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Flash info DD : entretien avec Sylvie Bénard, directrice Environnement du groupe LVMH et une sélection des actualités DD dans les écoles

Sylvie Bénard est ingénieur agronome titulaire d’un doctorat en micro-biologie alimentaire de l’Ecole d’agronomie de…
Publié le 28 décembre 2011
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Sylvie Bénard est ingénieur agronome titulaire d’un doctorat en micro-biologie alimentaire de l’Ecole d’agronomie de Rennes, elle est depuis 1992 responsable du département Environnement du groupe LVMH. LVMH est présent dans 5 secteurs d’activités : vins & vpiritueux, mode & maroquinerie, parfums & cosmétiques, montres & joaillerie ainsi que dans la distribution sélective. Le groupe dispose d’un portefeuille d’environ 60 marques et possède un réseau de plus de 1 800 magasins dans le monde. LVMH a réalisé un chiffre d’affaires de 15,3 milliards d’euros en 2006.

CGE : Pourriez-vous nous resituer votre parcours professionnel ?

Sylvie Bénard (SB) : Je suis ingénieur agronome de formation, j’ai eu par ailleurs la chance d’effectuer la dernière année de cette formation aux Etats-Unis à l’université de Cornell en industrie agroalimentaire et je suis revenue en France pour faire un doctorat sur l’activité microbiologique des levures et des bactéries du lait. Ensuite j’ai choisi, on pouvait encore le faire à cette époque, de travailler dans le « H » de LVMH, Hennessy donc, et mon premier poste a été de créer un laboratoire de recherche sur les levures et les bactéries du vin. J’ai occupé ce poste pendant environ 5 ans, à la suite de quoi je me suis intéressée à trouver les relations entre la composition d’une eau de vie et ses qualités gustatives ; cela n’a pas donné de résultats probants mais nous avons réussi à trouver des marqueurs olfactifs liés à la capacité de vieillissement qualitatif des eaux-de-vie. D’un point de vue plus personnel, je suis fille de deux professeurs de biologie, écologistes de la première heure, j’ai donc toujours eu un intérêt fort pour l’environnement, que j’ai, dans un premier temps, matérialisé par une activité associative soutenue qui m’a permis d’aller à Rio en 1992. Quand je suis rentrée de Rio j’ai décidé que je voulais travailler dans l’environnement. A l’époque je ne voyais pas comment y arriver au sein d’Hennessy et je réfléchissais à la création d’une structure qui serait certainement devenue une société de conseil en environnement. J’ai informé Hennessy de mes projets et ils m’ont proposé de rester pour créer, il y a 19 ans, ce qui est devenu la direction Environnement du groupe LVMH. J’occupe donc ce poste depuis près de 20 ans et au fil des ans ce métier a considérablement évolué.

CGE : Mais déjà à l’époque vous avez bénéficié de l’écoute de votre hiérarchie

SB : Oui absolument, les membres de la direction du groupe n’étaient pas vraiment en mesure d’évaluer le travail à accomplir il y a 20 ans mais le sujet leur paraissait intéressant et ils m’ont dit « allez-y ! »

CGE : Le groupe LVMH a-t-il une direction Développement durable ?

SB : Non, le développement durable est pris en charge par l’ensemble des directions. Au sein du groupe on ne considère pas le développement durable comme un sujet « à part » mais plutôt comme une approche que doivent s’approprier l’ensemble des directions et des collaborateurs du groupe. Je ne suis d’ailleurs pas du tout sûre que ce puisse être un métier car ce sont, à mon sens, les métiers existants qui vont évoluer (le contrôle de gestion, les achats, le marketing etc..). Nous travaillons donc à ce que les métiers intègrent les enjeux du développement durable et à ce qu’ils fabriquent leurs propres outils pour y répondre. La direction qui impulse le plus ce mouvement aujourd’hui est la direction de la communication financière car elle est le point d’entrée des demandes de nos parties prenantes les plus influentes. Ensuite vient la direction des Affaires sociales, qui s’occupe des enjeux sociaux classiques internes aux entreprises (diversité, mobilité..) mais aussi des relations avec les communautés locales avec lesquelles le groupe travaille. Les autres directions, celle des achats pour les aspects logistiques, les directions juridique et des risques sont aussi associées.

