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Quelle lecture pour le marché de l’information ? Par H. Demailly, vice-président de la Conférence nationale des métiers du journalisme (CNMJ)

Il est indéniable aujourd’hui que le marché de l’information est en pleine mutation. Les modes…
Publié le 3 septembre 2012
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Il est indéniable aujourd’hui que le marché de l’information est en pleine mutation. Les modes de consommation ont été bouleversés par le web 2.0, l’apparition des Smartphones et des tablettes. Des titres disparaissent, de nouveaux supports voient le jour ou s’adaptent aux nouvelles conditions du marché. Le citoyen est maintenant face à une multitude d’accès à l’information et devient, parfois, lui-même producteur de nouvelles.

Du côté des médias les modes de production sont transformés par les nouvelles technologies qui bousculent le paysage médiatique. De nouvelles fonctions au sein des rédactions voient le jour, posant la question de savoir ce qu’est aujourd’hui le métier de journaliste, qui a mis presque un siècle à se définir.

La dimension économique est aussi au centre de ces transformations. L’information qui n’a jamais été un produit comme les autres, parce qu’éphémère et qui se vendait deux fois, une aux annonceurs l’autre aux consommateurs, est en passe aujourd’hui de devenir un bien gratuit. L’économie des titres de presse, tous médias confondus, subit les assauts de la mondialisation et de sa crise, mais aussi voit arriver des investisseurs industriels dont les intérêts ne sont plus forcément la défense de la démocratie, mais souvent le rendement de leurs investissements. Le journal devient une marque avec toutes les dérives que cela peut avoir sur le traitement de l’information et sur le rôle du journaliste.

Ces quelques remarques montrent, rapidement, à quel point l’information, son traitement et les fonctions de ceux en charge de la recueillir, de la vérifier, de la hiérarchiser et de la diffuser, sont au centre d’une gigantesque interrogation dont dépend sans doute en grande partie l’avenir de nos démocraties. Bien sûr tout cela n’est pas nouveau. Tout au long de son développement la presse et les journalistes ont été souvent critiqués, parfois à juste titre, souvent parce qu’ils dérangeaient un ordre que l’on voulait préétabli. Tout au long de cette évolution le journaliste est devenu professionnel et c’est ce professionnalisme qui doit être le garant de la qualité de l’information. Profession ouverte mais qui nécessite aujourd’hui une base minimum d’apprentissage ou de perfectionnement.

En 2008 les pouvoirs publics ont initié un processus de réflexion sur l’avenir de la presse, les états généraux de la presse écrite. Les conclusions de ces travaux, présentées en 2009 dans un livre blanc, faisaient apparaitre, entre autre, la nécessité de constituer une structure de rencontre et de dialogue entre tous les acteurs de l’information : éditeurs, journalistes, responsables des centres de formation, experts, représentants des pouvoirs publics.

C’est pour répondre à cette nécessité de dialogue et d’échange que la Conférence nationale des métiers du journalisme (CNMJ) a vu le jour en 2010. Cette association regroupe les 13 écoles de journalisme reconnues par la profession (reconnaissance accordée par la Commission paritaire nationale de l’emploi des journalistes), des professionnels impliqués dans la formation et les instances représentatives du métier, les pouvoirs publics (ministère de la Culture et de la Communication, ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ministère du Travail), des chercheurs et des personnalités qualifiées. Conçue comme un lieu de débat, la CNMJ a pour ambition de proposer à la profession une réflexion sur le métier de journaliste autour d’une thématique précise : celle de l’apprentissage des bonnes pratiques professionnelles et des instruments, et des méthodes pédagogiques qui en découlent. Elle fonctionne sous forme de plusieurs groupes de travail qui expertisent les différents questionnements sur ces thèmes.

Depuis sa première édition, les 29 et 30 septembre 2010, la Conférence a mené à bien deux importants chantiers. Le premier concerne la mise en place d’un référentiel commun aux Écoles reconnues. Il s’inscrit dans le double objectif de renforcer la lisibilité des formations conduisant aux métiers du journalisme, et d’en améliorer la visibilité pour les étudiants. Cette démarche passe par la volonté de rapprocher les critères de reconnaissance des formations entre la Commission paritaire nationale de l’emploi des journalistes et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. A terme il devrait conduire à l’adoption d’un cahier des charges tourné vers l’insertion professionnelle et qui pourrait se décliner aux différents niveaux de formation au journalisme : DUT, licence et master. Ce référentiel n’a pas vocation à homogénéiser les formations, mais il définit les points de convergence pour la reconnaissance de la qualité des cursus.

Le deuxième projet concerne la formation continue des journalistes. Il instaure un « passeport professionnel » qui s’adresse prioritairement aux nouveaux détenteurs de la carte d’identité professionnelle de journaliste, n’ayant pas suivi une formation dans l’un des 13 cursus reconnus par la profession. Cette formation prévue sur 15 jours doit permettre aux nouveaux journalistes d’acquérir une réflexion solide sur les enjeux moraux et éthiques de leur profession. Les différents partenaires sociaux ont acté que ce passeport professionnel est une priorité de la branche dont le financement sera assuré par l’AFDAS. Plusieurs projets pédagogiques pour la mise en œuvre de ce passeport ont reçu l’agrément de la CPNEJ (Commission Paritaire Nationale de l’Emploi des Journalistes) et certains sont déjà effectifs.

Pour sa troisième édition, qui se tiendra au Grand Palais les 27 et 28 septembre prochains, La Conférence fera un bilan de ces premières actions, en se penchant en particulier sur les premières mises en œuvre du passeport professionnel. Mais l’essentiel de cette troisième édition sera consacré aux réflexions et débats visant à établir les pistes devant permettre l’accès aux écoles de journalisme au plus grand nombre de jeunes désirant embrasser cette profession. Cette approche s’inscrit dans une réflexion plus large sur la représentation des diversités dans les médias et donc dans les écoles de journalisme. Une étude, commandée par la CNMJ et réalisée par un collectif de sociologues, sur les pratiques actuelles des écoles en ce domaine sera ainsi présentée au public. Enfin la matinée du 28 septembre proposera une table ronde sur le journalisme de demain et sur les formations qu’il sera sans doute nécessaire de mettre en œuvre.

Depuis trois ans, la Conférence nationale des métiers du journalisme s’inscrit pleinement dans les interrogations qui secouent le monde de la presse et celui de la formation au journalisme. Face à la redéfinition constante d’une profession en crise, économique, éditoriale, identitaire, face aux transformations que connaît également le monde universitaire, la CNMJ est un lieu de débats et de réflexions nécessaires pour comprendre et accompagner au mieux ces mutations.

Hervé Demailly
Maitre de Conférences au CELSA
Vice-président de la CNMJ

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