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Un moment de transition historique pour l’enseignement supérieur français par Laurent Bigorgne, Directeur de l’Institut Montaigne

Notre économie aura besoin de plus en plus de diplômés de l’enseignement supérieur pour tenir…
Publié le 3 octobre 2016
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Notre économie aura besoin de plus en plus de diplômés de l’enseignement supérieur pour tenir son rang. C’est une bonne nouvelle, car la population française est de mieux en mieux formée. Cela signifie également qu’il faut adapter notre modèle afin de donner au plus grand nombre les moyens de réussir. Dans le même temps, la concurrence universitaire internationale ne cesse de s’accroître. Enfin, des pans entiers de l’économie basculent et des millions d’emplois sont en train d’être transformés. La capacité de notre économie à rester parmi les premières mondiales tiendra beaucoup à celle des Universités à adapter leurs formations.

Face à ces défis inédits, notre enseignement supérieur doit affronter sans détours plusieurs grandes questions.
Contribue-t-il effectivement à l’égalité réelle ? La réponse est non. Certes, les inégalités se créent bien en amont, mais peut-on se contenter de ce constat ? Si nous voulons faire de l’Université une voie d’ascension sociale, il faut repenser notre système. Il faut cesser de croire – et de faire croire – que l’Université gratuite et non sélective permet la réussite de tous. Il faut affirmer le besoin de différenciation, la sélection, l’expérimentation, les pédagogies actives et les projets locaux. Nous devons également repenser l’aide sociale étudiante, en accordant des bourses conséquentes aux étudiants les moins favorisés et les plus méritants.

Avons-nous les moyens de nos ambitions ? Là encore, la réponse est non. La France n’investit pas suffisamment dans l’enseignement supérieur et la recherche. En 2013, notre pays a consacré 1,5 point de PIB à l’enseignement supérieur ; c’est moins que la moyenne des pays de l’OCDE (1,6%), et bien moins que les États-Unis (2,6%), le Canada (2,5%) ou la Corée du Sud (2,3%). Ce sous-investissement est d’autant plus incompréhensible que les travaux des économistes montrent que l’investissement en faveur de l’université et de la recherche a un impact positif majeur sur la croissance.

Notre modèle peut-il soutenir la concurrence internationale ? La réponse est toujours non. Notre système n’est pas aussi attractif qu’il le devrait et ne permet pas d’attirer les universitaires les plus talentueux. Il s’agit là davantage d’une question de moyens de travail que de rémunération.

Pour que notre pays progresse réellement il faut être lucide sur nos faiblesses. 2017 doit permettre l’émergence d’une nouvelle vision et son partage avec l’ensemble de la nation. Il faut promouvoir sans ambiguïté un système d’enseignement supérieur dont des universités autonomes seront le pivot. Sans organiser la domination de ces dernières sur les grandes écoles ou les organismes de recherche, il s’agit de favoriser les collaborations les plus intelligentes et les plus intégrées possibles.

Au-delà des alternances politiques, l’enseignement supérieur a besoin de stabilité dans sa relation avec l’État. Les universités doivent pouvoir jouir d’une véritable autonomie et se voir reconnaître un droit à l’expérimentation. Ces droits nouveaux conduiront à une différenciation plus forte et mieux assumée des établissements. L’excellence ainsi promue est indissociable d’un meilleur accompagnement des étudiants. Les étudiants les plus faibles et les moins préparés devront être aidés, encadrés, soutenus bien davantage qu’ils ne le sont aujourd’hui. Cette équité ne sera possible que par des moyens nouveaux. Là encore, l’État devra assumer son rôle et fixer des priorités budgétaires – l’enseignement supérieur en est assurément une.

Au cœur de la responsabilité des pouvoirs publics, se trouve l’émergence d’une culture de l’évaluation et l’élaboration d’instruments conformes aux meilleurs standards internationaux. C’est la diffusion de cette culture de l’évaluation qui permettra à la Nation de réinvestir en confiance dans ses universités, parce qu’elle saura que son effort financier sera source d’efficacité, de compétitivité et d’une plus grande justice sociale.


Laurent Bigorgne
Directeur
Institut Montaigne

A propos de Laurent Bigorgne

Agrégé d’histoire, Laurent Bigorgne a débuté sa carrière dans l’enseignement. Il a rejoint la direction de Sciences Po en 2000, au sein de laquelle il a notamment exercé les fonctions de directeur des études et de la scolarité puis de directeur adjoint. Il a également passé une année détaché à Londres auprès de la direction de la London School of Economics. Après en avoir pris la direction des études en 2009, il est le directeur de l’Institut Montaigne depuis 2010.

A propos de l’Institut Montaigne

Association à but non lucratif, l’Institut Montaigne est un laboratoire d’idées créé en 2000. Il élabore des propositions concrètes autour de quatre axes de politiques publiques : action publique, cohésion sociale, compétitivité et finances publiques. Adressés aux pouvoirs publics, ses travaux sont le fruit d’une méthode d’analyse et de recherche ouverte sur les comparaisons internationales, rigoureuse et critique. L’Institut Montaigne réunit des chefs d’entreprise, des hauts fonctionnaires, des universitaires et des personnalités issues d’horizons très divers. Ses financements sont exclusivement privés, aucune contribution n’excédant 2 % d’un budget annuel de 3 millions d’euros. À travers ses publications et les événements qu’il organise, l’Institut Montaigne, think tank pionnier en France, souhaite jouer pleinement son rôle d’acteur du débat démocratique.

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