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Entretien avec Jean-Michel Valantin – Géostratégie et environnement – et une sélection d’actualités DD dans les écoles

Jean-Michel Valantin est docteur en études stratégiques et sociologie de la défense et chercheur au…
Publié le 27 juin 2012
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Jean-Michel Valantin est docteur en études stratégiques et sociologie de la défense et chercheur au Centre interdisciplinaire de recherches sur la paix et d’études stratégiques (CIRPES). Il est également essayiste. Depuis une vingtaine d’années, Jean Michel Valantin étudie la façon dont le système politique et stratégique américain produit ses stratégies.

CGE : Comment devient on spécialiste des rapports entre environnement et géostratégie ?

JMV : J’y suis venu il y a une quinzaine d’années, à l’occasion de la rédaction d’une thèse portant sur la façon dont le système américain produit de la stratégie et depuis j’ai toujours gardé un intérêt pour cette problématique. Depuis un peu moins d’une dizaine d’années, le système stratégique américain définit de plus en plus ses stratégies en fonction des grandes problématiques environnementales. Ainsi de façon discrète mais très large le système de sécurité US s’oriente autour des questions liées au changement climatique, à la raréfaction des ressources naturelles, aux effets politiques et sociaux de la crise de l’eau.

CGE : Qu’est ce qui fait la puissance et l’influence d’une nation aujourd’hui ?

JMV : D’une part la capacité d’influence économique et culturelle et de l’autre la capacité de coercition militaire sont les facteurs de puissance stratégique classiquement distingués par les écoles de pensée anglo-saxonnes, le premier y étant désigné par le terme de soft power et le second par le terme de hard power. Cependant on est en droit de se demander si cette distinction ne subit pas une profonde mutation, les enjeux liés aux jeux d’acteurs sur la scène internationale évoluant très rapidement. Par exemple si l’on observe deux pays comme la Chine et les Etats-Unis, on remarque que des questions comme l’accès aux ressources énergétiques et minérales bousculent complètement la façon dont ces grands Etats produisent leur stratégie. Ce qui est valable pour ces deux pays l’est aussi pour de nombreux autres, Les jeux d’influence internationaux et globaux s’en trouvent bouleversés.

CGE : Economie, culture et puissance militaire ne sont plus les outils de la géostratégie d’un pays ?

JMV : Si, toujours, mais ces outils et leurs modalités ont considérablement évolué. Prenons l’exemple de l’Arctique. Ce territoire connaît une déglaciation estivale de plus en plus rapide et importante du fait du changement climatique. Cela induit que l’Arctique risque fort de devenir un couloir de navigation de premier ordre durant la période estivale dans les années et les décennies à venir, pouvant au passage transformer le statut géopolitique de l’Islande. Or, les grands pays limitrophes que sont les Etats-Unis, la Russie et le Canada, même s’ils anticipent ces évolutions, se rendent compte aussi de leur inexpérience en matière de navigation dans ces eaux et donc des difficultés qu’il va y avoir à organiser le contrôle et la sécurité de cette zone. Les gardes côtes américains produisent en ce moment une littérature importante sur le thème du développement maritime de l’Arctique, de la multiplication des risques que cela implique et de leur inexpérience totale en termes de capacité d’intervention dans un environnement aussi extrême. Le changement climatique provoque une transformation extrêmement rapide de certains espaces convoités par des acteurs des sphères politiques, économiques et sécuritaires mais ces derniers n’y sont pas bien préparés. Cela se traduit par des manœuvres d’influence plutôt inédites, à l’image de la Russie, qui a envoyé en 2007, un sous-marin de poche à l’extrémité de la dorsale continentale russe « Lomonossov » pour y déposer un petit drapeau en métal, de manière à marquer leur territorialité en Arctique, non seulement sur le sol et le sous-sol marin, mais aussi sur la tranche d’eau. Cela renvoie à une nouvelle façon de penser la stratégie et la géopolitique en y faisant rentrer la dimension planétaire. Ceci est tellement nouveau qu’en réalité on manque de références, la nouveauté résidant dans la globalité de cette nouvelle compétition.

CGE : Le développement durable peut il être un outil au service de la géostratégie d’un pays ?

