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Connaître, ou mieux connaître, les classes préparatoires littéraires

Moins bien connues que leurs grandes sœurs scientifiques et économiques, les classes préparatoires littéraires n’en…
Publié le 3 juillet 2015
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Moins bien connues que leurs grandes sœurs scientifiques et économiques, les classes préparatoires littéraires n’en occupent pas moins une place essentielle dans l’univers des études de lettres et de sciences humaines dans notre pays. En effet, si elles font accéder moins massivement à de grandes écoles que les scientifiques et les économiques, elles offrent aux élèves qui, après le baccalauréat, les choisissent une formation générale qui les muscle intellectuellement et les conduits à toutes sortes de réussites, académiques et professionnelles.

Des CPGE, comme les autres, à la charnière stratégique du secondaire et du supérieur
Avant de préciser leurs spécificités, il importe de rappeler leurs caractéristiques communes avec les autres filières de CPGE. D’abord, leur inscription dans le cadre des lycées (publics et, dans une moindre mesure, privés) de toutes les grandes et moyennes villes de France ; une scolarité en deux ans, parfois trois, conduisant à un concours aux débouchés multiples ; leur insertion fluide, par le jeu des conventions de partenariat avec les universités et du système de validation des acquis par crédits ECTS, dans l’architecture européenne de l’enseignement supérieur. Ensuite, le principe d’une formation reposant sur un nombre important d’heures de cours hebdomadaires et annuels, sur une évaluation régulière, aussi bien à l’oral (de plus en plus important) qu’à l’écrit, sur un encadrement rapproché par des équipes de professeurs motivés et exigeants, mais attentifs, parce que conscients du défi que choisissent de relever leurs élèves. Cette attention se manifeste par un dialogue constant avec les étudiants, favorisé par la stabilité du groupe-classe et de l’équipe pédagogique. Elle porte aussi bien sur le parcours qui se dessine pour l’aval que sur la transformation des méthodes de travail issues de l’amont. Autrement dit, les CPGE littéraires jouent un rôle essentiel de charnière entre le lycée et l’enseignement supérieur, entre les connaissances fondamentales du secondaire, le socle qu’il faut consolider dans cette phase de propédeutique, de début du premier cycle du supérieur, et les exigences à la fois plus libres et moins rassurantes de la recherche à laquelle souvent se destinent les étudiants de ces classes.

La pluridisciplinarité comme principe
Plus encore que dans les autres filières de CPGE, le principe de la formation dispensée par la filière littéraire est celui de la pluridisciplinarité. Dans les classes de première année (Lettres supérieures ou hypokhâgnes), tous les élèves reçoivent, selon un horaire strictement équilibré, à hauteur d’une trentaine d’heures hebdomadaires, un enseignement de littérature, de philosophie, d’histoire, de langues vivantes, de géographie, et de langues et cultures de l’Antiquité. Dans certains établissements sont proposés en outre des cours de spécialités artistiques (cinéma ou théâtre, ou histoire des arts ou histoire de la musique). L’ensemble de ces disciplines définit un champ homogène où l’étudiant apprend à évoluer en établissant les liens indispensables à une culture générale bien comprise ; chaque discipline est un point de vue depuis lequel toutes les autres sont rencontrées et traversées. L’exigence de lectures et de rédactions de formes à la fois diverses et convergentes, développe chez l’étudiant une vue d’ensemble, et une maîtrise de l’expression écrite et orale, qui le rendront performant à la fois dans les disciplines considérées et dans quantité d’autres domaines où les qualités d’attention, d’analyse, de synthèse, de traitement de l’information, de rédaction et d’expression sont requises.

La deuxième année maintient ce principe de la pluridisciplinarité, en reprenant toutes les disciplines de la première, que ce soit dans la filière dite Ulm (orientée vers le concours d’entrée à l’École normale supérieure, rue d’Ulm à Paris) ou dans la filière dite Lyon (orientée vers le concours d’entrée à l’ÉNS Lyon). Elle permet cependant un acheminement progressif vers une discipline de prédilection en proposant d’approfondir l’une de ces disciplines de la première année. En général, pour les étudiants qui poursuivent ensuite leur parcours à l’université, cette discipline deviendra la dominante de leur année de L3, et la classe préparatoire aura joué à plein son rôle de sas progressif entre les fondamentaux du secondaire et la recherche du deuxième cycle universitaire.

