Accueil 5 DDRS 5 Gaz de schiste : éléments pour éclairer le débat

Gaz de schiste : éléments pour éclairer le débat

En France, comme dans les autres pays possédant des res­sources en gaz de schiste, il…
Publié le 30 juillet 2014
Partager l'article avec votre réseau

En France, comme dans les autres pays possédant des res­sources en gaz de schiste, il apparaît nécessaire de disposer d’un bilan actualisé des risques induits par leur extraction et d’une évaluation raisonnée des incertitudes. Conformément à sa mission de conseil et d’expertise, l’Académie des sciences s’est saisie de cette question complexe, et en a confié l’analyse à son Comité de prospective en énergie.

Voici, avec l’aimable autorisation de l’Académie des sciences quelques-uns des constats et recommandations qui ressortent de ce travail, rendu public en novembre 2013 (voir L’avis Éléments pour éclairer le débat sur les gaz de schiste) et résumé, accompagné d’une interview de Sébastien Candel, dans le N°32 de La Lettre de l’Académie des sciences.

Une préoccupation centrale: la maÎtrise de l’impact environnemental
Le principe de l’exploitation des gaz de schiste rencontre au­ jourd’hui une opposition, conséquence principale d’inquiétudes relatives aux risques qu’elle pourrait entraîner pour l’environne­ ment, notamment en termes de pollution des eaux et de l’atmos­phère.
Des questions centrales sur lesquelles l’Académie des sciences s’est attachée à faire le point.

Impact sur les ressources en eau et leur qualité
La gestion de l’eau constitue un aspect majeur de l’exploitation des gaz de schiste : elle doit notamment prendre en compte la disponibilité en eau, la prévention de la contamination des nappes phréatiques et le re­cyclage des eaux utilisées pour le forage et la fracturation.
La consommation d’eau concerne les phases de forage et de mise en exploitation. Les quantités nécessaires, qui sont importantes, doivent toutefois être mises en perspective avec la consommation engendrée par d’autres activités, y compris de loisirs, et d’autres filières de produc­tion d’énergie. À titre d’exemple, la quantité d’eau nécessaire – 15 000 m3 – à la réalisation d’un puits par fracturation hydraulique correspond à 2 mois de consommation d’un golf haut de gamme de 18 trous en France.

La pollution des nappes phréatiques par le méthane ou les produits de fracturation est possible, mais peut être évitée en respectant une distance – verticale – de sécurité minimale entre la zone de fracture et les aquifères, ces derniers étant plus superficiels que les gisements de roche-mère. Il convient également d’assurer l’étanchéité des tubages au passage des aquifères : cette technique est maîtrisée par l’industrie du gaz et du pétrole, mais la question de l’étanchéité à long terme des forages (vieillissement des cimentations et corrosion des tubages) mérite un examen attentif et l’élaboration d’une réglementation adaptée. Concernant les additifs utilisés pour augmenter l’efficacité de la fractura­ tian, certains sont bénins (sable, gélifiants, etc.), d’autres le sont moins, et il convient d’entamer des recherches pour mettre au point des agents qui minimisent l’impact sur l’environnement. Les eaux de forage sont potentiellement contaminantes et il faut, avant toute exploration ou ex­ ploitation, définir et mettre en place des filières de traitement adaptées.

Conséquences sur l’effet de serre
Pour obtenir une même quantité d’énergie, l’utilisation du gaz divise par 2 les émissions de C02 par rapport à celle du charbon. On peut encore gagner un facteur 2 dans les applications où le gaz est utilisé pour pro­duire de l’électricité au moyen de centrales à cycle combiné, dont leren­ dement est près du double de celui des centrales électriques classiques à charbon. Du point de vue de la contrainte climatique, le bilan du remplacement du charbon par du gaz naturel est donc positif, à condition toutefois que le niveau de fuite de méthane reste faible. Pour tirer tout le bénéfice de l’exploitation du gaz, il faut clairement minimiser les fuites de méthane, que l’exploitation soit conventionnelle ou non conventionnelle. L’utilisation du gaz évite par ailleurs les émissions polluantes particulières au charbon (métaux lourds et éléments radioactifs naturels) et réduit les émissions d’oxydes de soufre et d’azote, et de particules, dans des proportions importantes.

Autres risques
Le risque de sismicité induite par les activités de forage a, notamment, été évalué au Royaume-Uni. Les niveaux de magnitude enregistrés sont plus faibles que ceux de la sismicité naturelle ou liée aux activités mi­nières, elle-même réduite. Pour autant, ce risque doit être évalué en fonction des conditions locales et nécessite la mise en place d’un suivi de la sismicité (monitoring) robuste et efficace.
Quant aux nuisances sur l’occupation des sols, le bruit, le paysage, la valeur des biens immobiliers, etc., elles doivent être systématiquement évaluées et réduites à des niveaux socialement acceptables.

Vers une Autorité scientifique sur les gaz de schiste… Les risques pour l’environnement décrits plus haut sont, pour la plupart, connus et maîtrisés dans l’exploitation d’autres types de ressources (pé­ trole, charbon, gaz, géothermie, etc.). Pour l’Académie des sciences, l’étape d’exploration, menée en connaissance de cause, ne devrait donc pas avoir d’impact environnemental significatif. Néanmoins, elle considère que  » rien ne saurait être entrepris sans des vérifications et expérimentations préalables encadrées par une réglementation rigoureuse, afin de maÎtriser les risques potentiels pour l’environnement et pour la santé « .
Ces évaluations relèvent de programmes de recherche scientifique et technologique dont la France est en partie dotée – notamment en géo­logie, géophysique ou géochimie – ou qu’elle est en mesure de lancer. C’est dans ce cadre que l’Académie des sciences suggère de mettre en place une  » Autorité scientifique indépendante et pluridisciplinaire pour le suivi des actions qui seraient engagées pour l’évaluation objective des ressources et des méthodes d’exploitation « . Il s’agit de la quatrième des neuf recommandations de son Avis Éléments pour éclairer le débat sur les gaz de schiste.

Partager l'article avec votre réseau
Loading...