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Une urgence stratégique : élargir la diffusion de l’intelligence économique

L’intelligence économique est habituellement définie comme la gestion stratégique de l’information économique. Mais au-delà de…
Publié le 22 octobre 2013
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L’intelligence économique est habituellement définie comme la gestion stratégique de l’information économique. Mais au-delà de l’information nécessaire ou pertinente, ce sont les connaissances stratégiques qui permettent d’améliorer la compétitivité des entreprises ou des territoires, ainsi que leur potentiel d’innovation, et de se préserver de multiples risques et menaces. C’est encore la détention et l’élaboration de connaissances pertinentes qui peuvent leur permettre de mieux anticiper les évolutions de l’environnement, notamment les mutations économiques sectorielles, localisées ou globales. Ces connaissances peuvent être techniques mais toutes les connaissances stratégiques ne le sont pas. Beaucoup d’autres connaissances revêtent aujourd’hui une importance vitale pour l’activité quotidienne de l’entreprise comme pour lui permettre de faire face aux crises de tous ordres qui l’affectent. On peut citer quelques exemples : la géopolitique des matières premières (le marché du coton peut être vital pour une PMI) ; des particularités culturelles dans la manière de concevoir un raisonnement stratégique (déchiffrer la réalité des intentions et objectifs de divers acteurs économiques à l’international) ; les bases psychologiques des procédés d’influence (convaincre les membres d’une instance où s’élaborent des normes techniques, juridiques ou sanitaires pouvant être favorables ou nuisibles à l’activité).

La gestion stratégique de l’information est donc le fil conducteur de l’intelligence économique et stratégique, fil conducteur qui mène entreprises et territoires de l’élaboration continue des connaissances stratégiques à l’action (décision) et, autant que possible, à l’anticipation. Pourtant, l’intelligence économique reste mal connue, insuffisamment diffusée et parfois caricaturée.

L’un des problèmes cruciaux qui se pose désormais à l’intelligence économique, tant en termes de diffusion que de renouvellement, est donc celui de la formation : une formation professionnelle de qualité et évolutive, pour suivre les mutations émergentes et le renouvellement des idées.

Pourquoi se former à l’intelligence économique et stratégique?
La globalisation génère toujours plus de compétition et de pratiques agressives, de risques et d’incertitudes de tous ordres (économique, financier, politique, commercial, écologique, social, culturel, etc.). Cette conflictualité, latente ou manifeste, est le fait d’entreprises mais aussi de certains États et de multiples autres organisations, y compris criminelles. Face à ces évolutions du contexte des affaires et du développement économique, l’intelligence économique et stratégique représente une solution de protection et d’anticipation ainsi que l’opportunité de ne plus subir les changements et les crises mais d’y faire face avec intelligence, sinon d’en tirer parti. Ses modes d’analyse de l’environnement et ses manières d’élaborer les décisions puis de les mettre en œuvre offrent aux entreprises comme aux territoires les moyens de sécuriser leur développement, leurs projets et leurs stratégies. Ils permettent aussi de détecter ou de favoriser les opportunités servant leurs objectifs.

Au-delà des solutions immédiates, nécessaires et utiles, c’est la capacité de chaque organisation – entreprise ou territoire – à produire ou acquérir, puis à utiliser des connaissances extrêmement diversifiées qui lui procure une sureté accrue dans son développement économique et dans la réalisation de ses projets stratégiques. Un même projet, une même crise peuvent mêler des facteurs économiques, managériaux, culturels, politiques, technologiques, psychologiques et/ou géopolitiques. La faculté à les identifier et à les articuler, à hiérarchiser les facteurs dans chaque cas, à en comprendre aussi la dynamique d’ensemble, apporte à l’entreprise ou au territoire concerné une sureté accrue de ses décisions, sureté dont de moins en moins d’organisations peuvent faire l’économie. La globalisation produit un monde complexe à tous points de vue. Comment se déployer dans ce monde sans tenir compte de cette complexité toujours plus grande ? L’intelligence économique et stratégique propose un changement d’attitude individuel et organisationnel qui passe par un nouveau rapport, notamment, à l’information et à la connaissance, à leur protection comme à leur production et à leur valorisation. C’est aussi une remise en cause de multiples cadres et de routines car l’entreprise, comme tous les acteurs économiques, doit développer de nouvelles capacités et de nouvelles compétences (organiser son influence, assurer le contrôle des informations stratégiques, évaluer les ressources locales non mobilisées, améliorer l’appréhension des aspects interculturels dans le déploiement international, être consciente du poids des rapports de force géoéconomique dans l’évolution de son activité, etc.).

