 laboratoires ou équipes internes aux grandes écoles et 233 laboratoires mixtes associés à d’autres organismes. Actuellement, en moyenne 7 % d’étudiants des grandes écoles poursuivent en thèse,  chiffre identique à celui de l’université.

Cependant, cette moyenne cache de grandes disparités et le nombre de grandes écoles où le taux de poursuite en thèse des étudiants est supérieur à 10 % est important (5) : 15 à 18 % à l’Ecole centrale de Paris et l’Ecole centrale de Nantes, 27 % à l’Ecole polytechnique, plus de 73 % actuellement dans les écoles normales supérieures (80 % étant l’objectif visé à l’horizon 2012).

Le secteur dans lequel évolue l’école est aussi décisif pour comprendre la proportion de diplômés de grandes écoles qui poursuivent en doctorat : entre 10 % et 18 % dans le secteur de l’agronomie (6), 15 % dans les écoles liées à l’aéronautique, entre 25 % (7) et plus de 40 % (8) dans les écoles du secteur de la chimie, 40 % à l’Institut d’Optique et 60 % à l’ESPCI ParisTech (9).

Un engagement dans la recherche qui s’est renforcé durant les dernières années

La plupart des écoles considèrent que la recherche constitue une mission stratégique en termes d’attractivité et de positionnement international, et elles ont mis en place ou conforté des politiques volontaristes de développement de la recherche durant les dernières années :

  • augmentation du budget de la recherche ;
  • accroissement du taux de poursuite en thèse des étudiants (dans les entreprises internationales, la possession d’un doctorat est de plus en plus appréciée et devient la norme pour les plus hauts postes d’encadrement). C’est le cas, par exemple, de Supélec : le taux de poursuite en thèse était de 10 % en 2009. L’école a inscrit comme objectif pour le quadriennal 2010-2013 de porter ce chiffre à 20 % ;
  • de nombreuses initiatives ont été adoptées pour renforcer la culture de la recherche auprès des étudiants, des personnels enseignants, des IATOS : mesures incitatives (décharge de service, financements, …), modules d’initiation à la démarche de la recherche, journées de sensibilisation et de découverte des laboratoires, plan de formation à la recherche, …

Une culture du partenariat avec les milieux économiques mise à profit en termes de transfert, de valorisation et d’employabilité de docteurs :

Ces partenariats historiques reposent sur un véritable dialogue entre des industriels et des scientifiques. Ils sont la clé du succès et de la performance des écoles en termes de transfert, de valorisation et d’innovation.
Les écoles sont également particulièrement actives en matière de création d’entreprises ainsi que dans les Instituts Carnot (10) (cf. tableau en téléchargement), réseaux visant à développer la recherche partenariale.

Cette culture du partenariat est à l’origine des bonnes performances des docteurs des grandes écoles, qui trouvent majoritairement un emploi dans le secteur privé (11) et connaissent une meilleure insertion professionnelle que l’ensemble des docteurs. L’ANRT indique, de ce point de vue, que la moitié des doctorants CIFRE est issue d’un parcours en école d’ingénieurs. Pour les boursiers CIFRE, trois ans après l’obtention de leur doctorat, seulement 6 % d’entre eux sont au chômage (contre 11 % pour l’ensemble des docteurs), ils sont moins nombreux en emploi à durée déterminée et beaucoup mieux rémunérés que l’ensemble des docteurs sortis en 2004. Ces résultats sont imputables à la nature du dispositif CIFRE qui impose aux jeunes doctorants d’effectuer une partie importante de leur thèse dans une entreprise (12). Pour les docteurs diplômés d’école d’ingénieurs, le taux de chômage, trois ans après l’obtention du doctorat, est de 4 %, leur emploi à durée déterminée est la plus faible de toutes les catégories de docteurs (8 %, contre 27 % pour l’ensemble des docteurs, 22 % pour les allocataires de recherche, 21 % pour les titulaires d’un DESS et 14 % pour les boursiers CIFRE)(13).

