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Technologies et usages : considérer l’usage comme déterminant de la valeur d’une innovation

La technologie, au sens étymologique, est le discours sur la technique ; par discours, on…
Publié le 22 juin 2014
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La technologie, au sens étymologique, est le discours sur la technique ; par discours, on doit bien sûr inclure tout ce que l’on écrit, depuis que ce mode de transmission s’est ajouté à la tradition orale en vigueur depuis nos ancêtres de Cro-Magnon ou Neandertal.

L’usage de la technologie, c’est donc ce qu’on fait avec ce qu’on a dit. Il est toujours réjouissant de constater que l’être humain, depuis sa prime jeunesse, ne réagit pas de façon conforme aux injonctions des entreprises, mais dispose d’une capacité de détournement, elle-même génératrice d’innovation. Rappelons-nous que le téléphone fut inventé pour transmettre des opéras en province ; Dans les années 80, les fabricants d’ordinateurs personnels, étonnés de vendre autant d’objets chers et peu utiles, ont mandatés des hommes de marketing pour comprendre ce que les clients faisaient avec leurs PC. Le résultat, c’est-à-dire que la majorité des gens jouaient, aurait valu le renvoi à tout commercial, s’il n’était pas issu d’une étude d’usage réel. La taille du marché du jeu a depuis dépassé celle du marché de l’acier. Depuis l’aventure de la physique nucléaire et la technologie de son utilisation, le débat invention-utilisation a atteint un niveau de gravité maximal : guérir des maladies, produire de l’énergie, avoir les bombes les plus puissantes.

Il est donc capital que nous comprenions l’usage qui peut être fait des technologies que nous développons ; pour en assurer le succès, en éviter le détournement. Il me semble que cette question est fortement liée à d’autres. Le développement économique du monde, de la démocratie, sont notamment liées à l’accroissement formidable de l’imprimerie, et aussi du nombre d’humains capables de lire et d’écrire. Si nous voulons que les développements technologiques à venir s’inscrivent dans cette dynamique, il faudra que le nombre d’êtres humains capables de programmer, de comprendre le monde qui les entoure, soit lui aussi en croissance. L’éducation de base doit prendre en compte une éducation à la technologie – informatique, physique, biologie- pour que, comme les leçons de choses d’autrefois, qui donnaient, dans un monde alors rural, une compréhension des phénomènes quotidiens, les jeunes grandissent dans un monde lisible et familier.

Au fond, cette obligation de se rapprocher sans cesse des groupes, pour comprendre ce qui leur est utile, adopté, ou pas, nous oblige à considérer l’usage comme déterminant de la valeur d’une innovation, et rend le pouvoir aux consommateurs.
Comprendre les usages – soyons modestes, nous ne les prévoirons pas vraiment- suppose une approche centrée sur les humains : cette empathie fait appel à la psychologie, la philosophie, la sociologie, et il est intéressant de voir que ces disciplines sont de plus en plus convoquées dans les cursus des grandes écoles de la Conférence. C’est à encourager, et c’est constitutif de la formation d’esprits libres et compétents, que nous souhaitons tous.
Quant à l’usage qu’ils feront de leur formation, nous ne le prévoyons donc pas complètement non plus. La surprise fait partie des joies de notre métier.

Gérard Pignault
Président de la Commission recherche et transferts
Directeur CPE Lyon
Ecole Supérieure de Chimie, Physique, Electronique de Lyon

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