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Flash info DD : entretien avec Tugrul Atamer, doyen de l’EMLYON Business School et une sélection des actualités DD dans les écoles

Tugrul Atamer, docteur en sciences de gestion et habilité à diriger des recherches, est professeur…
Publié le 30 novembre 2011
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Tugrul Atamer, docteur en sciences de gestion et habilité à diriger des recherches, est professeur de management stratégique à l’EMLYON Business School depuis 1987. Depuis 2002, il occupe la fonction de doyen de la faculté. Il est auteur et co-auteur de nombreux articles et ouvrages dans les domaines de la dynamique des industries, des stratégies internationales des entreprises et de changement stratégique. Il a été co-auteur de l’ouvrage Diagnostic et décisions stratégiques qui a obtenu le Grand Prix Afplane-Les Echos du meilleur ouvrage de management en 2003

CGE : Vous avez conclu votre intervention au séminaire de la CGE à Lyon en disant que le développement durable était certainement la nouvelle forme d’humanisme (de vision ?) dont avaient besoin nos sociétés. Pouvez-vous revenir sur la réflexion qui vous a amené à une telle conclusion ?

T.A. : Il n’y a pas d’approche compétences sans projet éducatif inscrit dans une démarche prospective et structuré par un idéal. Cet idéal, ce nouvel humanisme, aujourd’hui c’est le développement durable. En effet, un projet éducatif ne peut faire l’économie des enjeux que vont rencontrer les prochaines générations de leaders que nous avons la mission de former en tant qu’institutions d’enseignement supérieur. Ces enjeux sont les transformations les plus radicales que nos sociétés ont connues depuis le 19ème siècle, nous sommes entrés dans une ère de ruptures et de fortes discontinuités. J’insisterai sur deux aspects majeurs du projet éducatif que nous dessinons :

  • Nous devons d’une part former des leaders/entrepreneurs visionnaires, sans aversion pour le risque, créatifs et capables d’appréhender la complexité car ils vont devoir inventer de nouvelles institutions et de nouvelles organisations adaptées à la société que j’entrevois : une société où quatre générations vont cohabiter alors qu’il n’y en à que trois aujourd’hui. Quid de la retraite dans une telle société? Comment va-t-on organiser la solidarité intergénérationnelle, avec quelles institutions? Voilà un des grands enjeux auquel la génération que nous sommes déjà en train de former va devoir apporter une réponse.
  • Nous devons aussi former des leaders capables d’écrire le scénario géopolitique et économique pour 2050 car le modèle consumériste européen, qui profite aujourd’hui à 1 milliards de personnes, est intenable si nous l’appliquons aux trois milliards de personnes supplémentaires qui légitimement souhaitent aujourd’hui y accéder.

En résumé nous avons la responsabilité de former des responsables, au sens plein du terme, qui devront créer des organisations, des institutions, une diplomatie, des systèmes de valeurs et une nouvelle gouvernance au service de la citoyenneté mondiale. Le développement durable est l’idéal humaniste qui doit permettre d’atteindre ce résultat mais tout reste encore à inventer.

CGE : Comment analysez-vous d’un point de vue professionnel et personnel votre capacité à mener une telle démarche prospective ?

T.A. : Du point de vue professionnel, enseigner le management stratégique implique d’utiliser la démarche prospective comme un réflexe, de plus en tant que doyen je me dois de faire de l’EMLYON Business School une école différente des autres. Cet objectif de différentiation, nous essayons de l’atteindre en introduisant la variété en termes d’écoles de pensées au sein de l’établissement. Cela passe par l’internationalisation et les parcours professionnels multiples du corps professoral. Cette diversité, nous la mettons au service d’un débat ouvert, critique et permanent sur les questions de société dans l’objectif de définir nos projets éducatifs.

