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Vers un ingénieur européen ? par le Professeur Bernard Remaud, Président de la CTI (2006-2012)

Depuis les années 2000, le processus de Bologne a eu un impact certain sur l’enseignement…
Publié le 22 février 2016
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Depuis les années 2000, le processus de Bologne a eu un impact certain sur l’enseignement supérieur français et européen.
La face la plus connue de ce processus est l’harmonisation des cycles d’études (LMD) et de systèmes de crédits (ECTS) pour favoriser la mobilité des étudiants. Dans le grand public, on connait moins la mise en place de l’approche compétences : conception et caractérisation des programmes par leurs objectifs d’apprentissage et non par les contenus, et les systèmes d’assurance qualité, pour assurer que les objectifs visés sont effectivement atteints. La récente version des « European Standards and Guidelines (ESG-2015) » est le document le plus abouti sur le sujet.

L’ensemble (l’Espace Européen de l’Enseignement Supérieur) s’il est encore loin d’avoir atteint les objectifs des fondateurs, fournit néanmoins un cadre cohérent aux établissements et aux instances qui les évaluent. Mais il ne dit rien sur les profils de formation visés. Ceci est particulièrement sensible pour les formations en lien direct avec l’accès à une profession, comme les diplômes d’ingénieurs, d’architectes, médecins, etc…

Dans un rapport récent, l’OCDE notait que, malgré la très grande diversité des systèmes éducatifs et des réglementations professionnelles, “ à l’échelle mondiale, il y a un large consensus sur ce qu’un ingénieur est supposé savoir et être capable de faire ».
Cette convergence liée à la globalisation de l’économie … et de l’enseignement supérieur, se traduit par la mise en place de standards et de procédures, de plus en plus largement admises.

Aussi, en parallèle avec le processus général de Bologne, les représentants académiques et professionnels des ingénieurs établissaient les bases du profil des ingénieurs diplômés dans les principaux pays industriels européens (projet ESOEPE, the “European Standing Observatory for the Engineering Profession and Education”). Ce travail, financé par la Commission Européenne, aboutit en 2006 à la création de ENAEE (European Network for Accreditation of Engineeering Education) .

Au sein d’ENAEE, les organisations professionnelles d’ingénieur, les organisations universitaires et les agences d’accréditation élaborent les standards EUR-ACE (procédures et connaissances/compétences des diplômés) communs aux formations d’ingénieurs en Europe (et au-delà). Les programmes de formation qui satisfont ces standards se voient délivrer le label de qualité EUR-ACE par les agences habilitées. Deux labels sont délivrés selon le niveau de qualification : « Bachelor » et « Master ».

En 2016, 15 agences de l’espace européen – dont la Commission des Titres d’ingénieur (CTI) -opèrent dans une vingtaine de pays ; 2500 programmes ont été labellisés. Elles ont signé en Novembre 2014, l’accord EUR-ACE de reconnaissance mutuelle de leurs programmes labellisés.

Le label EUR-ACE n’est pas un label d’excellence, mais un label de qualité, qui ne se réduit pas au plus petit commun dénominateur des exigences nationales ; les standards EUR-ACE définissent les connaissances et compétences pré-requises pour l’exercice de la profession d’ingénieur ; ils ont eu un profond impact, par exemple pour le développement des « soft skills » dans les pays qui n’avaient qu’une approche technicienne de la profession d’ingénieur.

L’«autre » système de référence à l’échelle mondiale pour les ingénieurs est « l’Accord de Washington », antérieur à ENAEE, qui définit les critères d’accréditation pour les formations d’ingénieurs sur le modèle anglo-saxon (la norme étant le Bachelor en 4 ans). L’accord de Washington fait partie de l’International Engineering Alliance (IEA) qui gère d’autres accords de reconnaissance mutuelle pour les assistants ingénieurs et les techniciens dans une vingtaine de pays.

Les 2 systèmes (ENAEE, IEA) ont entamé un travail pour comparer leurs standards et viser un cadre homogène (pas unique) de certification pré-professionnelle des ingénieurs, valable à l’échelle globale.

Une première étape a été franchie par l’approbation (Istanbul Juin 2015) d‘un document conjoint sur les processus qualité (pour les établissements et les agences). Le travail est en cours pour élaborer un document commun sur les résultats d’apprentissage visés (« learning outcomes » pour ENAEE, « graduate attributes » pour IEA).
Ainsi se dessine une convergence globale, au-delà des diversités nationales et continentales, vers un cadre commun pour les capacités et compétences requises pour l’exercice de la profession d’ingénieur et pour les processus nécessaires à leur acquisition par tous les diplômés.

Revenant à la France, la CTI est un « bon » élève en termes de labels décernés et de satisfaction des critères internationaux. Les écoles françaises se distinguent par leurs stages industriels obligatoires, leurs exigences de mobilité internationale et leur haut niveau de formation aux « soft skills ». Nulle part au monde, on peut faire état de 15% de diplômés ingénieurs par l’apprentissage (inclus dans le cursus académique).

La France se distingue aussi, par l’absence de diplômes d’ingénieur labellisés au niveau Bachelor. Cette situation pourrait évoluer, car une partie des licences professionnelles sont éligibles au label EUR-ACE Bachelor (certaines n’ont pas le niveau scientifique requis).
Enfin et surtout, les nouvelles filières « Bachelor » qui se mettent en place (au sein de la CGE et de la CDEFI), pour faire bénéficier les jeunes issus des formations professionnelles des environnements des écoles d’ingénieurs, ont tout intérêt à s’inscrire dans le cadre EUR-ACE, qui leur donnerait immédiatement une visibilité et une reconnaissance internationale.

1www.oecd-ilibrary.org, mots-clés Tuning-Ahelo
2 http://www.enaee.eu/
3EUR-ACE Framework Standard and Guidelines (2015), www.enaee.org

4www.ieagreements.org/
5“Best practice in Engineering Accreditation » (IEA/ENAEE 2015), disponible sur www.eur-ace.org

 


Bernard Remaud (bjremaud@gmail.com)
Président de la CTI (2006-2012)
Président de ENAEE

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