CGE : Qu’en est-il de la direction Marketing ?

SB : Il n’y a pas de direction Marketing au niveau de la holding LVMH. Il faut comprendre que le groupe laisse une grande autonomie à ses « Maisons ». Nous avons donc des correspondants au sein de ces « Maisons » qui font le travail de terrain auprès des directions Marketing. Dans une certaine mesure et selon la taille de la « Maison », chaque direction dispose de son correspondant comme un miroir de l’organisation de LVMH corporate. Ensuite afin que les employés du groupe puissent partager sur le sujet du développement durable nous avons un extranet consacré aux trois volets : environnement, social fournisseurs.

CGE : Si une « Maison » décide de lancer un nouveau produit, quel regard LVMH a-t-elle sur la conception de ce produit ?

SB : Les « Maisons » sont totalement autonomes sur la conception de leurs produits mais nous leur apportons du conseil, plus ou moins poussé selon leur niveau de maîtrise de l’éco-conception, grâce à un expert qui fait partie de mon équipe. Le but étant bien que la « Maison » apprenne l’éco-conception et qu’elle n’ait plus besoin de nos services.

CGE : Quels freins rencontrez vous dans votre démarche ?

SB : Nous ne sommes pas sur des problèmes d’outils mais sur des problèmes humains. La difficulté principale est de mettre autour de la table des gens qui habituellement ne se parlent pas et qui de plus n’ont pas toujours le même langage. Je cite un exemple : si je vais voir le directeur Marketing d’une « Maison » en lui disant qu’il doit réduire ses impacts, il risque fortement de ne pas comprendre ma demande car pour lui ce mot à une valeur positive ; il est donc nécessaire d’apprendre le langage, la culture de l’autre pour avancer dans une démarche transversale au sein d’une entreprise. Le deuxième frein est traduit par la question récurrente des personnes qui attendent de vous une réponse et vous disent « bon alors je fais quoi ? », mais il n’y a pas une solution unique et de plus elle ne peut se construire que dans la confrontation des différentes contraintes métiers pour englober le cycle de vie du produit dans sa totalité. Le résultat est un compromis qui n’est valable que pour le produit en question, dans la Maison en question.

CGE : Cherchez-vous à promouvoir ce mode d’organisation auprès de vos pairs ?

SB : Pas spécialement car au même titre que le compromis qui amène à la conception d’un produit est propre à la « Maison » qui l’a créé, ce mode d’organisation est spécifique à LVMH ; nous n’avons donc aucune garantie que cela puisse fonctionner ailleurs.

CGE : Pour revenir à l’objet de votre direction, pouvez vous nous dire quelles sont les spécificités en matière d’environnement des métiers du luxe ?

SB : Tout d’abord on produit peu, en volume j’entends, et notre impact environnemental est relativement plus faible que celui d’autres activités à chiffre d’affaire comparable. Néanmoins nous sommes très visibles, je vois donc deux spécificités : premièrement un produit de luxe est un produit « aspirationnel », il se doit de montrer la voie et cela relève de notre responsabilité ; deuxièmement on se doit d’être irréprochable, on nous pardonnerait beaucoup moins nos écarts en termes d’impacts environnementaux qu’à l’industrie lourde je pense. Pour pouvoir proposer des produits un peu extravagants il faut que l’arrière-scène soit parfaite, nous devons être exemplaires sur ces sujets mais nous ne mettons pas en avant d’arguments « verts » dans notre communication. La préoccupation environnementale est une condition intrinsèque à nos productions et entendue comme telle par nos clients.

CGE : L’industrie du luxe est une industrie à forte valeur ajoutée, la question des moyens financiers est-elle importante pour mener à bien des actions de réduction des impacts et des dépendances environnementaux ?

SB : Ce qui est primordial c’est la volonté politique au plus haut niveau hiérarchique et la capacité à provoquer l’adhésion des collaborateurs. De plus, lorsque l’on fait ce travail depuis 20 ans comme moi on se rend compte que ce genre de politique est génératrice d’économies financières conséquentes et de compétitivité. Si j’étais dans une entreprise aux marges plus faibles que les nôtres je m’occuperais peut être encore plus de mon impact environnemental car nous savons qu’à terme l’énergie, certaines matières premières vont être plus chères, qe qui constituerait relativement des enjeux encore plus importants pour la rentabilité de mon entreprise.

