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La libéralisation de l’apprentissage : un nouvel élan, en attente d’équité

Adoptée en septembre 2018, la loi pour la Liberté de Choisir son Avenir Professionnel (LCAP)…
Publié le 2 décembre 2021
La libéralisation de l’apprentissage : un nouvel élan, en attente d’équité
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Adoptée en septembre 2018, la loi pour la Liberté de Choisir son Avenir Professionnel (LCAP) met un terme à plusieurs mois de spéculations et ouvre une ère nouvelle pour la formation professionnelle initiale et continue, en révisant d’un coup tous les piliers économiques, structurels et institutionnels de la formation professionnelle. La création – parmi les toutes premières – de son propre OFA par l’EPITA autorise un retour d’expérience et des aperçus prospectifs, tant sur des disparités persistantes que sur une harmonisation des modalités à opérer pour poursuivre une valorisation souhaitable de la formation par apprentissage.

Dans l’esprit de la loi, le principal volet sur l’initiale est la libéralisation de l’apprentissage, ambition que portent des formules chocs comme « 1 jeune, 1 financement » devenue « 1 jeune, 1 solution ». Finies les demandes complexes d’augmentation et de glissements de places pour pourvoir à l’accroissement constant de la demande dans nos formations – les seules limites devenant les capacités d’accueil et de gestion des écoles. Finie aussi la subordination aux Régions et aux CFA conventionnés. Tout un chacun peut maintenant créer son propre organisme de formation, en s’appuyant notamment sur les promesses de simplification de process et de financement, prévoyant seulement 2 astreintes de contrôle à 3 ans – Qualiopi et la comptabilité analytique.

Un choix stratégique

Deux possibilités  se sont alors offertes aux grandes écoles ayant une activité d’apprentissage : laisser la gestion de leurs contrats à leur CFA de rattachement pour attendre que les choses se précisent et se mettent en place – mais perdre ainsi du temps – ou bien accepter d’essuyer les plâtres mais être pionnier, position retenue début 2019 par l’EPITA, au sein du groupe IONIS dont c’est l’ADN, devenant ainsi la première école d’ingénieur à créer son organisme de formation par l’apprentissage (OFA).

Le défi était de taille car on avançait à tâtons, à travers l’avalanche de décrets et d’arrêtés, qui ont finalement rendu opérationnelle la loi, mais se sont égrenés sur plus de 2 années, donc largement postérieurs aux besoins, entrainant une multitude de couacs et d’interprétations différentes.

L’avantage de la position pionnière, c’est qu’on voit tout de suite la différence entre le texte et sa mise en œuvre, et combien il y a loin de la coupe aux lèvres. Par définition, la mise en œuvre par les différentes parties prenantes suppose un indispensable temps de formation des acteurs, or il manquait absolument. Et force est de constater qu’il a fallu trois années entières pour que l’interprétation des textes et les pratiques commencent à s’harmoniser. Il faut toutefois rester vigilant et vérifier chacune des prises en charge, parfois très créatives d’ailleurs.

 Quelques freins malencontreux

La loi LCAP a effectivement fait sauter la plupart des freins pour l’apprentissage, mais en a ajouté là où il n’y en avait pas – comme pour l’accès à l’international pour les apprentis, qui n’était effectivement pas toujours simple à gérer mais restait possible. La modification d’un simple mot entre le projet et le décret a créé une petite révolution au sein des écoles de la CGE : la mise en veille du contrat au-delà de quatre semaines d’international est passée de possibilité à obligation, que ce soit dans une entreprise ou lors d’une formation académique en école ou université, à compter du moment où celle-ci se situe hors de nos frontières. La marge de négociation avec les entreprises ayant disparu, les deux seules options possibles sont de priver les jeunes de leur salaire et les CFA de leur financement pendant plusieurs mois, ou bien de scinder les périodes en morceaux de 4 semaines lorsque c’est possible, bien souvent au détriment de la pertinence pédagogique.

Autres freins ajoutés, qui sont autant de contraintes financières pesantes pour les CFA : le financement au mois glissant, la disparition de toute prise en charge pour les stagiaires de la formation professionnelle qui ne trouvent pas de contrat dans le temps imparti, et la décision de certains OPCOs de limiter la prise en charge à la date de l’examen final.

Pour une normalisation : à type de diplôme identique, prise en charge unique

La simplification annoncée des process financiers n’a finalement pas eu lieu. Ils se sont même complexifiés, avec en moyenne 7 niveaux de prise en charge par titre, auxquels s’ajoutent des politiques de financement différentes selon les OPCOs pour l’international et le premier équipement, certains décidant simplement de s’y dérober. Mais le véritable problème est la disparité des niveaux de prise en charge : ils peuvent aller du simple au double pour le même diplôme, indépendamment de toute pondération régionale et de financement publics, ce qui crée une distorsion de concurrence avérée et préjudiciable. Dans les premières discussions autour de la loi, il a été question d’aligner les prises en charge par niveau (de 3 à 7). La granularité, effectivement trop petite, a été abandonnée, ramenée à la valeur par défaut des nouvelles formations en attendant une détermination plus fine. Actuellement, il y a un niveau de prise en charge par branche professionnelle et par diplôme et CFA. La granularité, trop grande, engendre une complexité pour France Compétences et les OPCOs et une lourdeur administrative pour les CFA.

Vers une valorisation de l’apprentissage par le supérieur

Une harmonisation par type de diplôme (avec une marge mineure de pondération) permettrait de revenir à l’esprit de la loi, à savoir la libéralisation dans l’équité, pilier de l’ouverture de l’apprentissage. Et des décrets d’application qui s’adapteraient au niveau des formations – à l’instar de la réforme sur le travail des étrangers – permettraient une vraie valorisation de l’offre globale d’apprentissage. Cette bascule participerait très positivement au remodelage de la représentation collective de l’apprentissage, du CAP au doctorat.

 

Claire Leroux,
directrice de l’organisme de formation par apprentissage de l’EPITA

A propos de Claire Leroux

Docteure en sciences de l’art et enseignante-chercheuse en humanité numériques, Claire Leroux dirige des formations en alternance depuis 1998, de l’infra-bac au master en écoles d’ingénieurs. Elle a rejoint l’EPITA en 2018, dont elle a porté le projet de création d’organisme de formation par apprentissage, OFA qu’elle dirige depuis. Elle anime en outre, le Groupe de Travail Apprentissage de la CGE.

A propos de l’EPITA

L’EPITA est l’école d’ingénieur qui forme celles et ceux qui imaginent et créent le monde numérique de demain. Elle propose une formation de Bachelor en 3 ans, d’Ingénieur et d’expert en 5 ans (sous statuts étudiant et apprenti). Depuis 2019, elle possède son propre Organisme de Formation par apprentissage.

Dans sa démarche d’innovation permanente, l’EPITA développe une approche pédagogique numérique inédite et associe avec excellence enseignement, recherche et innovation. L’EPITA apporte, par sa présence sur cinq grands campus en France, son ouverture internationale, ses laboratoires et son startup studio, des réponses innovantes aux grands défis technologiques, industriels, économiques et sociaux. Avec ses 8000 diplômés présents dans plus de 2000 entreprises, l’EPITA offre des opportunités de carrière sans frontières à ses apprenants, capables d’imaginer et de bâtir un nouveau monde numérique.

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