Nadia Hilal
Chargée de mission Recherche

1) Source : enquête annuelle de la Conférence des grandes écoles sur la recherche et CDEFI (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs), 2010.
2) Soit, selon les termes de l’arrêté du 7 août 2006 relatif à la formation doctorale, « un établissement public, comme support de l’école doctorale » (article 7). Il s’agit presque exclusivement d’écoles d’ingénieurs, des Ecoles normales supérieures, des Ecoles nationales vétérinaires et de HEC. Les autres écoles accueillent également des thésards dans leurs laboratoires, mais ils sont administrativement inscrits dans une école doctorale partenaire, principalement universitaire.
3) Soit « les établissements d’enseignement supérieur ainsi que des organismes publics ou privés de recherche et des fondations de recherche participant à une école doctorale avec la qualité d’établissement associé en accueillant des doctorants de cette école » (article 9).
4) Ainsi, on comptait 10 413 thèses en cours et 2 000 thèses soutenues en 2003 dans les grandes écoles.
5) Enquête de la CGE sur la recherche dans les Grandes Ecoles, 2010.
6) Comme, par exemple, à Agrocampus Ouest (Institut supérieur des sciences agronomiques, agroalimentaires, horticoles et du paysage).
7) Comme à l’Ecole nationale supérieure de chimie de Clermont-Ferrand ou à l’ENSC Lille (Ecole nationale supérieure de chimie de Lille).
8) ENSC Mulhouse (Ecole nationale supérieure de chimie de Mulhouse).
9) Ecole supérieure de physique et de chimie industrielles de la Ville de Paris.
10) Voir : www.instituts-carnot.eu
11) Voir l’enquête « Génération 2001 » et « Génération 2004 » du CEREQ, et « Docteurs 2003 », Iredu 2006.
12) Voir Julien Calmand, Jean-François Giret, « L’insertion des docteurs. Enquête Génération 2004. Interrogation 2007 », Net.doc, n°64, 2010.
13) Idem.

Valorisation de la recherche et recherche partenariale : l’exemple d’Armines

Armines : une mission de service public fondée sur un échange économique

Le concept de recherche « orientée » vers l’industrie est à l’origine de la création d’Armines (association loi 1901) en 1967, afin de remédier à la faiblesse traditionnelle des relations entre le monde de l’enseignement, de la recherche et celui de l’entreprise.
Avec un montant d’activité totale proche de 49 M€, Armines conserve sa première place parmi les institutions privées de recherche contractuelle adossées à des établissements d’enseignement supérieur.

Armines fonctionne sur la base de cofinancements qui participent au développement des centres de recherche. Ceux-ci fonctionnent par la mise en commun des moyens entre Armines et ses écoles partenaires (le réseau des écoles des Mines – Paris, Saint-Étienne, Douai, Alès, Nantes et Albi-Carmaux – sous tutelle du ministère de l’Industrie). Elle associe des ressources scientifiques de haut niveau et des plates-formes technologiques, métrologiques ou informatiques de pointe.

Armines dispose d’une autonomie de gestion qui lui donne l’indispensable réactivité permettant de mettre les centres de recherche en situation de traiter avec la sphère économique : pouvoir décider, engager sa responsabilité, prendre des risques calculés et être réactif. Près de 600 personnes salariées d’Armines (enseignants-chercheurs, ingénieurs de recherche, doctorants, post-docs, techniciens, personnels administratifs) animent la recherche aux côtés des collègues des écoles, au sein de centres de recherche « communs » écoles/Armines.

Un effort permanent de professionnalisation a conduit à la création, en 2007, d’une direction juridique et d’une direction du développement destinées à renforcer la capacité de négociation des contrats de recherche, en particulier en matière de valorisation de la propriété intellectuelle, et à accompagner le développement à l’international.

L’activité partenariale menée sur financement public, en particulier dans le cadre des appels d’offres de l’ANR (Agence nationale de la recherche) et des pôles de compétitivité, s’est maintenue à un niveau comparable à celui de l’année précédente, à 12 M€ soit 26 % du total de l’activité. L’ensemble des contrats passés directement avec la sphère économique sans soutien public est resté majoritaire et représente 57 % du total, dont 10 % avec les PME.