CGE : Evaluez vous de façon prospective les économies que vos actions vont générer?

SB : Certaines actions sont mesurables simplement. Par exemple lorsque vous changez de mode de transport pour vos exportations en passant de l’avion au bateau, l’économie est mesurable. Par contre lorsque vous rajoutez la prise en compte de l’environnement dans la construction d’un bâtiment il est difficile de déterminer a priori les bénéfices en termes monétaires, soit parce que vous n’avez pas les outils fiables pour les calculer, soit parce qu’il y a des bénéfices auxquels vous n’aviez pas pensé (et qui sont souvent difficilement monétarisables). Par exemple, lorsque Louis Vuitton a construit Eole, son entrepôt logistique monde, à Cergy, ce bâtiment a été, dès le départ, conçu en prenant en compte l’environnement (ossature en bois, phyto-épuration des eaux usées, utilisation de la géothermie, peintures sans composés organiques volatiles..) ; il a coûté en gros 8 % de plus qu’un bâtiment construit traditionnellement, ce surcoût a été compensé rapidement par les économies d’énergie. Mais ce que nous n’avions pas prévu c’est que ce bâtiment ressortirait en tête des bâtiments pour le classement « bien être » que Louis Vuitton organise annuellement auprès des salariés. Ce même bâtiment a le taux d’absentéisme le plus faible.

CGE : Comment votre direction financière intègre t elle le long terme dans les calculs de retour sur investissements de vos projets durables ?

SB : Elle le fait par la volonté de la direction générale de LVMH ; il est clair que dans ce domaine cela repose sur sa vision et sa volonté

CGE : Parlons un peu de formation, quels constats faites vous et quelles attentes avez-vous vis-à-vis de l’enseignement supérieur ?

SB : Je serai ravie le jour où arriveront à l’intérieur de l’entreprise des managers qu’ils soient contrôleurs de gestion, acheteurs, « marketeurs », peu importe, qui soient sensibilisés aux enjeux environnementaux, qui sachent ce qu’est une analyse de cycle de vie, etc.. Ce n’est malheureusement toujours pas le cas aujourd’hui.

CGE : Les autres directions du groupe partagent-elles ce même point de vue ?

SB : C’est le cas de la direction sociale pour les enjeux qui lui sont propres mais je dirais qu’il est plus facile d’acquérir une culture des enjeux sociaux qu’environnementaux car ces derniers demandent un certain nombre de connaissances scientifiques que l’on ne peut acquérir qu’à l’occasion d’une formation préalable à l’entrée dans le monde de l’entreprise. Il y a tout de même un point qui me rassure, je constate avec joie que les générations actuelles, j’entends jusqu’à 30-35 ans, sont extrêmement sensibles aux valeurs du développement durable, elles ont de véritables exigences vis-à-vis des entreprises dans lesquelles elles rentrent, elles veulent voir des engagements et des actions concrètes.

CGE : Vous dites qu’elles sont sensibilisées mais cela veut il dire que dans leurs métiers elles ont les outils intellectuels pour passer à l’action ?

SB : Justement non, et c’est aujourd’hui notre problème. Par exemple quelqu’un du service marketing va vous dire qu’il veut faire du développement durable et que pour cela il a eu l’idée de donner, pour chaque produit vendu, un euro à une association. Il est plein de bonne volonté mais il n’a pas pris la mesure des enjeux donc il faut à la fois ne pas le décourager tout en l’amenant à se poser des questions plus fondamentales sur la composition, la fabrication, l’utilisation et la fin de vie des produits.

CGE : Votre constat concerne-t-il l’ensemble de l’enseignement supérieur ?

SB : Oui, universités, écoles d’ingénieurs ou écoles de commerce n’offrent pas encore un enseignement adéquat.

CGE : Etes-vous prête à intervenir dans nos écoles pour faire évoluer les cursus ?