JMV : Si l’on prend le cas des Etats-Unis, que je connais bien, on se rend compte que l’armée américaine s’est largement emparée de ce concept. Ceci peut paraître a priori étonnant, mais les militaires américains commencent à bien identifier que les grands changements environnementaux ont et auront de fortes incidences géopolitiques. Ils font par ailleurs le constat d’une tendance mondiale à l’émergence des réglementations environnementales comprises aussi dans leurs prolongements économiques et sociaux. Ces constats les ont amenés à s’engager dans une stratégie d’adaptation à un monde dont la finitude est en train d’être redécouverte, Cela amène ainsi l’Army et la Navy à mettre en œuvre des stratégies de développement durable. L‘US Army a aussi créé un centre d’étude sur l’environnement et travaille avec un grand nombre d’universitaires spécialisés sur ces questions. Ils avaient, dans les années 90 déjà, développé le concept d’environmental security, puis, sous l’influence du gouvernement britannique en 2005-2006, ils ont intégré le changement climatique dans leur réflexion stratégique pour en arriver récemment au concept de natural security. Ce dernier concept est repris, explicitement ou implicitement, dans les grandes orientations du ministère de la Défense américain et de la Maison Blanche. Le concept de développement durable peut donc être approprié par des acteurs différents qui lui confèrent des finalités différentes. Il n’y a pas un seul développement durable.

CGE : Comment, dans ce cas, concilier les contradictions propres aux Etats-Unis sur ces différents sujets ?

JMV : Malgré les apparences, les Etats-Unis sont engagés, à différents niveaux et selon différentes modalités, dans des stratégies d’adaptation au « monde fini » et cette diversité porte en elle un certain nombre de contradictions, qui se conjuguent à celles des situations contemporaines. Cependant, malgré cela, on assiste aussi à des rencontres des stratégies des différents acteurs. Ainsi, les acteurs économiques sont de plus en plus nombreux à s’inscrire dans les politiques de développement durable. En Californie, Arnold Schwartzeneger, au cours de son deuxième mandat, s’est servi du développement durable comme outil d’influence nationale et internationale au service de l’état qu’il gouvernait, notamment par le soutien à l’émergence des cleantech. Il est fondamental, pour comprendre les évolutions américaines, d’en comprendre la complexité et la diversité, tout en se rappelant qu’il s’agit d’une fédération.

CGE : Quelle est la place du développement durable dans les rapports Nord-Sud ?

JMV : La vision « Nord-Sud » du monde est profondément retravaillée. On constate, en observant ce qui se passe dans les pays émergents, qu’il y a plusieurs modèles de développement qui sont en cours en même temps. Il y a un modèle de développement industriel et consumériste inspiré de ce qui se passe dans les pays occidentaux, mais il y a aussi d’autres modèles qui eux sont inscrits dans différentes philosophies du développement durable, propres aux pays où elles apparaissent. Le cas de la Chine est tout à fait étonnant à cet égard. Les dirigeants chinois ont parfaitement saisi la finitude du monde et la Chine devient aussi bien un géant de la consommation des hydrocarbures qu’un géant du développement des énergies renouvelables de tous ordres. Nous vivons des mutations sociétales extrêmement rapides. Par ailleurs, le développement durable permet d’aborder des problématiques planétaires, communes à tous, en proposant d’autres perspectives, en particulier en faisant entrer de nombreux acteurs dans les processus de concertation, qui, bien que n’ayant pas l’habitude de travailler ensemble, sont autant de parties prenantes, ce qui, là aussi, retravaille en profondeur les relations internationales et stratégiques.

CGE : Quelle place a la géoingénierie dans les enseignements en France ?

JMV : Je ne saurais vous répondre. Tout ce que je sais c’est que cette problématique a une place de plus en plus importante dans la recherche et la formation et la prospective industrielle au sein des pays anglo-saxons. La géoingénierie est à ce titre très révélatrice de la façon dont les évolutions très rapides en cours font l’objet d’appropriations par certains secteurs de la recherche et de l’industrie dans le monde anglo-saxon. L’époque des hypothèses « dures » comme l’injection de soufre dans la haute atmosphère pour limiter l’augmentation de la température planétaire a laissé la place à d’autres niveaux de réflexion. Les travaux d’aujourd’hui vont dans le sens d’une adaptation via l’articulation d’actions sur l’environnement, l’agriculture, l’urbanisme, l’économie etc.., soit une vision beaucoup plus complexe prenant en compte toutes les difficultés dans lesquelles nous sommes pris aujourd’hui. La question aujourd’hui est la façon dont le développement durable et la géoingénierie vont ou non converger.

Actualités DD dans les écoles

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