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Pourquoi au fond les GE sont-elles restées agiles : démonstration par la crise du covid-19 !

Des décennies de transformation institutionnelle majeure pour nos Grandes écoles… Depuis plusieurs décennies, nos Grandes…
Publié le 2 juin 2020
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Des décennies de transformation institutionnelle majeure pour nos Grandes écoles…

Depuis plusieurs décennies, nos Grandes écoles se sont profondément transformées pour faire face à trois grands mouvements de fond liés à l’évolution de leur métier et de leur environnement : une forte académisation de leur approche pédagogique, une internationalisation à très grande vitesse et enfin, des mutations structurelles aussi intenses que continues. Elles n’ont épargné aucun établissement, quel qu’en soit son statut, son domaine d’exercice disciplinaire ou sa taille.

  • Une forte académisation de leur ADN, qui s’est élargi avec l’adossement progressif de leur enseignement à une démarche de recherche structurée, structurante et systématique, quel que soit leur domaine et y compris dans les sciences dites « sociales »
  • Une internationalisation à très grande vitesse conduisant à l’émergence de programmes très ouverts au monde et s’inscrivant de plus en plus dans des référentiels internationaux, le modèle s’arrimant à une standardisation des normes académiques pour ne plus être « propriétaire »
  • Des mutations structurelles profondes : qu’il s’agisse de l’appartenance à des ensembles plus vastes, sous impulsion endogène ou exogène, la conduite de partenariats forts ou l’édification d’alliances structurantes, voire de fusions quand il ne s’agit pas de changement de gouvernance.

Toutes ces mutations ont fait croître et se diversifier nos Grandes écoles qui sont devenues de véritables institutions académiques de référence non pas seulement au plan national mais aussi international, même si on ne sait pas toujours le faire valoir à sa juste valeur. La crise sanitaire actuelle, planétaire, nous a rappelé en creux combien elles étaient attractives (et actives !) partout dans le monde, partie intégrante de leur activité et de leur modèle actuel. Certains même voient en elles de grandes « petites universités » tant ils soulignent leur arrimage à la logique dite « universitaire » qui ne serait pas complètement celle de leur acte de naissance fondateur. Il n’est pas évidemment le lieu de discourir ici de l’acception du terme « universitaire », nous laissons ce travail aux lexicologues, d’autant qu’entre l’exercice des bonnes lettres, celui des arts (qui ont pu vouloir dire métiers !), son lien certain avec l’universalité ou encore la dimension communautaire de leur construction et peut-être plus large de son sens, il y aurait beaucoup à dire. Par souci de simplicité, gardons alors un terme plus neutre et moins statutaire, celui de logique « académique » et intéressons-nous à la manière dont la planète « Grande école » s’est entrechoqué frontalement avec ce météorite sanitaire qu’est le covid-19.

 

… qui restent pourtant avant tout de véritables entreprises éducatives !

En effet, mi-mars s’ouvre de fait une crise pédagogique majeure dans notre pays, par ricochet d’une crise sanitaire inédite, du moins dans un monde devenu globalisé et hyper-communicant. Il y a eu en d’autres temps (mais avec d’autres mœurs) des pandémies majeures mais jamais avec un décompte morbide en continu, et des polémiques scientifico-sanitaires en temps réel. Du jour au lendemain, sans crier gare, il est devenu une évidence puis une injonction que plus personne ne devait se trouver dans l’enceinte de nos établissements, ni apprenant, ni enseignant, ni consultant, ni dirigeant, ni impétrant de toute sorte. Personne sur site, quand l’idée même de nos structures est d’être des communautés apprenantes, interactives, humaines, quasiment tactiles dans le lien à l’espace et au temps, si l’on en juge par les vies de campus, associative, les forums d’idées, de dating, d’innovation, de réflexion, … Un vrai choc pour toutes les parties prenantes et au premier chef pour nos étudiants venus chercher dans nos enceintes le terreau humain voire charnel de leur leadership ultérieur.

Quelques traits de comportement (peut-être de caractère) relèvent à notre sens de l’entreprise éducative au sens de l’initiative (et non au sens statutaire, toujours). Si l’on observe en effet avec un peu de recul le comportement de la communauté de nos établissements durant cette période de crise sanitaro-pédagogique combien inédite, nous frappent les éléments saillants suivants :

