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L’analyse de Kanter demeure pertinente et actuelle

En 1977, Rosabeth Moss Kanter publie Men and Women of the Corporation[1], ouvrage qui fera…
Publié le 26 septembre 2019
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En 1977, Rosabeth Moss Kanter publie Men and Women of the Corporation[1], ouvrage qui fera date dans le monde du management. Pour la première fois, l’auteure décrypte comment les grandes entreprises sont un monde d’hommes construit par des hommes et où la norme masculine structure profondément l’organisation. Aujourd’hui, c’est surprenant et, probablement décourageant, mais l’analyse de Kanter demeure pertinente et actuelle. Les entreprises et le management demeurent marqués par le masculin. Le langage utilisé le reflète souvent, « il faut conquérir », « affronter ses concurrents ». Les pratiques organisationnelles ainsi que les structures mêmes des entreprises continuent souvent de penser l’employé, le collaborateur, sous les traits d’un homme, sans vie de famille, exempt de toutes contingences sociales et d’émotions. Un bon collaborateur est « fort », « disponible », « maitrise ses émotions », il sait « mener ses hommes et faire preuve d’autorité ». Autant de qualificatifs que, dans notre société, nous attachons immédiatement à la virilité et au masculin.

Une fois ce constat fait, force est de constater que des tensions s’expriment aujourd’hui qui remettent en cause cette omniprésence du masculin ainsi que sa définition même. Ces dernières années, on a déployé beaucoup d’efforts pour former les femmes et leur enseigner les codes masculins de ce monde organisationnel. Cela s’est traduit, entre autres, par la présence accrue des femmes dans les écoles de commerce (elles y sont parfois majoritaires) et dans le monde professionnel, par le développement de dispositifs de formation spécifiques pour les femmes. L’objectif n’était alors pas de modifier ce monde organisationnel, mais de leur en donner les clefs pour qu’elles puissent enfin comprendre et jouer selon les règles du jeu et, peut-être, trouver le chemin vers le sommet dans le labyrinthe de l’entreprise[2]. On a donc adapté les femmes à ce monde masculin au risque, parfois, de transformer les femmes en hommes.

Aujourd’hui, une autre piste apparaît nécessaire ; il s’agit de questionner et de repenser ce masculin. Le courant de recherche des masculinities studies prend maintenant depuis quelques années de l’ampleur. Il s’agit de savoir ce que signifie « être un homme » dans nos sociétés et donc mettre au jour les injonctions sociales et les stéréotypes qui s’attachent aux hommes. Le tout récent ouvrage de l’historien Ivan Jabonkla[3] participe de cette remise en question de la masculinité.

Au sein de nos institutions d’enseignement de management, se multiplient aujourd’hui les actions de promotion de l’égalité Femmes Hommes. Par exemple, la Chaire Femmes et Entreprises de SKEMA anime, depuis trois ans un ensemble d’actions auprès de sa population étudiante pour promouvoir l’égalité professionnelle. Pour autant un travail de fond reste à faire pour questionner l’empreinte des normes masculines sur le contenu de nos enseignements. Ainsi, dans nos cours de leadership et de management, un travail doit être fait sur les comportements, les compétences professionnelles ou enfin les modèles et exemples que nous mettons en avant. L’exemple le plus flagrant est lorsque nous demandons à nos étudiant.es de nous donner un exemple de dirigeant (politique ou entrepreneur), il est bien rare d’avoir le nom d’une femme. Les caractéristiques du leadership sonnent bien souvent au masculin. On a beaucoup ciblé nos actions vers les femmes avec une réelle difficulté à y intégrer les hommes qui se sentent peu concernés (leur faible taux de participation aux actions en est un indicateur). Il est aujourd’hui temps de cibler les hommes sur la question de l’égalité mais peut-être en prenant l’angle de la masculinité, de ce qu’elle revêt et en quoi certains mythes, telle que la virilité et la force ne correspondent peut-être plus à la façon dont les hommes souhaitent se définir aujourd’hui.

On observe actuellement un mouvement de transformation des organisations pour répondre aux nouvelles attentes de leur environnement. Cette transformation doit aussi prendre en compte les aspirations des femmes et des hommes vers plus d’égalité. Ce travail de mise à plat des normes sociales, des définitions du féminin et du masculin a donc entièrement sa place dans la réflexion managériale.

 

Stéphanie Chasserio
professeur de management à SKEMA Business School 
co-titulaire de la Chaire Femmes et Entreprises

 

[1] Rosabeth Moss Kanter (1977) Men and Women of The Corporation. BasicBooks

[2] Alice H. Eagly and Linda L. Carli (2007) Through the Labyrinth. The Truth about how women become leaders. Harvard Business School Press

[3] Ivan Jablonka (2019) Des hommes justes. Du patriarcat aux nouvelles masculinités. Editions du Seuil

 

 

Stephanie CHASSERIO, PhD

Stephanie Chasserio est professeur de management à SKEMA Business School où elle est co-titulaire de la Chaire Femmes et Entreprises.

Stephanie Chasserio, est titulaire d’un PhD de l’Université du Québec à Montréal. Elle travaille actuellement sur les questions relatives aux femmes dans les organisations en explorant les questions du leadership et des carrières. Elle a également conduit plusieurs projets de recherche sur les femmes et l’entrepreneuriat. Elle fait partie du comité scientifique de Women Equity For Growth, fonds d’investissement dédié aux femmes. Depuis maintenant trois ans, elle co-anime la Chaire Femmes et Entreprises de SKEMA qui déploie des actions auprès de la population étudiante pour la promotion de l’égalité professionnelle.

 

A propos de SKEMA Business School 

Avec 8 500 étudiants de 120 nationalités et 45 000 diplômés présents dans 145 pays, SKEMA Business School est une école globale qui, par sa recherche, ses 50 programmes d’enseignement, sa structure multi-site internationale forme et éduque les talents dont ont besoin les entreprises du XXIe siècle. Désormais, l’école est présente sur 7 sites : 3 campus en France (Lille, Sophia-Antipolis, Paris), 1 en Chine (Suzhou), 1 aux Etats- Unis (Raleigh), 1 au Brésil (Belo Horizonte) et 1 en Afrique du Sud (Le Cap). En septembre 2019, l’école a annoncé l’implantation à Montréal de SKEMA GLOBAL LAB in Augmented Intelligence, son laboratoire de recherche en intelligence augmentée.

SKEMA bénéficie de la triple accréditation EQUIS, AACSB et AMBA. www.skema-bs.fr. Suivez-nous sur twitter : @SKEMA_BS

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