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Sensibiliser les jeunes à l’entrepreneuriat collectif

L’entrepreneuriat est souvent présenté comme un acte individuel mais dans les faits, les équipes entrepreneuriales…
Publié le 22 novembre 2013
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L’entrepreneuriat est souvent présenté comme un acte individuel mais dans les faits, les équipes entrepreneuriales sont aussi nombreuses que les entrepreneurs seuls. Il faut donc remettre l’entrepreneuriat collectif à sa juste place. Cela est d’autant plus important que la croissance des entreprises passe par la création d’équipes entrepreneuriales aux compétences complémentaires. Il faut donc changer le discours auprès des jeunes et favoriser l’apprentissage de l’entrepreneuriat en groupe.
La fin d’un mythe
Il y a une tentation journalistique à vanter les mérites du self-made man. Mais le modèle de l’entrepreneur qui doit sa réussite à lui seul est largement remis en question. De nombreux auteurs ont ainsi reconnu que si les grands entrepreneurs avaient un réel talent, ils n’auraient pas pu s’exprimer sans l’intervention de tierces personnes : un camarade, un parent, un conjoint, etc. En fait, dans bien des cas, l’entrepreneur dispose d’un réseau (certains diront un capital social) qui l’aide dans son parcours d’entrepreneur. L’histoire est truffée d’exemples de ce type : les Rockefeller, Carnegie ou Vanderbilt ont réussi en partie grâce à leur environnement relationnel et non pas seulement du fait de leurs caractéristiques entrepreneuriales innées.
La nature collective de l’entrepreneuriat
Si le réseau est mobilisé, il n’est pas toujours intégré dans une équipe entrepreneuriale. Les personnes de l’entourage de l’entrepreneur restent à la périphérie du projet. Ils apportent simplement une aide ponctuelle en fonction des besoins mais ne sont pas formellement considérés comme des associés. Mais on constate une tentation chez certains entrepreneurs de créer en équipe, c’est-à-dire d’intégrer formellement des éléments de leur réseau social dans leur entreprise. Bien évidemment, l’équipe est parfois virtuelle. Mais on fonction du projet, il est souvent nécessaire d’intégrer de façon active les membres de son réseau. Ceux-ci constituent alors des associés à part entière avec un rôle actif dans l’apport de ressources, de compétences ou de carnets d’adresses. Ils sont par ailleurs présents dans l’entreprise et participent de façon active aux décisions stratégiques. La plupart des équipes entrepreneuriales sont composées ainsi de deux personnes, parfois trois ou quatre, mais rarement au-dessus.
Un modèle loin d’être isolé
Ces équipes entrepreneuriales ne sont pas des cas particuliers en matière d’entrepreneuriat. La plupart des études internationales font état de 50% de créations d’entreprise en équipes (dont une grande majorité de binômes) contre 50% de solo-entrepreneurs. Des variations sont généralement observées selon les projets et les pays. Les projets high-tech de la Silicon Valley, par exemple, sont souvent portés par des équipes alors que des projets peu innovants de type commerce-artisanat restent l’œuvre d’une seule personne.
Contrairement à une idée reçue, les Etats-Unis (qui ont longtemps défendu le modèle du self-made man) ne sont pas plus individualistes que d’autres en matière d’entrepreneuriat. Il est même surprenant de constater qu’ils le sont moins qu’en France. Depuis 2009, date de création du régime de l’auto-entrepreneur, environ 80% des entrepreneurs français sont seuls, alors que 20% créent en équipe.
Un modèle en phase avec les tendances actuelles
Même si le régime de l’auto-entrepreneur a permis à de nombreuses personnes de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale, il reste un modèle d’entrepreneuriat de faible croissance. Or, alors que les acteurs publics français veulent des entreprises de taille plus importante, il faut davantage mettre l’accent sur l’entrepreneuriat en équipe. C’est en effet, par ce modèle, que l’on peut innover et assurer la croissance des petites entreprises, même si les risques associés à ce modèle existent.
L’entrepreneuriat en équipe est également en phase avec le développement de l’économie sociale et solidaire. Ce modèle économique alternatif modifie certaines règles de gouvernance classique du fait de l’insertion d’organismes externes dans les instances de décisions ou de la création de statuts coopératifs. Il soulève ainsi des questions relatives à l’adhésion de parties prenantes à un projet entrepreneurial avec ce que cela implique en termes de conflits et de décisions collégiales.
L’entrepreneuriat en équipe n’est donc pas seulement un entrepreneuriat de start-up. C’est un modèle qui s’applique à des situations variées.
Pour un développement de l’apprentissage de l’entrepreneuriat en groupe
Pour des raisons évidentes qui tiennent à la confiance que procure l’équipe et aux besoins que génère certains projets, les entrepreneurs s’associent. Or, dans l’imaginaire collectif, l’entrepreneur reste assimilé à un individu exceptionnel qui ne doit sa réussite qu’à lui-même.
Cette idée reçue nous semble devoir être abandonnée. D’une part, elle ne correspond pas à la réalité et d’autre part les nouvelles générations portent certainement plus d’idéaux collectifs que d’idéaux individuels. Ils fonctionnent par ailleurs davantage en réseau et ont compris que l’association est meilleure que l’isolement.
Un autre élément va dans le sens de l’entrepreneuriat collectif. Les écoles de commerce et d’ingénieurs ont compris depuis une quinzaine d’années l’intérêt des formations-actions à l’entrepreneuriat en groupe. Que ce soit les mini-entreprises chez les collégiens et lycéens ou les « Entrepreneuriales » dans l’enseignement supérieur, l’éducation à l’entrepreneuriat va dans le sens du collectif.
Il faut sans aucun doute poursuivre dans cette voie. L’effort que déploient de nombreux pays en matière de sensibilisation à l’entrepreneuriat, via la gestion de projets en groupe par exemple, est à poursuivre indéniablement. Il faut sans doute, en parallèle, apporter un regard critique et lucide sur l’entrepreneuriat en équipe. Beaucoup d’étudiants envisagent d’entreprendre avec des camarades alors que les associations exclusivement basées sur l’amitié présentent des risques. Il s’agit-là d’un vrai challenge pour tous les formateurs en entrepreneuriat : comment donner envie tout en apprenant à mesurer les risques ?

Pour approfondir :

Condor, R. (2013), « Entreprendre à plusieurs, une autre forme d’entrepreneuriat », in Le Grand Livre de l’Entrepreneuriat, Sous la direction de Catherine LEGER-JARNIOU, Dunod, p. 63-79.

Pour échanger sur le sujet :
« L’entrepreneuriat du futur : vers un modèle entrepreneurial à plusieurs », Journée d’étude Créactive Place, à Deauville, le 15 novembre 2013 (ouvert à tous).
http://www.creactiveplace.fr/page/l-entrepreneuriat-du-futur.html

Roland CONDOR

Roland CONDOR est titulaire de la chaire Entrepreneuriat-Projet-Innovation de l’EM Normandie et professeur de stratégie et de management de projet. Ses travaux de recherche sont axés sur la gestation du projet entrepreneurial, l’entrepreneuriat collectif, l’accompagnement à la création d’entreprise et le contrôle de gestion dans les PME. En parallèle de ses activités à l’Ecole, il est également trésorier à l’Académie de l’Entrepreneuriat et de l’Innovation et membre de l’Association Internationale de Recherche en entrepreneuriat et PME (AIREPME).

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