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Une école de pensée à laquelle tous les utilisateurs de téléphones portables doivent avoir accès !

Là où il est question de l’importance des mathématiques et de leur rapport à la…
Publié le 29 juin 2015
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Là où il est question de l’importance des mathématiques et de leur rapport à la réalité, il est difficile en ce moment d’échapper au téléphone mobile brandi d’un air gourmand sur la question « combien de théorèmes de mathématiques dans cet objet ? ». A chaque fois, je regrette que la réponse ne soit pas fournie dans l’exposé qui suit cette entrée en matière. Combien de théorèmes, et comment ils s’appellent. Font-ils partie des théorèmes personnalisés, comme le Pythagore ou le Didon, le Weierstrass ou le Poisson, ont-ils des noms qui racontent des histoires, comme les quatre couleurs, le passage des douanes, la tache d’huile, ou font-ils partie de la nébuleuse des sans-grade, de ceux qu’on cite en « théorème qui dit que » ? N’empêche, les mathématiques sont là, et elles ont contribué à développer cet objet technologique qui révolutionne les codes sociétaux.

Alors, populaires, les mathématiques ? D’une certaine manière, oui. Elles font parler d’elles dans la sphère publique. Quelquefois pour tuer le débat. « C’est mathématique ! » est un argument imparable. Que dire contre « 2 et 2 font 4 » ? Elles font aussi parfois des coupables idéales. La crise financière de 2008 et ses répliques leur ont largement été attribuées. Les marchés rendus fous par des algorithmes mathématiques, le message était calibré pour percuter l’opinion. Il occultait pourtant l’essentiel : les mathématiques n’étaient de la fête qu’à travers des modèles, et les modèles, pour être utilisables de façon prédictive, ont besoin de conditions favorables. Le modèle de Black-Scholes comme les autres. En 2008, les conditions finirent par ne plus être favorables. Et les utilisateurs imaginèrent pouvoir sortir du domaine de validité du modèle. Et ça, les mathématiques n’aiment pas du tout : « cela reste malgré tout un micro-modèle, un peu comme si l’on suivait une seule particule de l’atmosphère sans s’occuper des interactions avec la multitude de ses semblables »1 . On connaît la suite.

Au passage, on a noté que l’image choisie par le mathématicien Olivier Pironneau pour montrer le caractère hasardeux de l’entreprise était prise dans le monde physique, la particule étant jugée plus concrète que le cours d’un produit financier. Mais la particule elle-même est un modèle, une équation, et elle ne doit son image de concret qu’au malentendu entretenu par l’utilisation du modèle planétaire de l’atome. On cherche le réel, on trouve le modèle !

Or, pour que s’exprime vraiment la puissance des mathématiques, il faut dépasser le modèle. Pour éviter de déclencher la crise de 2008, il aurait fallu interroger les mathématiques sur la validité du modèle et s’arrêter avant le franchissement de la ligne rouge. Ce recul et cette réflexion sur les outils et les techniques font partie du bagage mathématique et doivent être développés très tôt dans la formation. A l’heure du plan Stratégie Mathématiques, il faut espérer qu’ils feront partie des objectifs recherchés. Les raisonnements mathématiques élémentaires tels qu’on peut les enseigner au collège, voire plus tôt, sont une école de pensée à laquelle tous les utilisateurs de téléphones portables doivent avoir accès !


Sylvie Bonnet
Présidente de l’UPS

1« Les mathématiques sont-elles responsables de la crise ? », Olivier Pironneau, le Figaro, 21/12/2012

 

A propos de Sylvie Bonnet

Sylvie Bonnet est professeur de mathématiques en classes préparatoires, actuellement en PC* au lycée Victor Hugo de Besançon. Depuis avril 2013, elle est présidente de l’UPS, première femme élue à cette fonction. Depuis juin 2013, elle est membre du CA de la CGE, où elle représente les différentes associations de professeurs de classes préparatoires regroupées en Conférence des classes préparatoires.

A propos de l’UPS

L’Union des Professeurs de classes préparatoires Scientifiques (UPS, anciennement l’Union des Professeurs de Spéciales) est une association « loi de 1901 » créée en 1927. Elle regroupe actuellement 2800 membres, soit la quasi-totalité (plus de 90%) des professeurs de mathématiques, informatique et physique chimie des classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques. L’UPS milite pour une CPGE scientifique pleinement inscrite dans le paysage de l’enseignement supérieur, premier cycle des écoles d’ingénieurs, écoles normales supérieures et magistères universitaires qui recrutent en leur sein.

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