Des classes qui mènent à l’université comme aux grandes écoles
Ici vient de se découvrir une forte spécificité des classes préparatoires littéraires : 80 % de leurs étudiants poursuivent leur formation à l’université, témoignant avec force, s’il en était besoin, de la compatibilité extrême de ces deux modes de formation que propose le système français. Les étudiants des CPGE littéraires s’acclimatent bien à l’université, et réussissent leur licence, en grande majorité en trois ans (2 ans de prépa, 1 an de L3 ou parfois, par équivalence, en doublant leur deuxième année de prépa). Ils alimentent ensuite les masters, et sont en général les bons lauréats des concours de recrutement (Capes et Agrégation) de l’Éducation nationale. Laquelle recrute en eux des professeurs qui combinent maîtrise disciplinaire et ouverture aux problématiques transversales. Ceux qui poursuivront jusqu’à la thèse constitueront enfin préférentiellement le vivier des maîtres de conférences puis des professeurs de l’université.

Les compétences acquises, et inventoriées plus haut, sont de nature à intéresser aussi d’autres mondes que celui de l’enseignement, et les écoles de management ou les instituts d’études politiques, pour ne citer qu’eux, sont très intéressés par le recrutement des étudiants des CPGE littéraires. Pour rendre visible cet intérêt, et pour organiser de façon cohérente le parcours des étudiants littéraires, les Écoles normales supérieures (voir encadré) ont organisé en accord avec le ministère un concours commun qui donne accès à leurs deux établissements, ainsi qu’à une trentaine d’autres, désormais regroupés par la Banque d’Épreuves Littéraires. ENS, donc, écoles de management de la BCE ou du groupement Ecricome, IEP de province, écoles de traduction (ESIT) et de management en langue étrangère (ISIT), de communication (CELSA) et de management public (ISMAPP), École des Chartes et École Supérieure Militaire de Saint-Cyr recrutent désormais chaque année plus de 800 des 4 000 élèves de deuxième année, portant à plus de 20 %, la proportion des intégrations littéraires en grande école, et manifestant la polyvalence professionnelle dont sont capables ces étudiants.

Un réseau homogène à l’ouverture sociale forte
La filière peut sembler fort malthusienne, comme peuvent sembler trop concentrés les résultats d’excellence de certains établissements que chacun connaît si bien qu’il est inutile de les nommer. Mais il importe de rappeler quelques faits, qui sont de bien plus grand poids pour qui veut réfléchir à ces classes sans céder à la facilité. D’abord, la poursuite d’études à l’université est évidemment, et sans l’ombre d’une discussion possible, également un parcours de réussite. Ensuite, la très grande majorité des lycées du réseau national des classes préparatoires littéraires est « en prise » sur le concours, permettant à leurs meilleurs étudiants d’accéder aux plus grandes écoles, d’une part, et assurant du même coup une formation de grande qualité partout sur le territoire. Loin des idées reçues sur le bachotage et la reproduction des élites, ce réseau prend un peu partout en charge des élèves qui ne sont pas toujours très forts, ni issus des milieux sociaux les plus protégés, ni en tout cas en provenance de la série du baccalauréat la plus courue, puisqu’il recrute évidemment d’abord des bacheliers L. Et il met un point d’honneur à les accompagner vers la réussite, consolidant le socle de leurs connaissances et facilitant leur saut vers les exigences et les ambitions de la formation supérieure.

Et, une fois rappelés cette conscience des réalités de l’insertion professionnelle, ce souci de contribuer à la réussite de tous ceux qui passent par les prépas littéraires, ce désir de renouveler (et non pas de reproduire) les élites de la nation, en puisant dans toutes les couches de la société, autant qu’il est possible, on ne peut finir cette brève présentation sans évoquer le plaisir que donne l’enseignement, autant que l’étude, dans ces classes, de la littérature, des arts, des langues, des espaces, des temps, des civilisations, des idées. On s’y fatigue parfois un peu, mais c’est à force d’y entendre souffler les vents de l’esprit, dans le vacarme de ce que Victor Hugo appelait « une tempête sous un crâne ». On quitte presque toujours sa prépa littéraire en regrettant par avance ce moment d’intense nourriture de l’esprit. Qu’il soit dit ici nettement que c’est avec joie et fierté, autant qu’avec le sens d’un vrai devoir politique, qu’on y enseigne tous les jours, et qu’on y accueille la jeunesse littéraire, pour qu’elle se forme, et se trouve une place dans un monde qui a besoin d’elle.