Michel Schmitt, Dir. de la Recherche à Mines ParisTech

La recherche partenariale en France : Le point de vue de Michel Schmitt, directeur adjoint, chargé de la direction de la Recherche à Mines ParisTech

CGE : Comment fonctionne Armines en pratique ?

Michel Schmitt : Concrètement Armines gère la recherche partenariale en s’appuyant sur les laboratoires des écoles des Mines. Armines est l’opérateur : il aide à la négociation des contrats de recherche et en gère les fonds. On estime que celle-ci permet quasiment de doubler les ressources des laboratoires des écoles, ce qui montre à quel point elle est importante.

Ces financements complémentaires aux fonds publics des laboratoires permettent en particulier l’embauche en CDI de techniciens, d’informaticiens, d’ingénieurs et de personnels de recherche, personnels qui ne pourraient pas être embauchés aussi facilement sous statut public.

CGE : Quelles sont les réalisations principales d’Armines ?

M.S. : Tous les contrats de recherche partenariale sont réalisés avec l’aide d’Armines. Citons à titre d’exemple les contrats financés par l’ADEME sur la captation du CO2, associant des entreprises comme EDF ou Alstom.

Depuis une dizaine d’années, le laboratoire Energétique et procédés de Mines ParisTech a travaillé dans le domaine de l’énergie éolienne. Il a construit des modèles de prédiction de l’énergie éolienne, pour développer des stratégies d’intégration optimale de cette production dans un marché d’électricité. Il s’agit d’aider à gérer l’incertitude liée à une production d’énergie éolienne par nature fluctuante. Il a mis au point des modèles qui permettent de prédire à très court terme (de moins d’une heure à une semaine) la production éolienne d’un pays et de garantir l’équilibrage du réseau. Il a développé des outils d’aide à la décision en ligne sur ce thème en Europe, au Canada et en Australie. En Australie, Armines a été en première ligne pour négocier ce type de contrat, ce qui n’est pas simple à l’international.

En un mot, je dirais qu’Armines est le bras armé de la recherche des laboratoires : il permet de doubler les financements et les moyens à leur disposition, en particulier par la mise en place de plateformes d’expérimentation ou logicielles, de mettre en musique les projets avec nos partenaires publics ou les industriels, de gérer les négociations, les aspects juridiques …

CGE : Quels obstacles reste-t-il à lever pour développer la recherche partenariale en France ?

M.S. : Les laboratoires publics ne sont pas suffisamment encouragés à le faire. Par exemple, l’AERES, créée en 2007, a d’abord adopté des critères très académiques d’évaluation de la recherche. Ceux-ci ont totalement occulté la recherche partenariale. Ils privilégiaient les publications. C’est important, mais la recherche ce n’est pas seulement cela. On ne peut pas attendre une innovation majeure, de rupture, qui sera ensuite appliquée au monde réel ou économique.

Armines tente au contraire d’agir en amont avec les industriels lors de la définition de leurs programmes de R&D. On les associe très tôt aux programmes de recherche. Par exemple, en ce moment, nous discutons avec SAFRAN et EDF pour voir comment les laboratoires de l’école peuvent contribuer à la résolution des grandes questions de R&D qui se posent. On coopère également avec leurs laboratoires et on tente de mutualiser les efforts.

Les critères de l’AERES ont depuis évolué dans le bon sens, la recherche partenariale est désormais prise en compte : par exemple, un brevet est désormais considéré comme une publication de rang A. Mais la recherche partenariale est mesurée par le chiffre d’affaires réalisé, ce qui reste encore insuffisant. On ne dispose pas encore d’indicateurs suffisamment développés et codifiés pour évaluer la qualité d’une recherche partenariale.

En outre, les critères de l’AERES n’expliquent pas tout, il y a d’autres facteurs, plus culturels : nous sommes encore mal outillés pour mettre en valeur cette recherche. On devrait davantage se tourner vers les industriels, mieux les associer aux programmes de recherche, faire beaucoup plus de communication et de publicité sur nos réalisations et nos possibilités : les laboratoires sont capables de comprendre et de lever de nombreux verrous scientifiques et technologiques. Des efforts doivent également être accomplis pour tenter de parler le même langage que celui de l’entreprise, pour faciliter la compréhension et la connaissance mutuelle.

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