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Synthèse du rapport « Le rôle de la recherche dans la formation des étudiants des grandes écoles »

Deux commissions de la CGE – Recherche et Transferts, et Formation – ont décidé en…
Publié le 22 avril 2012
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Deux commissions de la CGE – Recherche et Transferts, et Formation – ont décidé en octobre 2010 de poser les jalons d’un groupe de travail commun portant sur « le rôle de la recherche dans la formation des étudiants des grandes écoles ».

En 2011, un groupe de travail composé de représentants des écoles d’ingénieurs et des écoles de management a mené une enquête quantitative et qualitative auprès des écoles d’ingénieurs et de management, membres de la CGE.

 

Animateurs :

  • Francis Cottet (Directeur de l’ISAE – ENSMA Poitiers)
  • Maria Bonnafous-Boucher (Directeur de la Recherche, Novancia – Paris)

Participants au groupe de travail :

  • Abdellatif Elm Selmi (Responsable du pôle Biologie moléculaire, EBI – Cergy)
  • Bruno Grano (Directeur de la Recherche, École des Mines – Albi-Carmaux)
  • Daniel Guillon (Directeur de l’École européenne de chimie, polymères et matériaux, ECPM – Strasbourg)
  • Laure Morel (Directrice de la Recherche, ENSGSI – Nancy)
  • Sophie Reboud (Directrice de la Recherche, ESC Dijon – Bourgogne)

Périmètre de l’enquête :

  • Période de l’enquête : janvier-février 2011
  • Interprétation des réponses et rédaction : avril 2011- janvier 2012
  • Nombre d’établissements interrogés : 220
  • Nombre de réponses obtenues : 204

Motivations et clés de lecture du rapport :

  • Faire évoluer un profil d’excellence traditionnelle de l’étudiant de grande école et permettre de valoriser, dans un processus de formation, les aptitudes, les capacités et les compétences développées par une expérience de recherche.
  • Favoriser et intégrer progressivement dans le cursus traditionnel des ingénieurs et des managers des qualités sollicitées dans des expériences de recherche.
  • 5 qualités ou aptitudes majeures à développer chez les ingénieurs et les managers ont été identifiées :
    • la créativité (imagination)
    • la curiosité (esprit critique)
    • la rigueur (méthodologie, source de l’information)
    • la prise de risque (choix, option, décision, sources)
    • l’autonomie

Le groupe s’est accordé sur le fait que l’activité de recherche comme l’invention et l’innovation repose avant tout sur un état d’esprit et une démarche ouverte. Si recherche et innovation ne sont pas une seule et même chose, elles sont difficilement dissociables dans leur processus et leurs résultats, comme le fait valoir le Traité de Lisbonne (2000) : « L’excellence scientifique ou technologique, considérée comme la capacité à produire des connaissances nouvelles en quantité et en qualité, peut être analysée sous l’angle de sa capacité à transformer une connaissance scientifique académique en une innovation à vocation industrielle.» La construction du questionnaire souligne le fait que l’innovation ne correspond pas seulement à la levée d’un verrou technologique majeur, appelée innovation de rupture, ou même à une amélioration plus circonscrite, source d’une amélioration qualitative et compétitive, appelée aussi innovation incrémentale, mais encore à des processus associés qui sont favorisés par des qualités spécifiques. Par ailleurs, nous avons considéré qu’entrer dans une recherche ou être sensibilisé à la recherche constituait une prise de risque lié à la capacité de distance critique versus l’obéissance à des paradigmes admis par l’académie. C’est la raison pour laquelle, plusieurs items du questionnaire portent sur la prise de risque, la prise de responsabilité, l’autonomie.

Apports de l’enquête :

  • un état des lieux des pratiques développées dans les grandes écoles
  • un panorama de la singularité ou de la généralisation de dispositifs favorisant la recherche
  • un repérage du degré de sensibilité à la recherche intégrée dans le cursus des élèves ingénieurs et managers

Résultats :

