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Clara Gaymard, Présidente et CEO de General Electric France, Présidente du Fonds de Dotation RAISE

J’étais ici il y a deux jours à l’occasion de la réunion des anciens de…
Publié le 22 janvier 2016
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J’étais ici il y a deux jours à l’occasion de la réunion des anciens de l’ESCP. J’ai ainsi pu découvrir le territoire sur lequel a vécu ma fille, ancienne élève, et rencontrer le vivier d’étudiants qui va construire le monde de demain.

Mon intervention peut vous paraître étrange, mais GE a aussi été une start-up, il y a 150 ans. Elle compte aujourd’hui 300.000 employés dans le monde et, par l’acquisition d’Alstom, plus de 120.000 salariés en Europe, dont 15.000 en France. La culture de GE est restée très entrepreneuriale. En 2006, l’activité de l’entreprise était financière à 50% et faisait plus de 50% de son activité aux Etats Unis. Avec l’acquisition d’Alstom, l’entreprise fonctionnera à 60% en dehors des USA et sera à 80% une entreprise digitale industrielle.

Nous avons eu avec Gonzague De Blignieres un coup de colère il y a quelques années en lisant un article de Libération titré «Jeunes de France, barrez vous». Nous nous sommes alors dits que, nous qui avions eu la chance de réussir, ne pouvions pas nous contenter de dire, en tant que privés, que le gouvernement ne faisait pas ce qu’il fallait mais devions retrousser nos manches et aider les jeunes à rester en France et construire leur avenir et celui de ce pays.
Nous avons alors donc commencé comme une start-up et avons décidé de demander aux grandes entreprises françaises, qui sont pour la plupart à 95% à l’international, de rendre à la France le service qu’elle leur avait rendu.

Nous les avons conviés au sein d’une société que dirige aujourd’hui Gonzague De Blignieres et qui investit, en minoritaires, dans ces fameuses entreprises de taille intermédiaire, les plus belles que nous ayons dans ce pays. Nous faisons confiance aux dirigeants. RAISE leur apporte aujourd’hui de 10 à 30 millions d’euros, qui sont des montants qui n’existent plus en France. Il n’y a en effet eu que 180 millions d’euros investis dans le private equity dans ce pays, soit quasiment rien.
L’équipe que nous avons recrutée a accepté d’emblée de donner 50% de son bénéfice à une fondation. J’ai aujourd’hui le plaisir de la présider et je constate que son conseil d’administration ne comprend que des hommes, car tous issus d’entreprises au CAC40, où aucune femme ne siège encore. La fondation a pour vocation d’accompagner les jeunes entrepreneurs, pas au moment de leur amorçage comme le font déjà les grandes écoles, mais dans le temps d’après, à deux ou trois ans d’âge, dans ce que nous appelons le tunnel de la mort, car 50% des entreprises françaises disparaissent à cette étape. Je préfère appeler ces entreprises des bébés africains. Elles n’ont que deux ans d’âge et nous leur demandons de se comporter comme des adultes.

Si vous avez chez vous des PEPITE qui ont envie de nous voir et de participer à nos conférences, nous associons systématiquement un patron de grand groupe et une jeune entreprise qui a réussi sur un thème précis. Si vous avez le sentiment de ne pouvoir aller plus loin dans votre accompagnement, nous sommes à votre disposition pour prendre le relais.

je pense aujourd’hui à une petite fille. Alice au Pays des Merveilles. Comme pour elle, le monde que nous avons devant nous est excitant, passionnant et terrifiant. Plein de possibles s’ouvrent à nous aujourd’hui. Nous entendons parler d’économie collaborative et participative. Une dissolution est en train de se créer va transformer complètement notre façon de travailler et d’apprendre. Nous n’en sommes qu’aux prémisses. Airbnb ou Uber ne sont que le début de quelque chose.
Les jeunes que vous éduquez ont aujourd’hui un pouvoir entre les mains que nous n’avions pas. Il nous fallait apprendre en allant la bibliothèque. Mon fils a appris à composer de la musique de film derrière son ordinateur, sans avoir eu besoin d’apprendre le solfège. Cette capacité de création des jeunes dans vos écoles est extraordinaire, et ce simplement derrière leur ordinateur.

Mais ce monde est aussi terrifiant. Alice pleure parce qu’elle ne le comprend. Nous entendons ces lamentations aujourd’hui dans notre beau pays. Mais les larmes créent un torrent qui l’emporte vers un autre paysage. C’est exactement ce que nous sommes en train de vivre. Nous pouvons faire le constat de la destruction des emplois que va entraîner le big data, la compétition avec les USA et le manque d’outils, ou nous pouvons saisir cette chance formidable pour notre pays et nos jeunes d’être acteurs de cette transformation.

Nos principaux concurrents ne sont pas dans nos secteurs d’activité mais sont ceux qui vont venir nous frapper de plein fouet. Je pense aux fameuses GAFA : Google, Apple, Facebook, Amazon, mais aussi à la petite start-up qui va venir changer notre manière de travailler et vient bousculer les grandes structures que nous sommes. Nous avons peur nous aussi et celui qui prétend connaître le futur se trompe généralement.

Je vous vois aujourd’hui incarner cette phrase de Saint-Exupéry : «notre rôle n’est pas de prévoir l’avenir mais de le permettre». C’est ce que vous faites au quotidien dans vos écoles. Alice traverse tout un tas de situations qu’elle ne comprend pas et, à la fin, il lui est demandé d’être un témoin de la scène. Elle rencontre une reine extrêmement capricieuse qui veut couper la tête de tout ce qu’il ne lui plaît pas. Alice se lève et témoigne. La reine n’est pas contente et veut lui couper la tête. Pour la première fois, Alice ici n’a pas peur. Voilà votre responsabilité vis-à-vis de la jeunesse : leur donner confiance en eux, en leur potentiel et en leur capacité à comprendre le monde de demain et d’apprendre par eux-mêmes. Nous sommes aujourd’hui dans une économie de la connaissance. Ce n’est pas celui qui sait qui peut, mais celui qui partage.
Vos étudiants, et je peux vous le garantir pour travailler dans une entreprise internationale, sont mieux formés qu’ailleurs, plus ouverts qu’ailleurs, plus curieux, parlant souvent plus de langues et ont tout en main pour réussir. Ils sont formidables et notre avenir est entre leurs mains.

Je souhaiterais conclure par une phrase que j’ai entendue dans une interview de Jacques Brel. Jacques Chancel lui demandait : « Quel est votre idéal ?». Brel a répondu : « Essayer ». C’est le témoignage que j’aimerais vous laisser, à vous et à vos jeunes.


Clara Gaymard
Présidente et CEO de General Electric France
Présidente du Fonds de Dotation RAISE

 

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