Les plus concernées sont certainement les petites organisations (PME-PMI) dans la mesure où la pertinence de l’allocation des ressources comme de leurs décisions engage plus vite et plus souvent leur survie. Cependant, de nombreux événements récents, médiatiques pour certains, peu connus pour d’autres, montrent que les grands groupes aussi ont tout intérêt à se saisir des méthodes et démarches de l’intelligence économique et stratégique, car les grands groupes aussi peuvent disparaître parfois…

Pour répondre à ces problématiques, l’ENSICAEN et l’EM Normandie se sont alliées pour proposer avec leur partenaire académique, l’Université de Caen Basse-Normandie, deux outils :

  • le Campus Intelligence économique de Basse-Normandie (Campus IE BN),
  • le premier BADGE Intelligence économique & stratégique (le « Bilan d’Aptitude Délivré par les Grandes Écoles » est une marque déposée de la Conférence des grandes écoles).

Pourquoi le campusIntelligence économique de Basse-Normandie ?
Ce campus est une traduction des politiques nationale et régionale d’intelligence économique, dont l’objectif central est l’amélioration de la compétitivité des entreprises comme des territoires, de leur sécurité économique et de leur potentiel d’innovation. Dans le cadre bas-normand, le Campus IE BN est né de l’impulsion du Secrétariat permanent à l’intelligence économique et, grâce à son soutien, est cofinancé par le conseil régional de Basse-Normandie, l’État et les fonds FEDER.

Les acteurs publics et privés exigent et exigeront de plus en plus de leurs parties prenantes la preuve qu’elles ont la capacité à protéger et à optimiser leur potentiel d’innovation et leurs facteurs de compétitivité, en ne négligeant aucune dimension, aucune échelle, aucun acteur. Ce processus s’observe de manière déjà bien visible au sein des pôles de compétitivité et est une manière de maîtriser la complexité croissante des environnements d’affaire.

Parmi les lignes directrices de ces politiques, la convergence privé-public a une importance particulière. Pour la favoriser, l’acquisition d’une culture commune semble indispensable. L’intelligence économique et stratégique peut être cette culture commune en permettant à chacun de mieux cerner les intérêts communs ou convergents, mais aussi en permettant à tous d’acquérir une même conscience des enjeux que sont aujourd’hui la compétitivité et la capacité d’innovation du tissu économique et des territoires. Tout cela impose une culture de la coopération privé-public.

Par ailleurs, le Campus IE BN est une innovation territoriale dans le sens où c’est le premier outil de ce type construit et expérimenté à un échelon régional. Il s’agit d’inventer un modèle territorial et territorialisé de formation et d’expertise en IE, complémentaire des outils nationaux mais rapproché des multiples réalités économiques locales. L’enjeu, ce sont nos PME/PMI/TPE innovantes, qui sont les gisements d’innovation, de compétitivité et d’emploi de demain. Il faut être au plus près pour les rencontrer, les sensibiliser, les appuyer, les accompagner et plus largement collaborer avec elles pour exploiter toutes les ressources de leurs territoires.

Enfin, le Campus IE BN est en phase avec les nouvelles lignes directrices définies pour l’action de la Déléguée interministérielle à l’intelligence économique, Mme Claude Revel. Le Campus IE BN s’efforce ainsi d’être en région le lieu de rencontre et de convergence des forces qui assurent et assureront la protection et le renforcement du potentiel économique du territoire. Il est en soi un outil expérimental.