  • un souci immédiat de l’étudiant et de sa transformation continue, devenu un instant la quasi-seule priorité institutionnelle comme par un réflexe quasi-inconscient : tout en veillant au respect des normes sanitaires (pourtant diablement incertaines et évolutives, quand elles n’étaient pas controversées ou versatiles au début du moins), partout les plans de continuité ont fleuri avant même qu’ils n’en portent le nom officiel, avec un double ancrage « sécurité mais apprentissage », « apprentissage dans la sécurité ». Chez nous, à l’ISIT, j’ai pu observer les équipes s’activer comme aimantées par la nécessité de rassurer mais de faire et tout de suite, y compris l’impensable. Le week-end du 14 et 15 mars 2020 restera comme un monument de coûts de transaction minimaux pour une innovation radicale de supports et de comportements, à tout jamais, certainement pas (il ne faut jamais dire jamais, dit l’adage), pour longtemps probablement.
  • un souci de fond de rester ouverts dans les esprits et au monde, à la mesure que nous étions fermés sur site, et là aussi ce fut comme par un réflexe inconscient, automatique et massif. Le confinement physique a comme généré un sur-déconfinement intellectuel, collaboratif et psychologique, malgré le sur-épuisement digital. Très vite, parmi nos staffs, on a voulu continuer à voir large et loin tout en développant des effets d’apprentissage sur le plan de l’organisation du travail, et pour cela la force de la communauté s’est enclenchée sans périphrases ni circonvolutions. A cet égard, je peux témoigner que tant à la CGE ou à la FESIC, nos équipes sont restées on ne peut plus focalisées, déterminées à faire communauté et levier pour que chaque établissement garde le cap de tout ce qui pouvait être entrepris pour caler des modes d’action qui aménagent peut-être mais maintiennent le champ des possibles coûte que coûte ! A titre d’exemple, toutes les actions liées au suivi des stages et des actions vis-à-vis des entreprises se sont poursuivies, même sous des forme différentes, pour ne pas perdre le fil du « coup d’après », celui du placement, des carrières, de la préparation à un environnement professionnel lui-même déjà en mutation, et en questionnement. Toutes les actions liées à la vie associative et solidaire se sont poursuivies au même titre, à la fois dans la continuité et dans la rupture puisque de nouvelles actions solidaires ont vu le jour dans nombre d’établissements comme pour établir qu’il était en train de se fabriquer un monde différent et des liens différents entre les personnes, comme entre les institutions et les personnes.
  • un sens aigu de l’expérimentation « en live » de la part de corps professoraux plus que jamais engagés, pour ne pas dire plus, face à la dislocation en marche de leur chaîne de valeur académique traditionnelle. Comme le dirait Alice Guilhon, nous avons inventé notre propre révolution digitale en la mettant à notre pâte, quand certains ont pensé nous la livrer clé en main. Nos corps professoraux ont tout fait sauf sous-traiter grâce aux outils des autres, ils ont élaboré et inventé eux-mêmes, plus que jamais aux commandes sur la conception et l’exercice pédagogique ! Et vous savez quoi ? Ils ont embarqué nos étudiants avec eux, quel défi !!! De la même manière, les équipes para-pédagogiques ont redoublé d’énergie pour tenir, rassurer, accompagner, écouter, dynamiser en dehors de l’ « écran » de classe, à chaque instant. Dans la forte culture de changement de nos équipes, habituées à évoluer, face à ce changement de plus, de son ampleur, de son urgence, de sa soudaineté, beaucoup d’entre nous directeurs et directeurs généraux ont constaté que parmi les équipes, la réaction, quasi-unanime a été « la mission d’abord, les atermoiements ensuite ! », qualité appréciable par temps de tempête ! Quand on commence par les atermoiements, c’est rarement le bout prometteur !

 

Au-delà de la simple continuité pédagogique, celle du modèle « grande école » !

En bref, loin de la simple continuité pédagogique, nos Grandes écoles ont assuré la continuité de leur modèle, dans toutes ses dimensions : elles l’ont fait parce que face à la crise, elles ont réactivé séance tenante et d’une seule voix ce qui s’avère bien de leur ADN : leur focalisation inconditionnelle sur la transformation des apprenants et leur logique naturelle d’action en résonance du tissu socio-économique. Loin de s’enfermer dans un style ampoulé et académique for « the sake of it », leur gestion de la crise du covid-19 témoigne du fait que l’épicentre de leur raison d’être, lui, n’a pas varié malgré leur considérable transformation au fil des années. Nul doute que de cette boussole fondatrice, nous en aurons besoin pour face à la période post-crise, en sachant réinventer la formation et la résilience de ceux qui contribueront à la piloter durablement, celle-ci ou et les transformations auxquelles elle nous invite pour préparer demain autrement. Et ce sera un fleuve tourmenté, certainement pas tranquille !

Tamym Abdessemed
président de la commission Communication
directeur général de l’ISIT

 

A propos de Tamym Abdessemed

Tamym Abdessemed est directeur général de l’ISIT Paris depuis juillet 2018 et président de la commission « Communication » de la Conférence des grandes écoles depuis novembre 2019. Il a été par ailleurs président du groupe de travail recherche du Chapitre des écoles de management de la Conférence des grandes écoles de 2013 à 2016. Il est membre du comité de pilotage du Baromètre « Recherche » de la FNEGE et y coordonne le Certificat de perfectionnement des dirigeants académiques.

Diplômé d’HEC dont il est sorti lauréat de la Liste du Président (major de promotion), titulaire d’un DEA de management et stratégie de l’Université de Paris-X Nanterre et d’un certificat de spécialisation du doctorat HEC, Tamym ABDESSEMED est Docteur HEC ès Sciences de Gestion (spécialité stratégie d’entreprise) et est titulaire d’une Habilitation à Diriger des Recherches de l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Auparavant, il a notamment été Directeur des études d’HEC Paris, Directeur du Doctorat HEC, Directeur Général de l’ESCEM, Directeur académique et de la recherche d’ICN business school et Directeur général adjoint de l’ISC Paris.

 

A propos de l’ISIT

Créé en 1957, lISIT est une Grande école post-bac qui confère le diplôme Grade de Master. Labellisée Conférence des Grandes écoles depuis 2010 et EESPIG (établissement denseignement supérieur privé dintérêt général) depuis 2015, lISIT vient dintégrer lEFMD (European foundation for management development) comme membre associé. LISIT forme des étudiants multilingues et interculturels pour en faire des experts reconnus et recherchés sur le marché du travail dans tous les métiers que requiert le développement international des entreprises et organisations : communication, marketing, ressources humaines, traduction, interprétation de conférence, métiers juridiques internationaux, conseil, business développement. 9 langues de travail sont proposées et plus de 40 combinaisons linguistiques sont possibles.

Plus dinformations : www.isit-paris.fr /Twitter : @isit / Facebook : @Ecole.ISIT / You Tube : Ecole ISIT Instagram : isit_interculturalschool

 

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