  • L’enquête a bénéficié d’un taux de réponse important – 204 répondants sur 220 établissements interrogés – et d’une grande qualité des réponses aux questions ouvertes.
  • Le questionnaire comporte deux grandes parties : 1° le rôle de la recherche dans la formation 2° Les facteurs favorisant l’émergence de qualités créatives et innovantes chez les étudiants. Les résultats de la 1° partie ne font pas apparaître d’éléments particulièrement nouveaux. La recherche au cœur de la formation s’organise toujours au moins de deux manières : par les enseignants, qui transfèrent leurs connaissances, leurs méthodologies ; par le travail personnel plus ou moins encadré de l’étudiant, tel que projets, bureau d’études, micro-projets, micro-thèses, etc.
  • Néanmoins, à l’exception des deux modes traditionnels de recherche, la formation par la recherche n’est pas standardisée, si l’on considère qu’il existe des expériences de recherche hors préparation d’un doctorat. La pédagogie par le jeu et le recours à la simulation sont majoritairement utilisés ; les activités pluridisciplinaires sont introduites dans toutes les formations, sources de curiosité. En dernière année des écoles d’ingénieurs, la priorité est donnée aux stages en entreprise, sauf cas de parcours en master 2 en parallèle, la formation par la recherche n’est pas prévue ; le parrainage/tutorat des étudiants par un doctorant reste un point faible, les doctorants interviennent en enseignements sur contrats doctoraux ou vacations mais ils ne participent pas ou très peu au tutorat de master. La formation par la recherche prend une place grandissante mais la relation étudiant/doctorant, étudiant/chercheur, étudiant/laboratoire n’est pas toujours privilégiée. Or le contact avec la recherche s’effectue de façon prépondérante par l’implication de doctorants dans les cursus de formation.
  • Une sensibilisation à l’entrepreneuriat comme source de créativité, de prise de risque par la décision, d’autonomie et de responsabilité est fortement mise en place dans les écoles de management et d’ingénieurs. Elle semble aussi favoriser une activité commune aux sciences pour l’ingénieur et aux sciences de gestion. L’incubation est un support souvent cité. Si dans certains cas, la création d’entreprise reste à la marge, créer une activité ou gérer un projet sont valorisés.
  • Concernant les 5 qualités liées à la recherche, les réponses des écoles appellent plusieurs remarques : le développement de ces compétences dépend du niveau de formation de l’étudiant ; l’accent mis sur la problématique et le questionnement constitue un préalable aux choix des solutions ; une sensibilisation à la déontologie (plagiat, idées ou avancées techniques volées, etc.) se révèle indispensable.

La rigueur de la démarche et la densité des connaissances de l’ingénierie pédagogique de la recherche peuvent influer sur l’expression de la créativité. Seules les qualités de rigueur (méthodologie) relèvent encore de pratiques classiques : majoritairement, la participation à des activités est peu variée car souvent circonscrite à des recherches bibliographiques et à des synthèses d’articles. Mais pour toutes les autres qualités, les écoles s’emploient à diversifier les pratiques.

Comment favorise-t-on l’imagination ?
De plus en plus d’établissements proposent dans leur cursus des activités sollicitant la culture, le corps et la sensibilité : théâtre, danse, cinéma, arts plastiques, lien entre technologie et art, ARC (atelier recherche et création), œnologie, théologie, humanités. Malgré le faible pourcentage de réponses commentées, plusieurs exemples parlants sont illustrés.

Comment développe-t-on la curiosité et l’esprit critique ?

Il semble que la pluridisciplinarité fasse consensus. Quelques exemples d’activités pluridisciplinaires : droit/design, droit/sciences, management/design.

Comment la prise de risque est-elle présente dans les cursus ?
Elle se traduit la plupart du temps par des enseignements ad hoc en entrepreneuriat, allant des modules de sensibilisation (cours, rencontres avec des industriels, participation à des concours de création) à des filières complètes conduisant à la création appuyées sur un incubateur. Citons également les activités réalisées dans les Junior entreprises. En général, entrer en entrepreneuriat se fait en dernière année d’école, parfois à la fin d’un programme d’ « executive MBA ». Mais la pratique est variable : enseignement obligatoire ou optionnel, préférence d’un incubateur, validation du stage de fin d’études par une création de start-up. Outre l’incubation, il existe aussi la mise en réseau avec les acteurs socio-économiques, l’expertise technique, scientifique et juridique : concours de créations d’entreprises tels que Challenge Projets Entreprendre ou Innovons Ensemble ; semaine de l’entrepreneuriat en 1e année (tous les élèves : 250) autour d’un projet de création d’entreprise ; cours électifs en 2e année ; spécialisation en entrepreneuriat en 3e année ; filière Entrepreneuriat permettant aux élèves admis dans l’incubateur de l’école de bénéficier d’un temps aménagé pour suivre leur formation d’ingénieur et mener en parallèle leur projet de création ; option Entrepreneuriat en dernière année avec simulation de création ou de reprise d’entreprise (200 h) ; rédaction de business-plan, étude de faisabilité ; accompagnement des élèves par des coaches d’une pépinière d’entreprises locales. Sauf pour les écoles d’ingénieurs, la prise de risque ne s’étend pas à des projets d’élaboration de produits ou de services accompagnés par des entreprises (taux de réponse non satisfaisant). Contrairement aux réponses précédentes, les projets de produits et de services semblent être réalisés dès le début de la scolarité (1e et 2e année), toujours en liaison très étroite avec des propositions d’applications émanant d’entreprises. Les élèves ingénieurs doivent au cours de leur cursus mener à bien des projets industriels, informatiques, de recherche, dans lesquels le risque est un élément majeur d’évaluation parce qu’il permet de libérer l’initiative et l’innovation. La difficulté éventuelle du projet sera valorisée dans l’évaluation.