Le BADGE « Intelligence économique et stratégique »
Le « bras armé » de cette politique est la mise au point d’une offre de formation dont le cœur est le BADGE IE&S et dont le référentiel a été validé par plusieurs experts reconnus, dont notamment les président d’honneur et vice-président d’honneur du Campus IE BN, Messieurs Rémy Pautrat (préfet honoraire, un des principaux initiateurs de l’IE en France) et Philippe Clerc (CCI France).

Le BADGE IE&S consiste en un ensemble de dix séminaires à réaliser dans un délai maximal de 24 mois. Ces séminaires couvrent les thématiques classiques de l’IE plus des thématiques émergentes qu’il faut aujourd’hui couvrir :

  • Information et connaissances Protection du patrimoine immatériel & sécurité économique
  • Identification, collecte et traitement de l’information stratégique
  • Acteurs Intelligence économique et développement territorial
  • Lobbying, influence et contre-influence
  • Stratégies et tactiques Management & stratégie
  • Mettre en place un projet d’IE pour son entreprise ou une collectivité
  • Gérer une crise
  • International Géo-économie et guerre économique
  • L’Intelligence culturelle comme avantage compétitif
  • Les dispositifs d’IE dans le monde et leurs conséquences sur le déploiement à l’international.

En conclusion, la formation est un enjeu-clé de la diffusion des outils, méthodes et idées de l’IE. Elle seule peut permettre de créer un cadre culturel collectif propre à changer notre rapport au monde et au fait historique majeur de la fin du XXème siècle : la globalisation économique. Il ne s’agit ni de l’adopter, ni de l’encenser, ni de la diaboliser, mais de prendre acte de nouvelles donnes géoéconomiques et de définir ce que nous voulons devenir dans ce monde transformé.

Ludovic JEANNE et Sylvain ANGER-VALOGNES

 

Ludovic JEANNE et Sylvain ANGER-VALOGNES
Ludovic JEANNE
Docteur en Géographie de l’Université de Caen Basse-Normandie. Après avoir enseigné dans plusieurs composantes de cette Université, dont son IAE, il intègre le groupe industriel CPC comme responsable commercial sur l’un de ses sites spécialisés (impression en héliogravure pour le packaging). En 2007, il rejoint l’EM Normandie en tant que professeur de Management interculturel. Il est rattaché, depuis 2011, à l’Institut du Développement Territorial, composante de l’EM Normandie, au sein de laquelle il enseigne la Stratégie du Développement Territorial. Il est également chargé de mission intelligence économique territoriale et coordinateur du Campus IE Basse-Normandie avec son homologue Sylvain ANGER-VALOGNES de l’ENSICAEN.

Sylvain ANGER-VALOGNES
Après de nombreuses expériences professionnelles en informatique dans l’industrie et plus particulièrement dans les secteurs nucléaire et Telecom, il obtient un Mastère Spécialisé de la Conférence des Grandes Ecoles en Intelligence Economique.
A la suite de cela, Il rejoint l’ENSICAEN et prend en charge, au sein du Pôle ATEN (partenariat entre l’ENSICAEN et la Chambre régionale des Métiers et de l’artisanat), l’accompagnement des entreprises artisanales dans leurs démarches d’innovation dans le domaine des technologies numériques. Il devient ensuite chargé de mission Intelligence Economique et prend la responsabilité pédagogique du Mastère Spécialisé Traitement Décisionnel de l’Information appliqué à l’IE. Membre de la commission de normalisation AFNOR du management de l’innovation et expert du groupe de travail management de l’intelligence stratégique, il est missionné par l’ENSICAEN pour enseigner sur ses champs d’expertise et mener les projets relevant des problématiques d’Intelligence Economique. Parmi eux figure notamment la mise en place du Campus IE BN en collaboration avec Ludovic Jeanne, son homologue de l’’EM de Normandie.

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