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Entretien avec Jacques Benoit, entrepreneur autodidacte…

Jacques Benoit né en 1943, autodidacte de formation, a été chef d’entreprise pendant 30 ans.…
Publié le 3 octobre 2011
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Jacques Benoit né en 1943, autodidacte de formation, a été chef d’entreprise pendant 30 ans. En 1970 il crée « Jacques Benoit SA » spécialisée dans l’importation, le traitement, le conditionnement et la commercialisation de graines salées, fruits secs et pop-corn. Cette entreprise employait 160 personnes, était parmi les plus importantes du secteur et avait pour clientèle toute la grande distribution. Ses produits étaient vendus sous la marque Benoit ou à marque distributeur. Son chiffre d’affaires s’élevait à 40 millions d’euros. Son originalité sociale la rendait très médiatique puisque pendant plus de 20 ans Jacques Benoit a été noté et élu par ses salariés.

En 1997, suite à des difficultés économiques, cette société a fait l’objet d’un reportage très remarqué dans l’émission « Capital » : « Adieu Patron ». Depuis le début de 1998, après avoir quitté l’entreprise, Jacques Benoit fait des conférences à tous publics, intervient dans les écoles d’ingénieurs et de commerce. Il est également conseil en entreprise sur l’éthique et le développement durable.

Il est l’auteur de cinq livres :
L’entreprise démocratique, avec Damien Yurkievich aux Éditions Chroniques Sociales en 1994
Graine d’Éthique aux Presses de la Renaissance en 2000
Pédagogie de l’Éthique aux Éditions EMS en 2005 qui a reçu le 27 novembre 2006 le Prix spécial du Jury du 12ème Prix Rotary du livre d’entreprise 2006
50 idées pour refonder le capitalisme à la Société des Écrivains en 2010
et en 2009 crée son blog…

Il édite régulièrement Le livret blanc de l’éthique (7ème édition en 2010) qu’il remet gracieusement à l’issue de toutes ses interventions et à la disposition de tous ceux qui le lui demande par mail…

 

CGE : Vous êtes particulièrement connu pour votre parcours de chef d’entreprise et pour la place que vous avez toujours donnée aux salariés en les considérant avant tout comme des citoyens économiques. C’est ainsi que vous êtes le premier patron à avoir été réélu démocratiquement chaque année par vos salariés et qu’encore aujourd’hui nombreux sont les témoignages d’amitié et de soutien qui paraissent sur vos outils de communication. Qu’avez-vous gardé de cette incroyable expérience de manager ? Que pourriez-vous dire aujourd’hui à chacun d’entre eux pour encourager leur carrière ?

J.B. : La leçon que j’ai tirée de cette expérience originale de démocratie dans l’entreprise, c’est qu’au-delà des besoins matériels de salaire, de conditions de travail… les salariés ont un besoin fondamental de reconnaissance qui passe bien sûr par l’information et l’implication. Le salarié d’aujourd’hui n’est plus celui d’hier : il est instruit et est à même de comprendre les problèmes d’entreprise ; dans cette logique il doit aussi être citoyen dans l’entreprise ; cette entreprise dont il tire 90 % de la qualité de sa vie ; cette entreprise dans laquelle il passe la moitié de son temps ; il doit avoir un pouvoir non pas lié à la propriété mais à son travail. Il y a un déséquilibre indécent entre le pouvoir des actionnaires et le pouvoir des salariés qui explique toutes les délocalisations abusives et tous les licenciements abusifs ; c’est par la réforme de l’entreprise que nous refonderons le capitalisme dont tout le monde s’accorde à voir qu’il dérape. A ces jeunes en début de carrière j’ai envie de dire « donnez du sens à votre futur métier ; que vos critères de choix ne soient pas uniquement financiers ou sociaux ; vivez votre métier comme une vocation dans le désir d’être utile et d’apporter aux autres ».

CGE : Les sciences humaines et sociales sont de plus en plus présentes au cœur de la stratégie de développement des entreprises. Quelles sont, selon vous, les pratiques les plus urgentes à généraliser et quels sont les écueils à éviter ?

J.B. : Il y a urgence à instaurer des cours d’éthique dans toutes les grandes écoles et à faire comprendre que l’éthique n’est pas qu’un outil marketing et social mais une démarche de fond dans le souci de donner du sens à son travail et à sa vie : « chacun est seul responsable de tous » disait Antoine de Saint-Exupéry. L’écueil à éviter est « l’éthiquement correct ». L’éthique n’est pas seulement le respect de la loi mais aussi la capacité de se rebeller, d’innover, de prendre conscience que notre monde évolue et que les vérités d’hier ne sont pas celles d’aujourd’hui. Pourrait-on revenir à l’esclavage ? Pourrait-on revenir sur le droit de vote des femmes ? Pourrait-on revenir à la ségrégation comme aux États-Unis d’il y a cinquante ans ? Pourrait-on revenir à l’apartheid ?

CGE : Vous êtes consultant et formateur dans les entreprises, mais également dans les grandes écoles sur l’éthique et le développement durable. Que vous apportent ces interventions ? Comment transmettez-vous votre expérience et votre savoir ?

J.B. : Ces interventions m’apportent le bonheur de transmettre à ceux que je rencontre mon expérience y compris mes échecs et les leçons que j’en ai retirées. Comme je le leur dis souvent : je ne suis pas un professeur mais un témoin ; je dis ce que j’ai vécu, ce que j’ai compris. Je ne me présente pas comme un moraliste ou un donneur de leçons mais montre une direction, celle de l’éthique. J’essaie de faire comprendre que plus on est dans cette direction plus on se donne les moyens de surmonter toutes les difficultés voire les épreuves ou les échecs qui se présenteront à chacun ; que l’éthique est un facteur de performance personnelle et professionnelle et le développement durable tout simplement son application à l’échelle de la planète. Sur le plan pédagogique, je privilégie l’interactivité en alternant témoignages, cas d’école et débats.

CGE : Quels sont vos chevaux de bataille aujourd’hui pour porter la parole d’un grand entrepreneur autodidacte et donner de l’écho à vos principes philosophiques et humains ?

J.B. : Mes chevaux de batailles sont l’éthique et la réforme de l’entreprise. Faire comprendre que l’éthique est une chance pour chacun d’entre nous, pour l’entreprise, pour le capitalisme, pour la planète, pour nos enfants et petits-enfants. La génération actuelle n’a plus le choix : cette chance, elle doit la saisir. Dans cette logique je prône la réforme de l’entreprise en promouvant l’égalité de droits et de devoirs entre ses deux partenaires principaux que sont les actionnaires et les salariés.

Ce sont d’ailleurs les deux thèmes fondamentaux que je développe chaque semaine sur mon blog.

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