Marc Even
Professeur au lycée Faidherbe
Président de l’APPLS

La banque d’épreuves littéraires (BEL) : un dispositif nouveau et encore mal connu

A l’origine de la banque d’épreuves littéraires se trouve un triple projet : contrecarrer une représentation fausse selon laquelle les Écoles normales supérieures, recrutant 200 élèves pour 4 000 candidats, feraient des khâgnes des classes où 96 % des étudiants connaîtraient l’échec ; simplifier la structure des concours des ENS afin d’en augmenter la lisibilité ; développer les débouchés directs de ces concours de fin de deuxième année dans la filière littéraire. A tout le moins, il s’agissait de rendre visible une diversité de débouchés de longue date effective, mais mal connue.
Sa mise en place a supposé un véritable travail de construction. Elle a commencé par un rapprochement des Écoles normales supérieures de Paris et de Lyon en vue d’élaborer des programmes et des épreuves susceptibles d’être communes aux deux écoles. Ceci acquis, il a fallu procéder à une réforme des programmes d’enseignement en première année de CPGE littéraire, puis opérer, du côté des ENS, un travail d’encadrement de la notation du concours, en vue d’une plus grande compatibilité avec les exigences des partenaires potentiels (augmentation des moyennes et des écarts types ; affinement et structuration de la cohorte des notes). Il restait alors à solliciter et convaincre les partenaires de se joindre aux ENS pour constituer la nouvelle banque.

Les réformes se sont ainsi mises en place progressivement, au fil de plusieurs années :
2007 : réforme des programmes et objectifs de formation en hypokhâgne (première année CPGE)
2008 : transformation de la préparation dans les khâgnes (deuxième année CPGE)
2009 : première session de la BEL (3 épreuves communes – philosophie, histoire, langues vivantes ; débouchés limités)
2010 : deuxième session de la BEL (4 épreuves communes – philosophie, histoire, littérature, langues vivantes ; débouchés limités)
septembre 2010 : activation d’une BEL aux débouchés réellement ouverts (réunion au MENESR, présidée par V. Pécresse ; rédaction des circulaires en novembre)
2011 : première session de la BEL aux débouchés ouverts à 40 écoles : ISMAPP, ESIT, ISIT, CELSA, IEP de province, écoles de management de la BCE et du groupe Ecricome, école des Chartes, ENS de Cachan, Lyon, Ulm
2012 : deuxième session de la BEL (intégration dans la banque de deux licences de Paris-Dauphine (mentions « Sciences de la société » et « Gestion »)
2013 : troisième session de la BEL ; franchissement historique de la barre des 400 littéraires admis dans les écoles de management
2014 : stabilisation du dispositif : nombre de candidats légèrement supérieur à 4 000 ; taux d’admissions à 32 % ; taux d’intégrations à 19 %
2015 : entrée de l’ESM Saint-Cyr, dont la BEL devient l’opérateur ; chiffre record de 4 700 candidats, pour plus de 10 000 candidatures (2,5 par étudiant en moyenne ?).