Du point de vue un peu plus personnel, je suis membre du groupe prospectif du CESER régional au sein duquel je participe à la réflexion sur Rhône Alpes 2025. D’un point de vue encore plus personnel, j’ai réalisé une introspection pour connaître les origines de mon goût pour le « décentrement ». Cela vient du milieu cosmopolite dans lequel j’ai baigné enfant alors que nous vivions dans le quartier de Yesilköy à Istanbul. Là s’y mélangeaient Grecs, Assyriens, Italiens, Juifs et Arabes, et tout ce monde communiquait en turc, en italien, en grec ou en français. Cette notion de mixité culturelle est essentielle et il ne faut pas la confondre avec le multiculturalisme, qui relève plus d’une juxtaposition de cultures. Je suis convaincu que la capacité que j’ai de considérer les sujets de réflexion du point de vue de l’autre vient de là.

CGE : Relativement à l’approche compétence dont il a été question au séminaire de Lyon, quelles sont les limites (ou non) d’un cursus Grande Ecole en trois ans ?

T.A. : L’exercice de décentrement culturel exige une immersion profonde et longue au sein d’autres éthos. Il est clair que nos formations en trois ans sont trop courtes pour atteindre un tel objectif mais nous pouvons y contribuer largement en envoyant nos étudiants passer du temps dans les pays qui ont des systèmes institutionnels différents.

En Europe, par exemple, on dénombre pas moins de trois façons de mélanger marché, état et réseau pour créer la richesse et pour créer la justice sociale, ce qui donne naissance à trois types d’éthos économiques et par conséquent à trois formes d’institutions sensiblement différentes. Il y a l’éthos de l’économie libérale comme en Angleterre, celui de l’économie de marché coordonné comme en France et celui de l’économie informelle comme en Grèce.

Le premier décentrement que nous proposons dans notre projet pédagogique est donc d’envoyer nos étudiants 6 mois au minimum dans les pays d’éthos économiques différents ; le deuxième décentrement s’obtient par l’alternance entre périodes de cours et périodes de stage ; le troisième décentrement vient de l’interdisciplinarité. Avec un tel projet éducatif vous comprendrez que trois ans paraissent bien courts et nous ne pouvons malheureusement pas nous appuyer, à ce jour, sur les classes préparatoires pour faire une partie de ce travail, car le système sélectif en place ne permet pas la diversité souhaitée. Une réflexion globale doit être engagée en y intégrant les parcours amont de nos étudiants si nous voulons avoir des résultats probants.

CGE : Pour revenir à la première question, comment imaginez-vous qu’une grande école telle qu’EMLYON Business School remplira ses missions dans 30 ans ?

T.A. : Se projeter plus loin est un exercice quasi impossible, les enjeux de la pédagogie pour 2050 demandent de se projeter en 2092. Cependant on voit poindre deux tendances qui n’ont que peu de raisons de disparaître d’ici là. La première c’est l’accélération exponentielle du temps – il y aura plus de changement les trente prochaines années qu’il n’y en a eu durant les soixante dernières – doublée de la densification de la minute de travail, qui se traduit concrètement par du multitâches. Regardez la façon dont nos enfants apprennent maintenant, en naviguant sur le web en même temps qu’ils écoutent le cours et conversent avec un correspondant à l’autre bout de la planète. Et regardez la façon dont on continue majoritairement à enseigner : il y a un décalage flagrant et il va se creuser de façon exponentielle si l’on ne réagit pas vite.

La deuxième tendance fait écho à la première : la chaîne de la valeur du système éducatif va être bouleversée dans les années à venir, du fait des outils (web), des allers et retours entre vie, travail et formation et d’une information pléthorique et accessible à tout un chacun. Dans cette nouvelle chaîne de la valeur il y aura des producteurs de systèmes de connaissances, peu nombreux car la production de qualité coûtera très cher ; puis il y aura des consortiums mondiaux, sorte de grossistes distributeurs mais aussi producteurs de spécialités et, en bout de chaîne, des distributeurs accompagnateurs (ce qui les différencie des distributeurs classiques des autres chaînes de valeur).

Dans un tel système il ne pourra y avoir d’entité isolée, ce qui signifie qu’il y aura moins de grandes écoles indépendantes telles qu’on les connaît aujourd’hui. Elles feront donc partie d’une entité plus grande, pas forcément universitaire, leur métier sera de plus en plus technologique et elles accueilleront des professeurs qui seront plus des coachs que des enseignants tels qu’on les connaît aujourd’hui.


Propos recueillis par Gérald Majou de la Débutrie
Chargé de mission Développement durable – CGE

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