La prise de responsabilité : le lien n’est pas avéré entre création d’entreprise et responsabilité.
En effet, les pratiques de prise de responsabilité correspondent en général aux activités associatives internes : Junior entreprise, Bureau des élèves, organisation de galas. Dans certains établissements cette prise de responsabilité est obligatoire dans le cursus et prise en compte dans l’évaluation. Les élèves sont responsables des projets de recherche qui répondent à des partenariats contractuels avec les entreprises et sont les interlocuteurs des commanditaires. Ils soutiennent leur mémoire devant un jury composé de chercheurs et des commanditaires.

La prise de risque s’effectue au niveau du master
La première étape se traduit par le choix d’un thème, d’un titre, de la méthodologie ou d’un stage de recherche. Cette démarche peut être stimulée par une mission de recherche de plusieurs mois à l’étranger sur des sujets nouveaux, dans un environnement inconnu, culturellement différent et dans une langue différente. Prendre un risque contribuerait à gagner confiance en soi. Il convient toutefois de trouver entre les différentes formes de tutorat un équilibre permettant l’expression individuelle et l’initiative de chaque élève. Cette question ouverte permet de faire état des types de prise de risque ; beaucoup d’activités associatives, en lien avec l’entreprise ou avec le travail en équipe, sont encouragées : de la junior initiative à l’organisation d’évènements en passant par des partenariats avec les doctoriales ou encore le rapprochement avec les entreprises au travers de concours organisés par des sponsors (parfois un projet industriel de six mois ayant un lien effectif avec un industriel client). Le principe du dépassement de soi fait partie de la formation mais l’école doit fournir un accompagnement encourageant la prise de risque ou en la limitant en fonction de la situation de l’élève par rapport à l’obtention du diplôme, à ses capacités, aux ressources.

Cet item permet de savoir si les écoles ont une propension à accepter l’erreur ou l’échec dans la prise de risque. 47 % des écoles répondent par l’affirmative et précisent qu’elles aident l’élève à surmonter l’échec. Néanmoins celui-ci est généralement évalué de manière classique (par un système de notation). Notons que le terme « tutorat » n’apparaît pas dans les réponses alors qu’il était mentionné dans l’item « prise de risque par une activité de recherche ». Ainsi, l’échec ou l’erreur ne semblent pas liés à une prise de risque extérieure à la pédagogie. Mais les écoles sont prolixes dans la description des moyens qui leur paraissent adaptés pour traiter l’échec au cours de la scolarité. Exemples : Retex (retour d’expérience), analyse des causes par entretien personnalisé, narration de processus grâce à un journal, évaluation et auto-évaluation par un groupe. Seul un répondant lie erreur et construction des connaissances (recherche). Bien souvent les écoles disent évaluer avant tout la qualité de la gestion et de l’animation du travail en équipe, et, en cas d’échec, la capacité de prise de recul et la richesse de la réflexion afin d’en identifier les causes. Un projet peut ne pas aboutir mais cela doit être complètement justifié et analysé par les étudiants en liaison avec l’enseignant-chercheur qui encadre leur projet. Dans l’apprentissage par projet, adopté en 1e année, l’erreur joue un rôle essentiel dans la construction des connaissances.

L’autonomie accordée aux élèves
La grande majorité des écoles considèrent qu’elles offrent des outils pédagogiques propices à développer l’autonomie : PBL (ou apprentissage par résolution de problèmes), résolution de conflits et gestion de crises, gestion de projet (personnels ou multiples), projet d’acquisition de savoir être et de construction de soi, auto-apprentissage des langues vivantes, entrepreneurait (une seule mention). Une seule réponse relie autonomie et recherche à travers la recherche documentaire. La plupart des réponses soulignent que les élèves acquièrent une meilleure maîtrise de leur parcours par un choix à la carte : un choix progressif est proposé au fur et à mesure de la scolarité ; la co-construction avec l’encadrement (tuteur, direction des études, enseignants) est largement pratiquée.

Il ressort que plusieurs facteurs favorisent l’intégration de la recherche dans la pédagogie : la culture du doute, l’attitude critique face au savoir, la capacité permanente d’évaluation et d’auto-évaluation, une grande capacité à problématiser, l’autonomie, la prise de risque, la curiosité intellectuelle, la ténacité et la rigueur. Ce chantier englobe également la question du développement de compétences et d’attitudes entrepreneuriales au cours de la formation car il semble que la création d’entreprise favorise l’autonomie, la prise de risque et la capacité d’auto-évaluation. L’appropriation de la recherche dans l’ingénierie pédagogique reste néanmoins très inégale selon les écoles considérées, elle s’insère aussi de manière plus ou moins tardive dans le cursus de formation.

Maria Bonnafous-Boucher
Directeur de la Recherche, NOVANCIA
Co-directeur scientifique de la Chaire de recherche en entrepreneuriat et innovation de la CCIP

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