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Pour vraiment inclure les femmes dans l’entreprise, arrêtons d’opposer masculin et féminin

Il ne se passe pas un jour sans qu’il n’y ait pas un plaidoyer pour…
Publié le 26 septembre 2019
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Il ne se passe pas un jour sans qu’il n’y ait pas un plaidoyer pour plus de femmes dans les entreprises, ceci malgré l’instauration de quotas, de débats, de prix… Et si on reposait la question de l’égalité femmes – hommes autrement pour mieux y répondre ?

 

L’égalité femmes et hommes en économie : Les initiatives actuelles ne sont VRAIMENT pas concluantes

Le 17 septembre dernier, le journal Le Monde titrait « Égalité Salariale hommes – femmes : « il y a un travail énorme à accomplir ». Et le journaliste de reprendre le constat formulé par Murielle Pénicaud, selon lequel seules 3,5% des entreprises de plus de 250 personnes ont réellement publié les réponses au questionnaire sur les actions qu’elles mènent et leurs résultats en matière d’égalité femmes – hommes. La réponse est cependant sensée être obligatoire car régie par la loi « avenir professionnel », votée le 5 septembre… Le plus compliqué est que parmi ces 3,5% de répondants, aucune entreprise n’obtient la note de 10/10, sensée attester l’existence d’une égalité de traitement entre femmes et hommes… à commencer par les écarts de salaire à poste égal puisque ce dernier est évalué à 22,4%.

Ces résultats peuvent sembler décourageants, surtout au regard des investissements réalisés pour promouvoir une meilleure place des femmes dans l’économie qu’il s’agisse des aides à la création d’entreprises ou encore des actions de stimulation de certains comportements de femme par la création de Role Models, la remise de trophée pour mieux mettre en valeur les réussites féminines, les associations Women@ pour résoudre des enjeux pratiques au sein des entreprises ou encore des formations pour aider les femmes à prendre mieux confiance en elles, à oser…

 

L’essence de la femme n’existe pas, pas plus que celui de l’homme : a quoi bon les opposer ?

Toutes ces solutions reposent sur deux postulats. Le premier repose sur l’idée que le fait d’être biologiquement de sexe féminin induirait un comportement social qui serait le même en toute circonstance : un manque de confiance en soi, un phénomène d’auto-censure, une difficulté à aussi bien négocier que l’homologue masculin, une appétence marquée pour l’autre (puisque, après tout, les femmes donnent naissance donc elles ont ce don quasi inné pour s’intéresser à l’autre)… Bien évidemment, le trait est caricatural mais les propos laissent penser que l’essence de la femme existerait. Le second postulat reposerait sur l’existence d’une opposition marquée avec le masculin, qui posséderait le pouvoir dans l’entreprise et serait peu enclin à le partager, ou peu conscient des apports du féminin.

Dès lors, à l’instar de résultats d’innombrables études, l’enjeu est de montrer que les femmes, de par leur éducation différente, apportent un regard inédit, très enclin à générer des innovations de rupture, tant importantes pour les entreprises et leur croissance. Leur goût inné de l’attention qu’elles portent aux autres apportent ce qui manque aux entreprises gérées par tant d’hommes : un manque d’adhésion aux nouvelles stratégies, un manque d’échange…

Au-delà de ces plaidoyers, il ne faudrait pas oublier que ces travers que l’on attribue classiquement aux hommes est peut-être tout aussi faux que le portrait robot de la femme dans l’entreprise.

 

Et si on pensait féminin – masculin comme un continuum au lieu d’une opposition ?

C’est du moins ce que prônait Michel Foucault. Certes, ce dernier a toujours refusé de travailler sur la question des femmes et des hommes, ce que les féministes de son temps lui ont souvent reproché, laissant à Judith Butler le soin d’élaborer une réflexion sur le sujet.

Quoi qu’il en soit, l’idée reste invariable : au-delà de l’aspect biologique indéniable, il y a en chaque être une part de masculinité et une part de féminité. L’intérêt pour l’autre n’est pas une qualité exclusive à une femme tout comme la volonté de « puissance » la caractéristique de l’homme.

Peut-être que certaines femmes qui réussissent dans l’entreprise adoptent – ou ont en elles-mêmes une forte part de ce que nous considérons comme des qualités masculines tout comme certains hommes, qui sont moins dotées de ces qualités, échoueaient à atteindre les plus hautes fonctions de l’entreprise…

 

Et si on repensait les valeurs du leader dans l’organisation ?

Accepter cette autre conception du féminin et du masculin dans l’entreprise revient non plus à penser le débat sur comment rendre les femmes égales aux hommes mais sur comment changer l’image du leader dans l’entreprise, laquelle est trop calquée sur une image, certes tenue par un homme, mais qui consiste à décider rapidement, de manière incisive, à chercher la croissance la plus rapide, à (presque) tout prix, à sélectionner uniquement les opinions incisives.

Ce n’est qu’à ce prix de la remise en cause d’un modèle de leadership que l’on pourra penser la vraie inclusion des femmes dans l’entreprise.

 

Séverine Le Loarne-Lemaire,
professeur à Grenoble École de Management

 

A propos de Séverine Le Loarne-Lemaire

Séverine Le Loarne-Lemaire est professeur à Grenoble École de Management. Son expertise a trait à la place de la femme dans la construction de la stratégie des entreprises et, plus généralement, à l’entrepreneuriat féminin. Elle a fondé en 2016 la chaire de recherche « Femmes et Renouveau Economique », sous l’égide de la Fondation de France, qui mesure l’évolution de la place de la femme dans l’économie de 8 pays (France, US, Pakistan) au travers d’un observatoire monté avec « Bouge ta Boite » et un incubateur d’entrepreneuriat féminin dans les territoires ruraux et isolés, créé avec les Premières AURA. En complément de ces actions, elle co-supervise l’observatoire du sexisme à Grenoble Ecole de Management (4ème édition). Elle est l’auteur de différents ouvrages (« Histoires d’innovation », « Femmes et Entrepreneurs, c’est possible, Ed. Pearson), Chroniqueuse (« Les entrepreneuriales », The Conversation.fr) ainsi que de nombreux articles scientifiques en entrepreneuriat féminin.

 

A propos de Grenoble École de Management (GEM)

Grenoble École de Management (GEM) est une grande école de commerce française reconnue par l’État, créée en 1984 à Grenoble, en région Auvergne-Rhône-Alpes et membre de la Conférence des Grandes Ecoles.

L’école propose différentes formations au management et à l’entrepreneuriat : cursus classique sur concours (appelé cursus «Grande école») débouchant sur un diplôme visé par l’État conférant le grade master ou des mastères spécialisésMBA, « Executive MBA » et formations professionnelles certifiantes (CESA). Elle possède une triple accréditation : AACSB, EQUIS et AMBA.

Au-delà de la proposition de formations « généralistes », GEM se positionne comme une école dont la mission est le développement de l’économique pour le bien être de la Société (« School for Business For Society »). A cet égard, elle a créé le Festival de Géopolitique mais aussi le Trophée de la Paix Economique qui récompense chaque année les entreprises qui expérimentent des changements contribuant à une révolution positive : épanouissement des personnes, style de management, intégration et dialogue avec les parties prenantes…

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