SB : je le fais déjà lorsque l’on me le demande, comme à Sciences Po, à l’Agro ou à HEC, et je trouve cela passionnant de transmettre un peu de mon expérience aux étudiants, alors que j’approche de la fin de ma carrière

CGE : Avez-vous le même accueil de la part du corps enseignant que de la part des étudiants ?

SB : Disons que j’ai parfois eu des réactions assez négatives de la part de certains éléments du corps enseignant. Je me suis entendu dire que le bilan carbone n’avait aucun intérêt pour des ingénieurs agronomes. J’ai aussi jeté un froid lorsque j’ai dit aux élèves d’une formation spécialisée en développement durable dans une école de commerce, qu’ils ne trouveraient pas de travail dans ce domaine et devraient se concentrer sur leur formation principale pour candidater à un poste. Combien de professionnels ont aujourd’hui la mention « développement durable » sur leur carte de visite ? Très peu et il n’y a pas de raison que cela évolue positivement. De plus, penser pouvoir devenir responsable Développement durable d’une entreprise sans en connaître intimement les rouages est difficilement concevable et malheureusement certaines formations ne sont pas toujours très claires avec cela.

Propos recueillis par Gérald Majou de La Débutrie
Chargé de mission développement durable

Actualités du développement durable dans les écoles

L’EPF Ecole d’ingénieurs propose à ses élèves une nouvelle option « EEE – Eau, Energie, Environnement » sur son site de Montpellier, ville qui accueille le pôle mondial de compétitivité EAU (750 chercheurs et 300 entreprises). Cette option EEE s’articule autour d’un vaste projet « Ville verte », qui consiste à concevoir, pour un quartier ou une ville donné, un approvisionnement et une gestion en eau et en énergie qui soient les plus « durables » possible (utilisation des énergies renouvelables, traitements des eaux usées, …). Pour en savoir plus

L’Esitpa, Ecole d’ingénieurs en agriculture de Rouen, a depuis cette année son unité de recherche en agro-écologie des territoires (AGRI’TERR) fondée sur l’union des quatre laboratoires historiques de recherche de l’école. Elle s’inscrit dans la volonté de l’établissement d’appuyer son programme pédagogique sur une recherche en cohérence avec les objectifs de la formation de ses ingénieurs et à l’écoute des problématiques actuelles de l’agriculture. Pour en savoir plus

L’Ecole des Ponts ParisTech signe un contrat d’objectif avec le ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement (MEDTL) afin d’affirmer et de soutenir l’ambition naturelle de l’École : être la référence mondiale sur la ville, l’environnement et leurs ingénieries. Pour en savoir plus

L’EM Strasbourg, qui a pour ambition de former des managers capables de s’adapter aux nouveaux défis du management de la mondialisation et de la numérisation de l’économie, transmet à chaque étudiant des valeurs sur le management du développement durable, l’éthique et la diversité, ses 3 valeurs stratégiques. C’est pourquoi, en réponse à sa mission, l’Ecole a reconduit pour sa troisième édition, du 7 au 9 novembre 2011, sa Semaine des 3 valeurs. En savoir plus sur la démarche Développement durable de l’école.

Le Groupe ESC Clermont, dans le cadre de sa démarche développement durable, vous propose de participer à un cycle de conférence DD, RSE et citoyenne, à raison d’une conférence par mois. Pour en savoir plus

Dans le cadre de l’« Année Internationale de l’énergie durable pour tous », la Commission française pour l’UNESCO, s’appuyant sur les réserves de biosphères et le Réseau des écoles associées pour l’UNESCO, met en place un partenariat avec Esri France. L’objectif ? Dresser un état des lieux des pratiques et des expériences en matière d’énergie durable et/ou d’économies d’énergies en réalisant, dans le cadre d’un projet collaboratif utilisant les SIG, une cartographie des installations en France (et en Europe, si des réseaux associés ou de biosphère souhaitent rejoindre le projet). Dans ce cadre, Esri France donne aux enseignants et aux élèves impliqués accès à une plateforme interactive en ligne. Elle permet d’enregistrer les données de géolocalisation des lieux, installations, expériences, constructions, etc. liés aux énergies durables et de construire ainsi une carte à l’échelle du territoire national. Adresse de la plateforme interactive

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