Résultats et bilans
Dès la session 2011, les Écoles normales supérieures intègrent, comme à leur habitude, 184 étudiants ; le nombre d’admissions aux ENS / ou à la BEL ? dépasse le millier et la barre des intégrations le chiffre de 600. Lors des sessions 2012, 2013 et 2014, ces chiffres sont encore améliorés : un peu plus de 700 intégrations en 2012 ; 774 en 2013, 761 en 2014, soit 32 % des candidats de la BEL qui trouvent un débouché.
En octobre 2014, tous les partenaires de la BEL se déclarent satisfaits des recrutements qu’ils ont effectués, en quantité et, surtout, en qualité : les khâgneux s’intègrent bien dans les écoles, et réussissent leur poursuite d’études. Les IEP de Rennes et Toulouse se sont retirés de la banque en 2013, pour des raisons de charge logistique. Lyon et Lille se déclarent très satisfaits de leur participation au dispositif. Dans un certain nombre d’établissements partenaires, on note une diminution légère du nombre d’inscription, tandis que le nombre d’admis et surtout d’intégrés reste stable ou en progression. C’est le signe d’une meilleure efficience du dispositif de recrutement : les candidats sont moins nombreux mais plus déterminés parce que mieux informés.
Aux 700 intégrations directes consécutives à des réussites au concours de la banque d’épreuves littéraires s’ajoutent d’abord l’intégration hors BEL, par les khâgneux, d’établissements partenaires de la BEL (notamment au CELSA ou dans les IEP), ou non partenaires (Sciences Po Paris par exemple, qui admet un nombre important de khâgneux en master), et bien sûr la validation par l’université des acquis de plus de 95 % des étudiants de 2ème année. La poursuite d’études à l’université constitue ainsi le premier des débouchés des khâgnes, qu’il s’agisse, pour les cubes (étudiants de troisième année) d’un accès direct en Master 1, que les universités leur autorisent fréquemment en leur donnant à l’issue de leur deuxième khâgne 180 ECTS, ou d’un accès en L3 pour les étudiants qui quittent (ils sont le plus grand nombre) les classes préparatoires après deux ans. Qu’il s’agisse des concours de recrutement de l’Education nationale, de ceux des autres secteurs de la fonction publique, ou des accès au marché du travail consécutifs à l’obtention de masters professionnalisants, l’avenir des étudiants des classes préparatoires littéraires est ainsi bien préparé.
L’objectif de la BEL n’est donc de toute évidence pas de soustraire 100 % des khâgneux à la poursuite d’études à l’université, mais de permettre à ceux des établissements d’enseignement supérieur qui veulent les recruter de le faire dans des conditions de visibilité, d’efficacité et de qualité optimales. C’est dans cet esprit que travaillent les partenaires de la banque de concours.

Chantiers en cours
Le Comité de suivi de la BEL travaille à l’adaptation des outils dont disposent les Écoles normales supérieures pour gérer les inscriptions, encadrer la notation, assurer la logistique et la communication d’un concours multipartenaires. L’horizon prévu pour la première utilisation du site d’inscription, de gestion et d’information de la BEL est la session 2016 (décembre 2015 pour la campagne d’inscriptions). Au plus tard, le dispositif, développé par l’équipe qui a en charge le SCEI (service des concours des écoles d’ingénieurs) à Toulouse sera prêt pour la session 2017.
La BEL recherche en outre à obtenir la diffusion des réussites vers davantage de candidats : la multi-admission des 500 meilleurs candidats est l’un des facteurs qui expliquent l’écart entre le nombre des admissions et le nombre des intégrations. Le développement de l’information sur les débouchés et leurs spécificités devrait permettre une adéquation plus fine entre les candidatures et les formations offertes, et par voie de conséquence une meilleure ventilation des intégrations. Elle envisage la proposition de nouveaux débouchés, pourquoi pas l’IEP de Paris, l’École du Louvre, ou des masters sélectifs.

Dans les lycées, on constate que le recrutement des classes préparatoires littéraires résiste bien, et connaît même une réelle progression. On constate ensuite une bonne mobilisation des élèves de seconde année vers l’objectif du concours : la banque d’épreuves, au-delà de la diversité des débouchés visés, mobilise dans la même direction les étudiants, qui spécifient leur préparation au moment où les oraux, dans leur diversité, se profilent. Les enseignants des classes préparatoires, de leur côté, voient d’un bon œil l’augmentation des possibilités ainsi offertes à leurs étudiants, même si elle leur a demandé, ces dernières années, d’importants efforts d’adaptation à un contexte constamment mouvant.

A propos de Marc Even

Marc Even enseigne la littérature en classes préparatoires depuis 1994, la littérature et le cinéma en classes préparatoires littéraires depuis 2003. Professeur au Lycée Faidherbe de Lille, il préside l’APPLS depuis 2010, et a participé à la mise en place et à la consolidation de la Banque d’Épreuves Littéraires.

A propos de l’APPLS

L’APPLS (Association des Professeurs de Premières et de Lettres Supérieures) est une association cinquantenaire dont l’objet est de défendre les classes préparatoires littéraires et les intérêts de leurs élèves comme de leurs professeurs, toutes disciplines confondues. Elle se définit par son attachement à un enseignement pluridisciplinaire de qualité, indispensable à la bonne formation humaniste de l’étudiant, du professeur, du chercheur dans les disciplines littéraires. Constructive et ouverte sur le monde, elle travaille en outre activement à la reconnaissance des qualités développées par la formation littéraire, ainsi qu’à l’ouverture des débouchés professionnels pour les étudiants des CPGE littéraires.

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